Test : Pokémon Let’s Go, Pikachu ! (Switch)
Contre toute attente, Pokémon Let’s Go n’est pas un spin-off de la série phare de Game Freak. Les multiples changements opérés par la compagnie sont là pour rester, ou tout du moins aider la licence à évoluer. Et contre toute attente encore, c’est exactement ce qu’on a pu apprécier. Gamingway brave les interdits et impose son avis controversé : ce n’était définitivement pas mieux avant.
Une nouvelle année, un nouveau Pokémon. On exagère un peu, mais il est vrai que les titres se multiplient sous toutes leurs formes, ces dernières années. Annoncés peu avant l’E3 2018, Pokémon Let’s Go, Pikachu ! et Pokémon Let’s Go, Evoli ! avaient tout de l’apéritif voué à rassasier les possesseurs de Switch (et à en vendre), ainsi qu’à donner un coup de pouce au déclinant Pokémon GO. C’est que ce dernier a perdu de sa popularité après un démarrage historique en été 2016, et ce malgré les nombreuses mises à jour améliorant amplement l’expérience. Au final, et selon des déclarations officielles, les épisodes Let’s Go et GO ne sont en rien des hors-d’œuvre, mais bel et bien des épisodes principaux, et les évolutions qu’on peut y voir servent avant tout de fondations au futur de la franchise. Il est donc temps de repartir en 1999 pour la troisième fois, maintenant en 3D et allégé en grind !
Attrapez-les tous (encore) !
Retour donc à Bourg Palette où votre mère vous demandera de partir illico de la maison (probablement pour récupérer la seule chambre disponible) pour aller vous perdre dans la nature à combattre la faune et la flore… ou peut-être pas au final, car les joutes contre les animaux sauvages ont été remplacées par un mini-jeu de lancer de Poké Ball fortement inspiré du titre mobile en réalité augmentée et il s’agit là du changement le plus important, mais aussi le plus intéressant et sujet à débats.
En fonction de la manette utilisée, la technique change et l’utilisation de la fameuse Poké Ball Plus reste l’option la plus ludique, et ce malgré un stick capricieux et l’absence de bouton Y, utilisé pour obtenir des informations sur les attaques disponibles. Il vous suffit de « lancer » l’accessoire plus ou moins devant vous et de profiter des vibrations, sons et lumières particulièrement réalistes. Les Joy-Con servent plutôt de palliatif en comparaison ; on a à viser l’écran ou pas en fonction du côté de manette qu’on a (un seul par joueur étant suffisant) et d’effectuer le même mouvement, mais avec en retour des vibrations plus faibles, sans bruitages ni pyrotechnie chatoyante. En mode Portable enfin, pencher la console entière est de mise, avec un lancer de Poké Ball via le bouton A. Cette fois-ci, on a même plus de vibrations, c’est assez fade. On survivra quand même…
« Sacrilège ! », « Brûlez-les tous ! », voilà ce qu’on peut entendre un peu partout sur les internets concernant les nouvelles mécaniques de capture de Pokémon sauvages. On n’a plus à les affaiblir avant de les incarcérer, lancer sa baballe suffit. Sauf que voilà, on y gagne quand même dans ce changement, notamment du temps, une denrée rare et précieuse à notre époque. Il ne faut pas oublier que le petit combat où on dose au point près les PV de l’animal était avant tout une technique pour gonfler artificiellement la durée de vie d’un jeu qui, objectivement, n’était pas bien long… Sans compter qu’il ne s’agit habituellement que d’une formalité, la difficulté y étant rarement de mise. Cette tradition est néanmoins restée malgré la complexification progressive des titres, au point de devenir un véritable rituel qui, par définition, n’a de sens que dans certains contextes.
Il s’agit donc là d’un débat entre puristes et nostalgiques, qui souhaitent le retour de la prière imposée par les émissaires Rouge et Vert en 1996 (soit il y a 22 ans), et les moins accrochés à la façon de faire d’un jeu portable des années 90. Nul camp n’a raison, mais on peut néanmoins apprécier que le jeu ne nous force plus à combattre des dizaines de Rattata pour grappiller quelques points d’expérience ou en récupérer. C’est sûrement la trentenaire en moi qui parle, mais j’aime quand on ne me prend pas mon temps inutilement. À la place, capturer plusieurs fois de suite un même Pokémon augmentera vos chances de trouver sa version chromatique, que vous ne risquez pas de manquer, vu que les combats aléatoires sont aussi passés à la trappe en faveur de petits monstres se promenant dans l’herbe qu’on peut éviter à volonté. Enfin !
Skrouiiik
En parlant de tradition, on ne peut pas s’empêcher de pointer du doigt la dichotomie entre les cris absolument adorables de notre starter, Pikachu ou Evoli et des bruitages ignobles directement issus du Game Boy du reste du casting. C’est également le cas dans GO, et c’est tout aussi horripilant de devoir supporter cette cacophonie 8 bits même pas déguisée ou mise à jour au milieu d’un environnement sonore moderne.
