Gamingday : Portrait de joueuse – Lenneth

Notre série dédiée aux joueuses continue et cette semaine, c’est le portrait de Lenneth que nous vous proposons de découvrir.

« La perfectionniste : je joue comme je travaille.« 

 

Bonjour, pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?
Lenneth, 33 ans, féministe, gameuse. Aime aussi bien se plonger dans ses jeux vidéo que dans ses livres.

Depuis combien de temps jouez-vous au jeu vidéo et quelle place ce loisir occupe-t-il dans votre vie ?
Mes souvenirs les plus anciens remontent aux petits jeux électroniques qu’on pouvait trouver dans les supermarchés. Je devais avoir 7/8 ans. Dans le style Game & Watch. Je n’en ai pas eu beaucoup, je jouais surtout chez les copains ou les cousins. C’est surtout lorsque mon père a acheté l’Amstrad 6128 plus que j’ai commencé à passer beaucoup plus de temps à jouer : Rick Dangerous, Ninja Turtles, Boulder Dash, Burnin’ Rubber, Green Beret et j’en passe. Des jeux, aussi, dont je ne me souviens plus des titres.
Fallait nous voir, ma petite sœur et moi, en train de se lancer des défis à la con : celle qui ferait le meilleur score, celle qui réussirait à passer tel niveau. Aux Tortues Ninjas nous pouvions jouer à deux, c’était super fun. Bon, parfois c’est vrai nous finissions par nous taper dessus, parce que nous considérions que l’autre avait mal joué.
Je jouais plutôt modérément quand j’étais gamine, car ma mère contrôlait le temps que je passais devant les écrans. Je l’ai surprise en train de jouer à Duck Hunt et elle passait les dimanches après-midi à jouer à Arkanoid avec mon père. C’était marrant et elle gagnait tout le temps. Ce n’était donc pas toujours évident de passer des journées complètes devant la télé ou l’ordi, mais ma passion dévorante pour la lecture prenait également pas mal de mon temps.
C’est surtout quand j’ai quitté le domicile familial et que je me suis installée en résidence universitaire (dans mon 9m² qui représentait la liberté) que j’ai commencé à passer des journées, voire des nuits entières avec des consoles de jeu. Entre deux plats de pâtes et quelques révisions vite faites. Parfois, je ne bougeais pas de mon lit. Pas de douche, une boîte de Chocapic pour survivre.
Maintenant que je bosse, je peux m’acheter tous les jeux que je veux, mais je n’ai plus autant de temps pour jouer. Ouais, la vie c’est trop compliqué, on est jamais content. Bref, pour faire simple, c’est quand même au moins 50% de mon temps libre, voire plus, en fonction des sorties. D’ailleurs, là je peux dire que j’ai pris sur moi pour répondre à cette interview au lieu de jouer à Xenoblade X.

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Quel est le premier jeu à vous avoir vraiment marquée ?
J’hésite vraiment parce que j’associe toujours la façon dont un jeu m’a marquée à des souvenirs personnels. Je vais donc dire Zelda Link’s Awakening. Et pourtant, j’en ai joué à des jeux avant celui-ci. Mais j’ai tellement tout aimé : l’histoire, les musiques, le gameplay, les graphismes. Des cinématiques au début et à la fin du jeu, bordel. Une fois de plus, ma sœur qui me suivait partout et qui voulait également jouer. On résolvait certaines énigmes ensemble. Ce fut l’un de mes plus beaux cadeaux d’anniversaire.

La classique question impossible : si vous ne deviez garder qu’un seul jeu, quel serait-il et pourquoi ?
Je vais encore la jouer grosse nostalgique.
Zelda: Ocarina of Time. J’ai tellement supplié ma mère de m’acheter une Nintendo 64 pour Noël afin d’obtenir ce jeu qu’elle a fini par céder. Il a fallu que j’explique à ma sœur (ouais, elle est toujours dans mes histoires de jeux vidéo) que ce serait un cadeau pour toutes les deux. Les consoles coûtaient chères, alors si je voulais une 64, fallait que je convainque également ma sœur que celle-ci nous était indispensable. Bon, j’avoue je lui ai montré des screens dans les magazines et elle a dit oui tout de suite. La promesse d’un Link en 3D nous faisait rêver.
Et là, le 25 décembre 1998, deux gamines aux yeux qui brillent devant leur écran de télévision. LES AVENTURES.
Alors évidemment, ce ne sont pas les seules raisons qui expliquent ma passion pour ce jeu. Le gameplay, l’univers, la gestion du temps, les musiques… J’ai été subjuguée.
J’ai quand même envie de citer deux autres jeux juste comme ça sans développer et juste parce que la question était effectivement compliquée : Zelda Majora’s Mask et Valkyrie Profile.

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Pour suivre l’actualité, vous êtes plutôt presse papier, sites internet, chaîne télé spécialisée ou « youtubeurs » et « streameurs » ? Sans nécessairement donner de nom, pouvez-vous expliquer ce que vous souhaitez y trouver ?
Je suis plutôt sites internet. Je lis un peu de presse comme Canard PC, mais vraiment très rapidement.
J’aimerais des articles plus poussés d’un point de vue sociologique. C’est un milieu qui devrait faire son auto-critique et ça je ne le vois pas souvent. Comme tout art, tout média, les jeux vidéo doivent être remis en question et bousculés, parce que la critique peut être constructive. Il est important de se poser des questions et ne pas rester sur ses acquis. Et pourtant, cela paraît tellement compliqué finalement.

