Test : Xenoblade Chronicles 2 (Switch)

Même s’il arbore fièrement un 2 dans son titre, ce nouvel épisode de Xenoblade est en réalité le 3ème titre de cette franchise (après Xenoblade premier du nom sur Wii et Xenoblade X sur Wii U), appartenant elle-même à la plus vaste Saga « Xeno » issue de l’esprit du créateur nippon Testuya Takahashi il y a déjà 20 ans dans Xenogears sur PlayStation.

Cette série au parcours assez chaotique et dont les droits des divers épisodes appartiennent à différents éditeurs (Square Enix, Bandai Namco, et désormais Nintendo) conte les péripéties de héros pilotant des robots géants pour affronter Dieu, marchant sur des Dieux étant eux même des robots géants, ou combattant des robots géants pour devenir de nouveaux Dieux … tout un programme.


Si je n’ai pas la prétention de résumer ici les moindres circonvolutions ni le concept et l’histoire de chacun des épisodes de cette longue série vous aurez vite remarqué que leur créateur aime beaucoup les histoires métaphysiques sur la place de l’homme dans l’univers, le dépassement de soi-même, les méchas et la destruction des déités. Ce n’est pas un hasard si les sous-titres des Xenosaga sortis sur PlayStation 2 reprennent le nom d’ouvrages de Friedrich Nietzsche.

Ce nouvel épisode sorti récemment sur Switch se veut une suite presque directe à Xenoblade Chronicles sorti sur Wii en 2010 et reprend dans les grandes lignes sa structure, sa construction et sa progression, effaçant au passage une bonne partie des ajouts du plus récent Xenoblade X (qui a été développé en parallèle).

 

Rex Quondam Rexque Futurus

Alors que Xenoblade X laissait très clairement l’histoire de côté pour proposer une aventure basée avant tout sur l’exploration de son monde tout en verticalité, Xenoblade 2 revient à la formule du premier épisode qui mettait en avant une histoire très développée où Shulk et sa bande devaient lutter pour sauver leur monde d’une invasion de robots appelés les Mékons.
Le 2 du titre n’est pas usurpé et on retrouve ici une histoire typée Shônen, classique mais efficace, où les intentions des héros au sang bouillonnant sont claires, sauver le monde de méchants assez caricaturaux animés d’intentions néfastes, à l’aide du pouvoir de l’amitié et du courage, dans les grandes lignes.

Exit les colosses Bionis et Mékonis du premier épisode, des géants inanimés depuis des siècles et sur lesquels la vie avait pu se développer.
Dans le monde d’Alrest à la mer de nuages infinie c’est sur le dos d’une myriade de titans que les différents types d’espèces vivantes ont pullulé : humains, nopons, ou encore monstres carnassiers à l’envergure démesurée.
On démarre l’aventure dans la peau de Rex, un récupérateur vivant du commerce d’antiquités et de babioles qu’il trouve dans cet océan de nuages. Il habite sur le dos de son « grand-père », un Titan doué de parole et l’ayant élevé depuis sa plus tendre enfance.
Alors qu’il se voit un jour proposer un contrat juteux visant à récupérer une marchandise abandonnée en compagnie d’autres mercenaires, Rex se fait tuer par l’un de ses compagnons.
Fort heureusement, on imagine bien qu’un RPG ne se termine pas au bout d’à peine 5 heures (sauf si on s’appelle Arc the Lad). L’objet de cette mission est de récupérer l’Aegis (du même nom que le bouclier de Zeus), une lame légendaire originaire de l’Elysium.
Cette Lame pouvant s’incarner sous une forme humanoïde, nommée Pyra, ressuscite notre héros en sacrifiant la moitié de son cristal-cœur.
Rex fait alors la promesse à Pyra de la ramener vers l’Elysium, située au sommet de l’arbre monde et d’où la vie est apparue à l’origine avant que pour des raisons mystérieuses les humains en furent congédiés et durent prendre refuge sur le dos des Titans ayant été envoyés par l’Architecte créateur de ce monde. Au passage, Rex est bien évidemment déterminé à se venger de Jin, l’auteur du coup d’épée fatal l’ayant occis.

Ce plot assez classique est le point de départ des aventures de Rex et Pyra, qui rencontreront au cours de leur voyage de nombreux alliés étant aussi bien des Pilotes que des Lames, lesquelles sont des formes de vie artificielles pouvant se matérialiser sous la forme d’une arme pour nos héros.