« Le Japon, entre Tradition et Modernité » est le sujet de dissertation ou d’exposé le plus cliché qu’il soit au monde, et à raison, car derrière tout cliché se cache un fond de vérité et Pokémon Let’s Go le montre bien. Complètement au courant qu’il doit aller de l’avant, après avoir difficilement accordé les déplacements en diagonal et les joutes animées il y a deux générations, la série reste néanmoins obsédée par l’idée qu’elle doit plaire aux premiers joueurs… Une philosophie qui n’est pas sans rappeler, par exemple, Dragon Quest qui en est même venu à proposer une version faussement 8/16 bits de son dernier épisode sur 3DS. C’est comme ça, dans votre Poké Ball Plus, Pikachu chantera ses adorables « pika pika » et Mew, la voix probablement enrouée, s’exclamera de nombreux « kriiiziziikiie ». Aucun sirop ne peut le guérir, il faut apprendre à l’aimer tel qu’il est, please understand.
On peut dire la même chose du moteur graphique, étonnamment aussi poussif que celui des versions de la dernière portable de Nintendo. Les modèles des Pokémon y sont les mêmes déjà, polygone pour polygone, avec simplement des textures plus nettes et un éclairage plus complexe. Ça fait amplement le travail et on ne s’en plaindra pas. Le problème vient plutôt des nombreux ralentissements qui parsèment cette itération 3D de Kanto, avec une mention spéciale pour la Forêt de Jade, très jolie dans cette version diapositive.
Le mode deux joueurs, idéal pour partager l’aventure avec un ami ou membre de sa famille, a même tendance à empirer un peu la tendance avec des micro-chutes qui se répètent inlassablement. Un enfant de six ans n’y verrait que du feu, une adulte aguerrie sortant tout droit du portage de Warframe sur Switch se demande ce qu’il peut bien se passer dans cette machine. En contrepartie, jamais l’univers des créatures de poche n’a été aussi coloré, détaillé et vivant, et on ne peut qu’espérer que le prochain titre canonique lissera tous ces problèmes d’un autre âge.
Une aventure nostalgique pour un public nouveau
La plus grande force de Pokémon Let’s Go est peut-être, au final, d’avoir réussi à mettre à jour un classique pour une nouvelle génération, tout en contentant les anciens. On ne peut jamais plaire à tout le monde, mais revisiter Kanto aux côtés de ma jeune progéniture m’a fait m’apercevoir à quel point nous étions toutes les deux relativement satisfaites. À elle de découvrir la joie non-vegan d’enfermer d’innocentes créatures dans des balles, et moi de profiter de la vague nostalgique et d’atteindre le contenu d’après jeu plus rapidement pour me concentrer sur les combats de haut niveau. Mon plaisir se trouvait dans la progression efficace d’un titre que je connais par cœur, pendant qu’elle se satisfaisait d’une promenade dans les herbes et des combats, jugés rigides, contre des dresseurs aléatoires. La Poké Ball Plus, elle, est rapidement devenue une révélation pour ses petites mains. Aucun écran en miettes n’est à déplorer et elle était bien plus captivée par les réactions de l’accessoire que ce qu’il se passait à l’écran. Triste moi qui ait dû récupérer un Joy-Con à la place… Qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour ses enfants !
Résultat, au risque de paraître vieux jeu, mon véritable plaisir s’est trouvé là, dans le partage complet d’une aventure captivante, bien qu’imparfaite. Mais une fois dedans, à se chamailler sur la marche à suivre, tout ça disparaît pour laisser place à un amusement tout simple et accrocheur. Le bonheur ultime de ce Pokémon se situe probablement au niveau du partage, du passage d’une génération à une autre. Les anciens se mélangent aux nouveaux dresseurs, les grabataires avec les primaires, et c’est main dans la main, ensemble, que l’on peut vivre ou revivre ce voyage.
La connexion avec Pokémon GO se révèle, elle, plus anecdotique. Via un processus un poil compliqué, on peut transférer les créatures capturées sur mobiles sur sa Switch. Ça enlève une petite partie de l’amusement, quand on sait qu’il y en a moins que d’habitude, mais ça permet tout de même d’atteindre le fond du sujet plus rapidement… et puis ça débloque sur l’application mobile une toute nouvelle bête à capturer ! Sachez d’ailleurs qu’une fois les cent heures de jeu dépassées, les Pokémon chromatiques se font beaucoup plus fréquents. À bon entendeur…
Marynou
Points forts :
– Des graphismes propres et colorés
– La capture des Pokémon sauvages simplifiée
– Pikachu et Evoli sont trop choupis
– La bande-son joliment remastérisée
– Un mode coopération plus que bienvenu
– L’excellente traduction française
– Jessie et James, plus rapides que la lumière !…
Points faibles :
– … « kriiiioooreiiiiijii » enchaîne le Miaouss de la Team Rocket
– Des ralentissements à répétition fatigants
– Des combats un peu austères, surtout contre l’ordinateur
– Le deuxième joueur en coopération est temporaire. Aucune donnée partagée
– Câliner son Pokémon avec la Poké Ball Plus est un enfer…
– Pas de MissigNo ou de Glitch City ! Mew n’est toujours pas sous le camion ! Sacrilège !
– « Raaaajjjjjiiiiiiiikaaazzzrrrr ». Vraiment. Juste. Game Freak, pitié.
La note : 16/20
Éditeur / développeur : Nintendo – The Pokémon Company / Game Freak
Genre : RPG, Collectionnisme aigu
Plateforme : Switch
Date de sortie : 16 novembre 2018