Test : Xenoblade Chronicles: Definitive Edition (Switch)

Nintendo nous le confirme : promis, cette fois-ci, c’est la dernière.

Xenoblade Chronicles occupe une place assez particulière au sein de la librairie des classiques Nintendo. Sorti en petites fanfares au Japon en 2010 sur Wii en tant que suite spirituelle de la mythique saga Xeno, le nouveau-né de Monolith Software a eu bien du mal à sortir des frontières de son pays natal. Il a fallu attendre une année, et ce après moultes prières, pour recevoir une version européenne tirée à très peu d’exemplaires et dotée d’un doublage so British assez déroutant. Pourtant, malgré ces déboires (ou peut-être à cause d’eux), le jeu a atteint un statut quasi-mythique. Le reste du monde a lutté via l’opération Rainfall pour obtenir ne serait-ce que quelques gouttes du supposé joyau. Dix ans plus tard, Xenoblade Chronicles est enfin accessible à tous, sans barrière d’import ou de modèle spécifique de console. Rien que pour ça, il mérite son sous-titre de Definitive Edition.

We can definitely do this

Je n’avais rien contre la Wii, vous savez ! Un modèle trônait même fièrement chez moi et, parfois, je l’utilisais ! Cependant, mon aversion partielle pour certains types de jeux de rôle japonais, en particulier ceux qui nous demandent de regarder le plafond en attendant de pouvoir jouer, m’a longtemps fait éviter le titre. Je me le suis finalement procuré dans sa version New Nintendo 3DS, peut-être surtout pour justifier l’achat pas forcément utile d’une console que je possédais déjà en plusieurs exemplaires.

An Obstacle in Our Path. C’est le titre de la musique jouée lors des affrontements contre les boss, un puissant mélange de guitare, de batterie et de violons qui ajoute du peps à des moments fondamentalement mollassons. J’adore la musique. J’adore la musique de Xenoblade Chronicles, d’ailleurs. Je l’adore tellement que je l’écoute. Je l’écoute même parfois la console éteinte, sur mon ordinateur. J’ai souffert autant que les ennemis à la suite d’un enchaînement sur ces musiques, la console éteinte. Je suis presque morte avec ces musiques. La bande-son de Xenoblade Chronicles est, à mon humble avis, sa plus grande qualité, et les remixes font de leur mieux pour les embellir. En vérité, il s’agit plus d’une remise à niveau que de véritables réorchestrations ; comme on nous l’autorise, j’ai beaucoup changé à la volée entre la bande-son Wii et celle Switch pour conclure qu’au fond, elles se ressemblent tellement que je ne suis pas sûre d’entendre une vraie différence au-delà de l’utilisation discrète d’instruments et de chœurs à la place d’un synthétiseur.

Refaire la même chose avec les normes d’aujourd’hui semble être le leitmotiv de Xenoblade Chronicles. Personne n’a oublié l’horrible design des personnages sur Wii, les contrôles un peu maladroits, cette sensation de jouer à un titre PlayStation 2 d’entrée de gamme uniquement sauvé par une direction artistique des décors fabuleuse et une bande-son mythique.

Pour le meilleur ou pour le pire, cette monture Switch ressemble plus à un mod de l’original qu’à un remake, sans pour autant n’être qu’un simple portage HD appelé remaster. La physique étrange des sauts, certaines animations déjà désuètes à sa sortie, tout est de retour avec « simplement » une nouvelle couche de peinture. À défaut de plaire à tout le monde à cause de leur côté un peu générique, les héros arborent désormais une esthétique qu’on qualifierait d’acceptable et de moderne. Néanmoins, au même titre que la bande-son, la différence reste subtile ; les couleurs vibrent, les yeux ont repris une place que nos cerveaux jugent normale, mais ce n’est pas comme si on avait autrefois honte d’imposer aux internets nos meilleurs clichés du jeu. J’ai d’ailleurs de très bons amis qui apprécient le chara-design d’antan.

Arrive enfin la dernière remise à niveau : les environnements. La direction artistique de l’époque était si parfaite que quelques polygones de plus ne pouvaient que leur faire du bien. Cependant, la qualité générale reste en dessous de ce qu’on a déjà pu voir dans ses suites Xenoblade Chronicles X et Xenoblades Chronicles 2. Comme pour les musiques ou les personnages, les développeurs ne semblent pas avoir voulu nous offrir une réimagination de ce qu’on pense avoir vu à l’époque, mais bien la version qu’ils voulaient créer en 2010. En résumé, le titre a l’allure d’un jeu 360 de milieu de génération, un moment où les développeurs maîtrisent assez la machine pour faire ce qu’on avait jamais vu avant, mais pas assez pour dépasser nos attentes.

Xenoblade Chronicles: Definitive Edition est donc, avant tout, une sorte de remaster plus travaillé que d’habitude. Et ce n’est pas forcément mal.

I’ll change the future myself!

