Test : Assassin’s Creed Valhalla (PC)

Après deux épisodes plutôt convaincants, Ubisoft continue à travailler sur la renaissance de la formule Assassin’s Creed et nous envoie faire un tour chez les Vikings.

Même si nous ne sommes plus sur un modèle annuel, la franchise Assassin’s Creed semble avoir repris un rythme de croisière, au risque de retomber dans les errements qui lui ont été reprochés. Pas facile d’innover tout en conservant une recette qui fonctionne, ne pas se reposer sur ses lauriers, et c’est un défi que tente de relever le studio de Montréal avec Valhalla. Origins refondait complètement le système de combat ainsi que les quêtes, Odyssey mettait l’emphase sur la narration et le loot, ce troisième volet joue la carte du menu best of et tente d’offrir une aventure plus organique.

Comme un parfum de Drakkar

Après l’Égypte et la Grèce Antique, nous voilà propulsés quelques centaines d’années plus tard, vers la fin du IXe siècle. on y incarne Eivor, personnage unique (contrairement à l’épisode précédent qui donnait le choix entre un frère et une sœur) dont le genre sera laissé au choix du joueur ou de la joueuse (ou de l’I.A). Une sélection qui peut passer pour une forme de régression, car elle donne la sensation de perdre un peu de la personnalité que semblaient posséder les avatars bien distincts d’Odyssey. Rien de grave au final, car si on y perd cette caractérisation qui avait fait de Kassandra un personnage réellement marquant, il est peut-être plus facile de se fondre dans ce nouveau corps (NDLR : malgré sa sonorité, Eivor est plutôt un prénom féminin à la base). Souhaitant échapper à la politique locale, Eivor et son demi-frère Sigurd décident de quitter la Norvège pour établir une colonie en Angleterre, suivant les traces des fils du célèbre Ragnar Lodbrok. Une envie de conquête qui les mènera sur la voie des assassins face à leurs éternels adversaires que sont les templiers.

Voyage, voyage

S’il y a bien des éléments sur lesquels Valhalla est indiscutablement une réussite, c’est sa direction artistique et son game design en général. L’introduction norvégienne est déjà sublime, avec ses sommets enneigés que l’on sent directement hérités de Steep et ses incroyables aurores boréales, mais l’ensemble est magnifié lors de l’arrivée en Angleterre. À la vue des premières bandes-annonces, tout le monde s’accordait à dire qu’Ubisoft s’était largement inspiré de l’esthétique de The Witcher 3, cependant ça va bien au-delà. S’il y a une référence visuelle au titre de CD Projekt, c’est peut-être dans son DLC Blood & Wine qu’il faut la chercher, surtout au niveau des environnements chatoyants. Une autre inspiration assez évidente est celle de The Legend of Zelda: Breath of the Wild avec l’importance que le studio a pu mettre sur la distance de vue et les divers objectifs visibles. Même si c’est nettement moins mis en avant que dans le jeu de Nintendo, il est intéressant de repérer des lieux à explorer en se perchant sur les hauteurs. Tout invite au voyage et il n’est pas rare de se laisser porter par sa monture sans autre but particulier qu’admirer la campagne anglaise. Mention spéciale pour les éclairages qui rappellent les plus belles heures de Red Dead Redemption 2. On sent qu’Ubisoft Montréal veut nous offrir une expérience plus poussée que le simple nettoyage habituel des points d’intérêt.