Comme soulevé précédemment, cette histoire ayant été écrite en grande partie par Testuya Takahashi, ne soyez pas étonné très vite au cours de l’histoire de retrouver ses lubies habituelles entourant la condition humaine, les dieux, l’identité humaine et la conscience, la rendant ainsi beaucoup plus complexe et profonde qu’elle ne laisse à croire au cours des très bavardes premières heures de jeu. Cela étant, le tout n’échappe pas aux dizaines et dizaines de clichés et poncifs du RPG Japonais, tantôt réconfortants que très vite assez agaçants.

 

Pyra(mide)

Il n’y a rien de plus différent d’un Xeno qu’un autre Xeno, que ce soit en termes de game system que d’univers, d’ambiance et de style narratif.
Cela a pourtant changé lorsque Monolith Soft a commencé à développer les Xenoblade pour les consoles de Nintendo, reprenant d’épisode en épisode la même formule afin de garder une certaine cohérence.
Xenoblade premier du nom est sorti quelques temps après Final Fantasy XII et on les a beaucoup comparés en raison de leur structure similaire proposant un monde en apparence très ouvert (grâce à divers artifices) où les ennemis sont visibles à l’écran et où les combats se déroulent en semi-temps réel, faisant penser aux mécaniques d’un MMO mais hors-ligne. Une grande partie des objectifs consiste, comme dans nombre de ses homologues, à occire une population de monstres dans un environnement donné et rapporter un certain type de ressources pour pouvoir progresser.
Cette suite reprend grosso modo la même structure en combat, offrant des affrontements en semi-temps réel.
Une fois un affrontement lancé, les attaques de base sont lancées automatiquement par nos héros, et il conviendra alors de choisir quelles compétences utiliser, à quel moment, ainsi que son placement.
Les Arts sont les diverses compétences utilisables en combat, et elles se rechargent quelques secondes après leur utilisation (chaque Art ayant une durée de recharge différente), à la manière de ce que propose l’Active Time Battle présents dans les Final Fantasy.
Exit la longue barre de commande horizontale pour laquelle chaque personnage avait le choix entre ses différentes compétences, désormais chaque touche de la manette correspond à une action, déterminée au préalable dans les menus.

 

Il est possible de changer en plein combat de Lame à l’aide des flèches directionnelles, chaque lame étant associée à une arme pour notre héros et des compétences qui lui sont propres.
Certaines attaques spéciales peuvent être chargées plus longtemps pour renforcer leurs efficacités, et des combinaisons entre différents personnages et types d’attaque permettront de déclencher divers bonus et multiplicateurs de dégâts.
Le placement de notre personnage sur le terrain par rapport aux ennemis revêt une importance fondamentale, certains coups voyant leur efficacité doublée lorsque portée sur le flanc ou à l’arrière d’un ennemi par exemple, et divers bonus peuvent être ramassés sur le terrain après une attaque réussie, tels que des fioles de soin. De temps à autre il faudra également réussir certains QTE pour que nos attaques spéciales délivrent davantage de dégâts.
Le choix de design d’empêcher son personnage de frapper alors qu’il est en mouvement est en revanche assez difficilement compréhensible, ce n’était pas le cas dans les précédents épisodes, il faut donc qu’il soit complètement statique pour porter son coup.
Déclencher des compétences au moment précis où un coup est délivré à un adversaire octroie également un bonus en efficacité de l’attaque en question.

On peut bien évidemment varier à loisir la composition de son équipe et de ses Lames afin de bénéficier de davantage d’options de combat face aux hordes ennemis, comme des soins et des buffs, essentiels lors des affrontements les plus ardus.
Jusqu’à 3 pilotes peuvent prendre part à un combat, lesquels peuvent piloter 3 lames à la fois. Cependant on contrôle un seul personnage à la fois, laissant l’IA se charger du reste.

 

Chaque personnage disposant de ses lignes de dialogue qu’il délivre à chaque coup porté, ça peut vite devenir la foire d’empoigne et il est de bon ton de trifouiller dans les paramètres audio pour éviter de devenir chèvre.
Au cours de l’aventure de nouvelles Lames rejoindront naturellement notre équipe, mais il est également possible d’en invoquer de nouvelles à l’aide d’une loterie en échange de cristaux-cœurs dédiés. Il existe plusieurs dizaines de Lames dans le jeu, et toutes les collecter ne sera pas une mince affaire.