Je vais parler à titre personnel, de peur d’attirer le joug de mes chères lectrices et lecteurs : la trilogie Xenoblade n’a jamais eu de bon système de combat. On le décrit souvent, et à juste titre, comme une variante de ceux des MMORPG, à l’exception notable qu’il est barbant. Ce n’est pas parce que la glorieuse compositrice Yôko Shimomura donne le meilleur d’elle-même pour nous réveiller que les affrontements ne peuvent pas être également décrits comme : « C’est comme un J-RPG, sauf qu’on a rien à faire ». On apprend vite à jouer avec les différents temps de rechargements des compétences, à réussir à placer le bon combo pour passer rapidement à la suite, et ce sans jamais ressentir de véritable excitation.

Au final, en rejouant pour la deuxième fois à Xenoblade Chronicles, je ne cessais de me demander ce qui m’avait tant accroché il n’y a même pas cinq ans. L’OST, certes, j’ai toujours eu une certaine sensibilité musicale ; pour moi, une bonne bande-son peut transformer le pire des navets en un chef-d’œuvre cinq étoiles. Sauf que la réponse ne se trouve pas là quand, en vérité, certains morceaux me rappellent plus des combats juridiques et sociaux pour garder un lien avec mon enfant que des joutes épiques que je découvrais pour la première fois. À ce titre, j’ajouterai évidemment que ce n’est pas le système de combat non plus qui m’a accrochée.

Non, ce qui m’a accrochée, ce qui nous a tous accroché·e·s, c’est son univers.

L’histoire entière prend place sur les cadavres fossilisés de géants qui, après des millénaires de lutte acharnée, ont fini par s’empaler. On n’a jamais fait aussi mortel et carrément badass qu’être de petites formes de vies spontanées nées du corps d’un dieu, se promenant sur le corps de ce dieu, équipées d’une épée capable de voir le futur. Les environnements ouverts sont sans aucun doute les plus beaux et impressionnants que les médias de l’imaginaire aient connu en 2010. Faire ses premiers pas sur les plaines de Gaur éradiquent toute nostalgie qu’on a pu avoir à notre sortie de Midgar en 1997, un endroit gigantesque qui, à lui seul, a renversé l’industrie en son temps. Même si très peu de surprises s’y cachaient, la beauté de ces lieux nous donnait une envie irrépressible d’aller partout. De Final Fantasy XIV à Red Dead Redemption 2, l’inspiration des décors remplis de quêtes insipides de Xenoblade Chronicles ont laissé une marque souvent imitée, très clairement jamais égalée. Le choc a été tel que même Nintendo les a supplié d’appliquer leur magie à The Legend of Zelda: Breath of the Wild pour le succès qu’on connaît.

Monolith Software contrôle le monde, et avec un nom comme le leur, la vérité est évidente : nous vivons sur eux depuis le début et le jeu n’était qu’une métaphore de notre existence. Ou quelque chose comme ça.

Malgré leurs suites ou les titres sur lesquels ils ont pu travailler, aucun ne dépasse la sensation de voir au-dessus nos têtes ces deux énormes épées d’où qu’on soit, en pleine quête, équipés de la Monado, cette épée (je ne le répéterai jamais assez) capable de nous prévenir des dangers qui arrivent dans un satané futur proche. Aucun autre de leurs jeux ne nous donnent cette impression de n’être que de la chair fraîche minuscule face aux technologies avancées, les Mechons. Cependant, Xenoblade Chronicles montre régulièrement son âge et sa qualité d’échafaudage pour la décennie qui a suivi, en particulier avec ses donjons parfaitement adaptés en tant qu’aide à l’endormissement. Quand on se promène des heures dans un marécage majestueux en gardant le regard fixé sur ce château trop compliqué à atteindre pour nous, et qu’on s’aperçoit finalement que dedans ne se trouvaient que trois couloirs carrés et un coffre, la déception est vraie.

À vrai dire, la marque laissée par l’univers de Xenoblade Chronicles est si forte qu’on a facilement toléré le pittoresque doublage anglophone d’époque. Tellement que jouer au titre en japonais, comme on nous le propose si gentiment, m’a semblé dénaturer l’aventure même. Ici, on s’appelle « mate » avec l’inflexion so British qui va avec ou on ne s’appelle pas (oui, je vis dans une maison très silencieuse, pourquoi cette question ?).

En résumé, cette nouvelle version du hit de Monolith Software porte bien son nom. Xenoblade Chronicles: Definitive Edition est le jeu original avec une bonne couche de peinture, toutes les options imaginables et une courte aventure d’une dizaine d’heures en bonus. Bien qu’accusant son âge, ce J-RPG mérite toute votre attention !

Marine

Points forts :

  • Son OST majestueuse
  • Un doublage anglais digne des meilleurs épisodes de Doctor Who
  • La possibilité de changer de langue ou de bande-son à la volée
  • Des environnements ouverts à la base d’une décennie de jeux vidéo
  • L’univers
  • L’épée Monado, capable de voir le futur
  • L’épisode bonus inédit
  • Une vraie version définitive

Points faibles :

  • Le système de combat un peu barbant
  • Les donjons carrément barbants
  • Les quêtes secondaires résolument et absolument barbantes
  • Des animations souvent datées

La Note : 16/20

Développeur / Éditeur : Monolith Software / Nintendo
Genre : J-RPG
Support : Nintendo Switch
Date de sortie : 29 mai 2020

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