Test : Eastward (PC)
Il est de beaux voyages, certains plus que d’autres, de ceux qui vous marquent durablement. Celui que vous propose Eastward appartient à cette catégorie, un périple qui vous hantera pour longtemps.
Difficile de ne pas penser à Earthbound en jouant à Eastward, le titre culte a d’ailleurs largement servi d’inspiration au studio chinois Pixpil qui ne cache pas le moins du monde cette filiation, la revendiquant même à l’intérieur du jeu. Mais les plus anciens y retrouveront d’autres madeleines, tant Eastward rappelle des titres emblématiques de la Super Famicom tels que Secret of Mana, la trilogie Terranigma ou encore Secret of Evermore. Une vraie machine à remonter le temps des émotions, qui ne se repose heureusement pas uniquement sur cet effet nostalgique pour toucher nos petits cœurs de joueurs.
De profundis
John et sa fille adoptive, Sam, vivent dans une petite cité souterraine nommée « Île-Cocotte ». Un patelin tenu d’une main de fer par le maire qui décide de tout, imposant un travail de forçat à ses administrés les moins privilégiés. Faisant largement écho à la série Gurren Lagann (que vous devez bien évidemment avoir vue avant vos 50 ans pour ne pas avoir raté votre vie), le sinistre individu utilise la peur d’un monde extérieur supposément empoisonné par le miasme afin d’empêcher quiconque d’aller voir ailleurs. Une méthode évidemment vouée à l’échec quand une jeune fille aventureuse rêve de ciel bleu et d’herbe verte. Ces envies d’exploration vont mener le duo hors des profondeurs de l’Île-Cocotte et les entrainer dans un périple toujours plus loin vers l’est, rencontrant en chemin de nombreux personnages et surtout d’autres cités très différentes de la leur. Bien évidemment, cette fuite en avant est motivée par d’autres raisons qu’un simple désir de voyage, mais trop en dire serait se laisser aller au divulgâchage, alors restons-en là pour le contexte.
Une poêle dans la main
Eastward reprend le schéma classique des jeux d’aventure (ou A-RPG) des années 90, à savoir des phases de dialogues et de rencontres dans les villes qui nous entrainent vers des zones de combats. Si on pense évidemment à Zelda pour ce type de titre, le jeu s’apparente plus à un Illusion of Time, car l’exploration reste relativement linéaire. On sort assez rarement des rails, même s’il est parfois possible de s’écarter légèrement du chemin. Durant les phases d’action, on va devoir alterner entre John et Sam, dont les aptitudes diffèrent, le premier étant purement versé dans le combat et la seconde plutôt dans les magies de soutien. Assez rapidement, cette alternance prendra une autre épaisseur, ajoutant une dimension puzzle aux combats. Le concept de passer de l’action old school aux énigmes aurait pu rendre le gameplay intéressant mais rapidement redondant si les développeurs n’avaient pas eu la bonne idée de mêler les deux, créant une tension plutôt inédite dans ce genre de titre. Il vous arrivera de devoir jongler entre les deux personnages afin de progresser dans la zone tout en éliminant des adversaires, parfois à un rythme assez soutenu. Des mécaniques originales qui ajoutent une bonne dose de difficulté à l’aventure.
John, qui joue les gros bras, va pouvoir compter sur un certain nombre d’armes, de sa poêle fétiche au lance-flammes. Sam, quant à elle, va posséder divers pouvoirs permettant, entre autres, d’immobiliser les ennemis ou de regagner un peu de vie ; une jauge de vie commune aux deux personnages.