Comme souvent dans ce type de jeu, on remplira très vite ses sacoches d’une myriade de matériaux en tout genre, lesquels servent aussi bien à être revendus qu’à améliorer son équipement ou à remplir diverses quêtes.
Chaque Lame peut être améliorée en modifiant l’arme qu’elle porte, on peut également leur conférer diverses compétences passives à l’aide de cœurs-auxiliaires (pour lesquels il faudra sacrifier des matériaux lors de l’opération de raffinage).
Remporter des combats confère aussi bien de l’expérience que divers Points de Compétences qui permettent d’améliorer la puissance de ses attaques ou d’acheter de nouvelles compétences sur un sphérier. Comme dans Final Fantasy XV aller se coucher permettra de monter des niveaux à l’aide d’une partie de l’expérience accumulée jusqu’à lors.
Un sociogramme permet de débloquer des compétences pour nos Lames en réalisant certaines prouesses (tuer un certain nombre d’ennemis, effectuer diverses manœuvres). Pyra qui dispose de sortilèges de feu pourra, si elle dispose du niveau nécessaire, incendier des troncs d’arbre qui bloquent la route. D’autres lames pourront quant à elles par exemple crocheter des coffres, ou déchiffrer des langues anciennes.
Après un certain nombre d’heures de jeu on nous offrira la possibilité d’envoyer des mercenaires en mission, lesquelles reviendront avec des récompenses lors du retour au bercail.
Mis bout à bout, ces très nombreux systèmes peuvent paraître assez complexes de prime à bord et semblent manquer d’une cohérence d’ensemble, même si passé un certain temps d’adaptation nécessaire on se fait vite à ces mécaniques.
L’un des principaux reproches que l’on pourrait faire à cet épisode est son manque général de clarté d’explications quant à ses mécaniques. En effet les tutoriaux ne s’affichent qu’une seule fois lorsqu’on nous explique une nouvelle mécanique, et il n’est pas possible de les revisiter dans un menu dédié, ce qui est difficilement compréhensible vu la tonne d’explications données tout au cours du jeu. Les systèmes ne sont pas complexes en soi, et s’imbriquent assez bien en jeu une fois assimilés, mais ce manque de limpidité nuit clairement à leur compréhension par le joueur novice.
En outre la carte du jeu est tout sauf pratique, on n’avait pas vu un tel désastre depuis la map de Shin Megami Tensei IV. Lorsque l’on arrive dans le menu de la carte, on n’est pas immédiatement renvoyé vers la position du joueur, et il faut d’abord choisir quelle région du monde on veut voir pour ensuite devoir chercher la position du curseur indiquant où est le joueur, alors que la logique voudrait que notre position soit directement placée au centre de manière lisible dès l’ouverture du menu. La superposition de divers éléments (comme les très nombreux magasins) sur la carte nuit également à sa lisibilité.

La boussole nous menant aux objectifs est très souvent assez défaillante, surtout quand plusieurs objectifs sont présents en même temps, nous obligeant à faire des allers-retours car la direction indiquée n’était optimale.
Il arrive dans les premières zones de jeu que l’on se fasse attaquer par des ennemis de niveau 80 et plus, nous éliminant en un coup et nous faisant perdre un temps précieux. Ces monstres surpuissants existaient déjà dans les précédents épisodes, mais ils se faisaient plus rares et plus faciles à esquiver.
Lors du début de l’aventure la progression est assez lente, et il n’est pas rare de devoir farmer durant de longues heures afin de pouvoir avancer dans l’histoire, l’équilibrage étant parfois assez raté (surtout aux moments où l’on nous retire certains compagnons, rendant les affrontements bien plus difficiles).
Le système de téléportation n’est pas des plus limpides qui soit, et il est parfois possible de se téléporter alors que scénaristiquement parlant cela ne devrait pas être possible.
Espérons que divers patchs viennent remédier à ces différents problèmes d’ordre mineur.