Pensez-vous qu’il y a une différence de traitement entre joueuse et joueur ? Si c’est le cas, que devrait faire le monde du jeu vidéo (industrie, presse) afin d’améliorer les choses ?
Un thème qui déchaîne toutes les passions. C’est un sujet tellement difficile à évoquer, surtout quand tu es une femme et que tu traînes sur des forums où la population masculine est majoritaire. Ces méchantes féministes qui veulent empêcher les pauvres petits geeks de mater des gonzesses virtuelles et qui se plaignent lorsqu’elles jouent en ligne d’être traitées parfois comme de la merde. C’est bon, « salope » c’est un compliment, quoi.
Le milieu du jeu vidéo a été le petit pré carré de beaucoup d’hommes, alors que des femmes viennent y fourrer leur nez, ça ne plaît pas à tout le monde.
En fait non, les femmes sont des êtres humains comme les autres qui souhaitent simplement être respectées.
C’est parfois dur d’être prise au sérieux. Pour donner un exemple : j’ai bossé à Micromania, un petit job d’été pour payer mes études et mon loyer. C’était incroyable comment les clients masculins avaient du mal à venir vers moi pour me poser des questions. Les autres vendeurs les incitaient pourtant à se tourner vers moi, car je testais certains jeux le soir en rentrant du taf et je pouvais donc répondre aux interrogations des clients sur les dernières sorties. J’avais souvent l’impression de faire partie du décor. Mon avis, mes conseils semblaient ne pas pouvoir être fiables. C’est une expérience qui m’a beaucoup marquée.
Puisque je suis une femme, je ne peux pas avoir autant de connaissances qu’un homme concernant les jeux vidéo. Ce que je sais est totalement déconsidéré. On m’a balancé à plusieurs reprises que je jouais afin de pouvoir « faire mon intéressante » auprès des mecs. C’est vrai, je n’ai sûrement que ça à faire.
Très simplement, j’aimerais, lorsque je joue ou lorsque j’en parle, qu’on arrête de me rappeler mon sexe. J’aimerais que les joueurs masculins me voient comme leur égal et non comme une proie sexuelle potentielle. Qu’ils arrêtent de minimiser les problèmes de sexisme, qu’ils arrêtent d’essayer de parler pour moi. D’essayer de m’expliquer que j’exagère. Est-ce qu’il faut absolument vivre une situation pour la comprendre et la dénoncer ?
Je suis persuadée qu’il faut prendre le mal par la racine, c’est-à-dire que le problème provient de l’éducation donnée aux garçons. C’est là qu’il faut agir. Je suis assez cynique et négative sur les joueurs actuels. Ils ne changeront pas. Je tiens à préciser que cela ne concerne évidemment pas que les jeux vidéo. Les problèmes de sexisme dans le comportement masculin touchent bien d’autres domaines ainsi que la vie quotidienne. L’ÉDUCATION BORDEL. Et il faudrait aussi modifier l’éducation des petites filles afin d’éviter cette oppression totalement acceptée et intégrée comme quelque chose de normal.
Malheureusement, j’ai la triste impression que la presse ou l’industrie du jeu vidéo sont composées pour une grande partie des mêmes abrutis qui ont des comportements sexistes lorsqu’ils jouent ou parlent des femmes. C’est un peu le serpent qui se mord la queue. Mais bon, s’ils devaient faire quelque chose, ce serait d’être plus fermes sur les cas de sexisme avérés, sur le harcèlement dans les jeux en ligne, etc…
La presse pourrait dénoncer systématiquement le traitement sexiste des personnages féminins dans certains jeux. En tout cas, c’est ce que j’attends d’une presse vidéoludique sérieuse et professionnelle. L’industrie du jeu vidéo devrait s’ouvrir beaucoup plus aux femmes. Plus de mixité pourrait tout à fait faire évoluer les mentalités.
Ce serait bien, mais vraiment je n’y crois pas. J’insiste, mais tant que les gens ne modifieront pas l’éducation donnée à leurs enfants on n’avancera pas. J’avais prévenu, je suis très négative sur la façon dont les choses peuvent s’améliorer. J’en ai marre d’attendre que ça bouge.

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Dernière question, mais pas des moindres : si vous deviez désigner une femme emblématique du jeu vidéo (fictive ou réelle) ? En quoi vous inspire-t-elle ?
Du côté fictif, c’est très compliqué, car même des personnages que l’on pourrait qualifier d’intéressants restent assez caricaturaux et finalement sont game designés pour séduire le public masculin. Être forte et indépendante, ça passe, mais il faut tout de même être agréable à regarder. De ce fait, je n’ai pas de femme que je considère comme emblématique. C’est un peu dur, mais là, comme ça, non, aucune ne m’a assez profondément marquée, parce que d’un point de vue visuel, la cible reste l’homme hétérosexuel.
Oui oui, sinon j’aime bien Lenneth hein, mais « beurk » la boobs armor.
Irl, je ne peux pas être aussi vindicative, je ne connais pas de grands noms féminins travaillant dans ce domaine et ayant eu un impact fort sur ce milieu. Mais cela vient plutôt d’un manque de connaissances de ma part. Il y a peut-être des femmes connues, mais je suis incapable d’en citer une. Alors que je peux tout à fait nommer des hommes.

Propos recueillis par Ominae // janvier 2016

► Retrouvez Lenneth sur Twitter : @Lenneth__

Les précédents portraits : SironimoLyz – Patar

  • Miss Tigry21/02/2016 à 20:02Permalink
    Belle initiative que cette rubrique !
    Et bravo pour la qualité de ces quatre premiers interviews.
  • Ominae28/02/2016 à 13:31Permalink
    La qualité des interviews est essentiellement due aux personnes interrogées.
    Encore un grand merci à elles. ;)

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