Monastère amer

Depuis Origins, et surtout Odyssey, l’accent est mis sur les grandes batailles, une orientation qui fonctionnait assez moyennement, ses mêlées étant plutôt brouillonnes et pas vraiment palpitantes. Valhalla ne déroge pas à la règle, mais le principe a été grandement revu pour coller à la stratégie Viking. Lorsque vous vous déplacez en Drakkar, vous avez la possibilité de lancer des pillages de camps, villages et monastères à la recherche de trésors variés. Des séquences vraiment prenantes qui, malgré une certaine répétitivité, ajoutent vraiment à l’immersion. Défoncer des portes, bruler les maisons et mettre à sac la cité offrent une certaine exaltation. On pourra néanmoins regretter une petite dichotomie entre ces rapines brutales et l’absence de victimes civiles. S’il est facile de comprendre les motivations du studio quant au fait de ne pas donner dans le massacre d’enfants ou de moines, on ne peut s’empêcher de se sentir parfois un peu hors sujet. Quoi qu’il en soit, ces pillages remplacent avantageusement les éternelles attaques de camps militaires, classiques des franchises Ubisoft. Globalement, le jeu est beaucoup plus équilibré entre les phases d’exploration, de combat et d’énigmes, loin du forcing d’un Odyssey.

Assassin’s Creed New Horizon

Autre mécanique déjà effleurée dans plusieurs épisodes (notamment Black Flag), la fondation de votre colonie est au cœur de l’aventure. La quasi totalité de vos actions est destinée à faire grandir votre petite communauté, du simple campement au petit village à terme. La construction de bâtiments fera monter la jauge de réputation de votre colonie, attirera de nouveaux résidents et de nouvelles structures. Une mécanique très maline qui pousse à aller explorer et piller afin de ramener les matériaux nécessaires, sortant ainsi de la routine habituelle et peu engageante des précédents épisodes de la saga. Il n’a jamais été aussi motivant de « nettoyer » la carte. Chaque nouvelle baraque édifiée propose un service, que ce soit de nouvelles quêtes, des outils ou de l’ajout cosmétique, tout a une utilité, de la caserne à la cabane de chasse. Si on est encore loin du réalisme de la vie de camp d’un Red Dead Redemption 2, il n’en demeure pas moins que l’on s’attache rapidement à ce bourg, sentant constamment le besoin de le faire grandir. Le village servira également de base d’opérations, de point de départ pour les quêtes principales du scénario et la recherche d’alliances entre les différents clans scandinaves installés sur les terres anglaises. Des renforts importants, car il va falloir sacrément batailler pour mériter son lopin.

Vie de voyou

Tout ceci tombe très bien, Eivor aime se battre. Ielle est grandement aidé·e dans sa tâche par un système de combat retravaillé. Origins s’était grandement inspiré des Souls, et Odyssey avait enfoncé le clou en y ajoutant quelques mécaniques un peu lourdes, notamment au niveau des contres et esquives pas toujours simples à prendre en main. Valhalla garde les bases, mais simplifie certaines commandes afin de fluidifier l’action. Eivor retrouve le côté virevoltant des assassins de la génération précédente tout en gardant l’exigence imposée par la refonte du système. La victoire n’est jamais garantie, cependant elle demeure nettement moins difficile à atteindre que dans un Odyssey ; notre personnage est un·e guerrier·ère Viking qui a l’habitude des affrontements directs et percutants. Cela entraine un autre petit paradoxe dans le choix du sujet du jeu, privilégiant le contact frontal plutôt que l’assassinat en douce, pourtant dans l’ADN même de la série. L’approche directe sera ainsi souvent mise en avant, mais la partie infiltration regagne aussi quelques lettres de noblesse dans cet opus, poussant le·a joueur·se à la discrétion et non l’assassinat de masse. Dans les deux précédents volets, remplir les objectifs nous obligeait généralement à nettoyer intégralement les zones, alors qu’ici il est autrement plus intéressant de jouer les fantômes.
Mais une vie de viking, ce n’est pas que la bagarre, votre aventure sera également ponctuée de concours de picole ou de joutes verbales rappelant un certain Monkey Island.
Le titre lorgne aussi nettement plus du côté du JDR avec son arbre de talents massif qui laisse une totale liberté de personnalisation aux joueur·se·s ; un arbre qui rappelle (dans une moindre mesure) celui de Path of Exile.