 

Takahashi parmentier

Xenoblade 2 comme ses prédécesseurs affiche une durée de vie très généreuse pour compléter sa quête principale, environ 80 heures pour voir le bout, dans la lignée de ce que proposaient les précédents Xenoblade.
Chaque région du monde se situe sur un nouveau titan et propose une ambiance et des paysages radicalement différents. Le cycle jour/nuit et la météo sont désormais le standard dans ce type de production et influent sur les monstres que l’on rencontrera.
Côté musiques le groupe ACE est de nouveau de la partie et ses compositions sont toujours aussi agréables, mais sans doute un peu moins marquantes. Yoko Shimomura (Kingdom Hearts, Final Fantasy XV, Mario & Luigi) n’a pas repris son rôle de compositrice du premier épisode, Hiroyuki Sawano (Gundam Unicorn, l’Attaque des Titans) de l’épisode X non plus, et la grosse tête d’affiche est désormais Yasunori Mitsuda (Chrono Trigger, Chrono Cross, Xenosaga, Xenogears). Sa présence au casting n’est pas une énorme surprise, il avait en effet composé l’Ending de Xenoblade premier du nom et c’est un collaborateur de longue date de Takahashi. Sans trop de surprise, ce sont ses morceaux qui sont le plus mémorables parmi la Bande Originale du jeu, à laquelle ont également participé Kenji Hiramatsu et Manami Kiyota.
Si visuellement le résultat est très réussi lorsque l’on joue sur sa télé, avec de grandes distances d’affichages et des environnements fourmillant de détails, le constat n’est malheureusement pas le même lorsque l’on joue en mode portable.
Si l’action est très lisible même sur l’écran portable de la Switch, notamment grâce aux menus et aux textes suffisamment grands et bien agencés, le jeu peine à maintenir une résolution suffisamment élevée et fait du yoyo entre du 368p et du 552p, avec un aliasing assez prononcé.
Cela reste malgré tout tout à fait jouable et acceptable après un petit temps d’adaptation, et la qualité graphique reste toutefois très supérieure à ce à quoi on avait droit sur 3DS, surtout lorsque l’on revient du portage de Xenoblade 1.

 

Alrest in peace

Xenoblade Chronicles 2 aurait gagné à bénéficier d’un polish supplémentaire de quelques mois quitte à être repoussé à 2018 afin de corriger les nombreuses tares qui le gangrènent (les problèmes techniques en mode nomade, la carte mal foutue, l’équilibrage à revoir, les tutoriaux mieux intégrés).
Cela étant dit, on a malgré tout affaire à un excellent RPG proposant une histoire haletante à suivre, un casting de personnages attachants, un système de combat très agréable à jouer et une bande son phénoménale, dans un monde incroyablement dense à explorer (surtout si l’on y joue en mode portable).
Certes, certains designs de personnages sont complètement over the top et auraient gagné à être moins vulgaires. Certains plans de caméras assez honteux mettant en avant les formes des protagonistes féminins auraient aussi pu être facilement évités.
Mais si l’on joue à du RPG Japonais, c’est aussi car au fond on aime les clichés du genre et que l’on accepte cette proposition particulière, sans constamment faire preuve d’ethnocentrisme primaire.
Même si j’ai davantage apprécié Xenoblade et Xenoblade X à cet épisode, et que de très nombreux défauts parsèment Xenoblade 2, je ne peux que vous conseiller cette suite si vous êtes friand du genre et que votre Switch manque désespérément de jeux de rôle et d’open world depuis que vous avez fini Zelda Breath of the Wild et Skyrim.

Monolith Soft est déjà à l’œuvre sur une nouvelle franchise, embrassant vraisemblablement le genre de l’Heroic-Fantasy.
Xenoblade X et Xenoblade 2 ayant été développés en parallèle, cela ne signe pas forcément la fin de cette série, et il y a fort à parier que Takahashi a encore de très belles histoires à nous raconter dans cet univers.

Falcon

Points forts :

  • Enfin un véritable JRPG d’envergure sur Switch
  • La bande son magistrale (Yasunori Mitsuda <3)
  • Un système de combat riche et profond
  • La richesse des thématiques abordées
  • Un immense monde à explorer
  • Le système de Blades
  • Les voix japonaises disponibles en téléchargement gratuit

Points faibles : 

  • L’histoire qui peine à décoller durant la première moitié de l’aventure
  • Le personnage creux et monolithique de Rex
  • Certains choix de design assez douteux
  • Visuellement assez faible en mode nomade
  • Une carte du monde illisible et peu claire
  • Le manque d’un menu dédié aux tutoriaux
  • Beaucoup trop bavard, des cutscenes interminables

LA NOTE : 17/20

Développeur : Monolith Soft
Editeur : Nintendo
Genre : J-RPG
Support : Nintendo Switch
Date de sortie : 1er Décembre 2017

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