Cooking Papa
Si John se bat avec une poêle, c’est aussi parce qu’il a un don pour la cuisine et ne se sépare jamais de son instrument de prédilection. Une cuisine qui, à l’instar d’un certain Breath of the Wild, s’avèrera très vite essentielle dans la progression. Les petits plats que John prépare permettent de récupérer de la vie, de l’énergie, mais peuvent également offrir une protection supplémentaire ainsi que des bonus d’attaque. Afin de les stocker, il sera bon de rapidement augmenter la taille de son sac à dos qui ne propose au début de l’aventure que deux « poches » pour garder les mets. Il sera également possible (et fortement conseillé) d’améliorer les armes afin de ne pas buter contre certains adversaires qui peuvent se révéler sacrément solides. Il sera d’ailleurs important de faire les bons choix, car les possibilités de montée en niveau ne sont pas rapides à se présenter et on peut parfois regretter de ne pas avoir amélioré l’outil le plus efficace. On retrouve les classiques réceptacles de cœurs permettant d’augmenter sa vie maximale, soit en fouillant minutieusement des zones du jeu, soit en emportant la victoire contre un boss. Le joueur un peu explorateur se retrouve assez rapidement doté d’un pool de vie plutôt correct, et ce n’est pas un mal, vu les difficultés rencontrées.
Le jeu dans le jeu
Référence évidente à Earthbound, Earthborn est le titre auquel tous les jeunes PNJ s’adonnent lors de leurs pauses sur les consoles de certaines boutiques. Ce RPG old school, largement inspiré d’un certain Dragon Quest, propose une mini aventure qui offre un sous-texte fort intéressant à l’histoire principale. Afin de progresser dans la quête, il faudra accumuler des figurines dans les gashapon se trouvant généralement à proximité de la console. Chaque figurine faisant office d’amiibo pour vous aider dans le jeu ; un concept qui ajoute une couche narrative de façon extrêmement intelligente. Même si, évidemment, il ne s’agit pas d’une expérience qui doublera le temps de jeu d’Eastward, l’illusion s’avère plutôt réussie.
Je dirais que c’est d’abord des rencontres…
L’une des grandes forces d’Eastward réside dans sa narration. Pas que le jeu soit un modèle d’écriture, même s’il se situe plutôt dans le haut du panier, mais ce sont ses personnages qui lui donnent ce supplément d’âme dont manquent tant de titres du genre. Chaque rencontre apporte un petit plus et le succès lié aux dialogues avec les personnages n’en n’est que des plus simples à obtenir, tant il est plaisant de flâner et discuter. Certains de ces personnages vont proposer des mini quêtes ou simplement alimenter de façon très maline le lore d’un univers qui se révèle assez riche. Les développeurs ont également porté un soin particulier aux routines journalières des PNJ et sans évidemment atteindre la minutie d’un jeu Rockstar, l’effet est saisissant. On a vraiment la sensation de visiter un monde dynamique avec des anonymes qui vivent leur vie selon l’heure de la journée. Il est parfois impressionnant de voir comme le studio crée l’illusion d’une forte densité de population en jouant simplement sur les heures de la journée. Se promener dans les bourgades est vraiment un plaisir, un aspect walking sim qui n’a rien à envier aux phases d’action.
Se souvenir des belles choses
J’ignore si Eastward sera un succès commercial, s’il restera dans les mémoires du jeu vidéo, mais je sais qu’il ne me quittera pas de si tôt. Dire au revoir à ses personnages après une vingtaine d’heures d’aventure n’est pas facile, c’est la marque des jeux qui comptent. Et puis, il serait dommage de passer à côté de l’un des plus beaux bébés de l’année (en toute simplicité). Évidemment, tout n’est pas rose dans le tableau : le rythme est assez inégal, la difficulté pas toujours très bien dosée, la potentielle finesse des combats de boss laisse souvent la place à un martelage des boutons bien plus efficace et certaines mécaniques gagneraient à être mieux expliquées. Le titre, sans être verbeux, se révèle assez bavard et il est possible que ceux qui voudraient trouver un Zelda-like, plus immédiat, finissent par rester à quai.
Malgré ses quelques imperfections, Eastward mérite largement d’être découvert et confirme que les studios chinois ne sont pas là pour faire de la simple figuration.
Ominae
Points forts :
- Visuellement somptueux
- Des personnages que l’on oublie pas
- Une OST de haute volée
- L’habile mélange puzzle/combat
- Très bonne localisation française des textes
Points faibles :
- Quelques soucis de rythme général
- La difficulté des combats trop variable
- L’impression d’une fin arrivant un peu vite
La note : 18/20
La note : 18/20
Développeur : Pixpil
Éditeur : Chucklefish
Genre : A-RPG
Support : PC, Switch
Date de sortie : 16 septembre 2021