Moins de tout pour le bien de tous

Le territoire à explorer est grand, mais plus ramassé que ne l’était celui d’Odyssey, une excellente initiative, car beaucoup moins vertigineux au premier abord. En choisissant d’enlever la plupart des aides de l’interface, vous serez livrés à vous-mêmes, les points d’intérêt ne se dévoilant qu’à proximité de votre avatar. Fini le fourmillement de quêtes et cette impression d’être constamment submergé. Niveau histoire, la logique est la même, pas d’excès dans les différentes tâches proposées, on ne se retrouve pas avec un carnet rempli de choses à faire, il est bien plus simple de suivre les aventures du clan du corbeau. De la même façon, Ubisoft a totalement revu le système de loot qui était devenu totalement délirant avec de nouvelles armes et armures qui tombaient à chaque adversaire abattu, provoquant une forme d’écœurement. Valhalla sort de ce modèle à la Diablo et revient à quelque chose de plus sobre en laissant la possibilité de pousser son équipement préféré jusqu’au bout de l’aventure. Il sera évidemment toujours possible de changer, mais les pièces d’armure ou les armes seront généralement cachées dans des coffres ou données par les PNJ, l’accent étant surtout mis sur l’upgrade. Dernière grosse différence, et pas des moindres, l’abandon de la mécanique des nids d’aigles. Ces points de vue sont toujours de la partie, avec la classique synchronisation, mais ils ne font que révéler la topographie environnante et non pas les objectifs d’une zone. Par contre, les points importants sont visibles du haut de notre perchoir, incitant encore une fois à l’exploration.

C’est beau, mais c’est loin

Évaluer un nouvel Assassin’s Creed n’est jamais chose aisée, tant le concept évolue tout en restant le même au fil du temps. Un peu à la manière d’un FIFA ou d’un NBA 2K, il s’agit surtout de savoir si c’est un bon cru ou pas. À ce niveau là, aucun problème, Valhalla est une excellente cuvée, un épisode qui surpasse sans mal les deux précédents jeux de cette franchise renaissante. Peut-être qu’une aventure un peu plus courte à la manière d’un Origins aurait été bienvenue, mais le jeu ne tombe pas non plus dans les excès d’Odyssey. On regrettera également l’écriture d’Eivor, clairement moins brillante que celle de Kassandra (qui restera probablement la meilleure incarnation de la licence), mais son statut de personnage interchangeable joue beaucoup dans l’équation. Notons également quelques quêtes à l’humour franchement douteux qui auraient plus leur place dans un jeu Gearbox qu’Ubisoft, pas la meilleure idée qu’ils aient eue. Sur tout le reste, c’est un réel plaisir, et surtout, quelle claque visuelle ! Très certainement le plus beau jeu de cette fin de génération, aux côtés d’un Red Dead Redemption 2 et The Last of Us 2. Chaque nouveau coin de la carte apporte son lot d’émerveillement et certains panoramas offrent des instants inoubliables, pour peu que l’on tombe à la bonne heure de la journée.
Il est quand même important de préciser qu’actuellement le jeu est encore truffé de bugs plus ou moins graves, du crash pendant un screenshot à la corruption de sauvegardes. C’est une vieille habitude qui colle aux jeux Ubisoft depuis dans années et s’il est évident que tout finira par être patché, il vaut mieux être prévenu avant de se laisser tenter.
Assassin’s Creed Valhalla est vraiment l’aboutissement de cette formule initiée en 2017 avec l’aventure égyptienne, un épisode qui ne peut que satisfaire les fans et potentiellement plaire à ceux qui avaient décroché depuis un moment déjà. Reste à espérer que le studio saura maintenant se renouveler suffisamment et ne plus se reposer sur ses acquis.

Ominae

Points forts :

  • Artistiquement sublime
  • Les pillages
  • Le monde plus organique
  • La gestion de la colonie
  • L’arbre de talents
  • L’abandon du loot
  • Le système de combat efficace
  • La meilleure OST de la franchise

Points faibles :

  • Encore pas mal de bugs
  • L’écriture pas toujours au niveau
  • Toujours trop long

La note : 18/20

Développeur : Ubisoft Montréal
Éditeur :
Ubisoft
Genre :
Action aventure
Support :
PC, Xbox One, Series X/S, PS4, PS5, Stadia
Date de sortie :
10 novembre 2020

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *