Avis : Yoshi’s Crafted World donne une leçon d’accessibilité bancale

En cette période tumultueuse d’après Sekiro où les joueurs se battent pour savoir comment rendre notre loisir préféré plus accessible, Yoshi’s Crafted World décide de nous montrer ce qu’il faut faire… et ne pas faire.

Une nouvelle génération de console, un nouveau Yoshi. On ne peut pas faire une introduction moins originale que ça, mais Nintendo ne nous y aide pas non plus. On ne peut pourtant pas lâcher une série que l’on suit assidûment depuis plus de vingt ans, la formule classique fonctionne comme au premier jour, notamment grâce à un habillage de qualité. Le précédent nous avait envoyé dans un univers fait de laine et autres tissus, c’est maintenant au tour du carton de remplir l’écran. On sent un peu la pub semi-cachée pour Nintendo Labo, mais l’idée marche et est très bien utilisée, c’est le principal. Comme à son habitude (si on omet le Yoshi’s Island original), le jeu est d’une facilité enfantine que ma progéniture de six ans ne réussit pas à surmonter. SOIT. Elle a pourtant réussi à finir Mario 3D World et Mario Odyssey avec un an de moins, on a beau être à l’inverse de Sekiro, j’ai dû tolérer le titre dans son intégralité en mode coopération. Surprise : c’est pas le top. Nintendo réussit généralement son coup avec ce genre de chose, Pokémon Let’s Go était d’ailleurs très sympa, et pourtant…

Nintendo a tué ma relation avec mon enfant

Je n’ai jamais autant apprécié les modes de jeu en coopération locale que depuis que je me suis reproduite. Chaque développeur gère la chose différemment, avec d’après mon expérience, Skylanders comme les pires élèves du monde et Nintendo la crème de la crème. Les premiers ne proposent aucun moyen d’interagir directement avec ses partenaires, nous détruisent même la tâche en imposant un fil invisible et inutile reliant les joueurs pour les empêcher de trop s’éloigner l’un de l’autre. Impossible d’aider sa stupide descendance en la portant comme dans Mario 3D World, de la pousser un peu comme dans les New Super Mario Bros, de l’avaler comme dans Kirby… Non, on se retrouve tous à tomber dans des trous aléatoires (surtout elle, évidemment) à cause d’une idée de cordon particulièrement mauvaise qui m’aura coûté cher en hospitalisation pédiatrique, sans compter les problèmes avec les services à l’enfance… Activision c’est le mal et tout est de leur faute, c’est pas nouveau.

Ça ne voit pas sur les photos, mais ma fille a les mains dans le plâtre et la police m’attend à la porte

Yoshi, donc. Revenons à nos moutons. Nintendo a eu l’occasion de prouver maintes fois qu’ils étaient les professionnels du multijoueur local, c’est donc les yeux fermés que je me suis lancée dans ce nouvel épisode avec cette satanée incompétente. Un constat s’est rapidement imposé à moi : non seulement le mode Relax n’aide pas énormément les moins doués comme ma fille, mais les deux Yoshis ont tendance à s’emboîter bien trop facilement.

Commençons par l’option facile : les développeurs nous proposent, comme dans l’opus précédent, de remplacer le petit saut prolongé du lézard en un vol infini, mais latéral uniquement. On peut donc se rattraper de justesse avant de tomber dans un trou, mais on ne peut pas en remonter, ce qui est bien, mais pas top. L’idée est probablement de rester le plus en l’air possible pour passer par dessus les obstacles, sauf que le bestiau réussit à inventer une nouvelle vitesse inférieure à celle de croisière. L’autre ajout est un détecteur approximatif de fleurs, indispensable pour pouvoir avancer dans le jeu. Autant dire qu’en cas de puzzle, labyrinthe ou ennemi coriace, le challenge reste identique. La duologie Mario 3D avait au moins proposé une feuille d’invincibilité en cas de problème…

C’est tout de même adorable, non ?

Arrive donc maman et ses capacités de true gameuse. Le titre de Nintendo fait tout pour pourrir mon travail de sauveuse que mon enfant, ingrate, n’admire pas à sa juste valeur. Un coup de langue mal géré et on se retrouve avec de la chair fraîche non digérable en bouche. La caméra ne dézoomant pas, l’un peu bloquer la progression de l’autre… Que ce soit en empêchant la plus douée des deux d’avancer à une vitesse normale ou tout court quand bloquée dans un coin de mur. Pire, il suffit qu’un Yoshi saute un peu trop près de l’autre pour qu’ils se retrouvent à faire du cheval, empêchant celui qui porte à lancer des œufs. Je ne soulignerai pas assez à quel point ces quelques mécaniques sont frustrantes et m’ont personnellement détruite une expérience de jeu pourtant de qualité.

Bien que classique dans son fond, le titre enchaîne les bonnes idées avec des niveaux aux thématiques variées. On tape des taupes par-ci, on est en avion par-là, sans compter une étrange passion pour les trains… Seule, il s’agit d’une véritable promenade virtuelle sans véritable challenge, un grand musée à la gloire des talents artistiques de Nintendo. Le presque nouveau venu chien Poochy se montre plus présent que d’habitude pour mon plus grand plaisir, un allié de choix pour creuser des trous et ne rien faire du tout. La bestiole avance en effet seule une fois sur son dos, si ce n’est pas pratique ! La possibilité de collectionner des costumes (dont certains déblocables via quelques Amiibo de l’univers Mario) est bienvenue, servant également, au passage, de bouclier si jamais vous êtes suffisamment mauvaise comme ma fille pour vous faire toucher. On y retrouve des idées vues et revues, comme le satané désert ou la purée de glace, mais on nous a épargné les passages sous l’eau. Une bonne chose, non ?

Ci-joint, des Yoshis déguisés en taupe et en Poochy. Aussi, des morses parlant en morse.

Alors pourquoi ai-je dû passer mes nerfs sur une pauvre petite créature humaine sans défenses ? L’espace de jeu ne permet que rarement des interactions riches avec son acolyte, en plus de souffrir de ralentissements quand les deux joueurs s’agitent de trop. Tout semble trop étroit pour autoriser les deux Yoshis à s’amuser librement. Il est évident que l’on va se rentrer dedans régulièrement, c’est le principe même du jeu en coopération, sauf que Yoshi’s Crafted World ne semble pas avoir été pensé pour ça. Des situations revues mille fois, comme un challenge de lancer d’œufs sur des cibles qui se transforme en remake de Cauchemar en Cuisine à cause d’un malencontreux enfant relou placé pile sur la trajectoire, brisant la coquille en plein vol. Difficile également de planer et toucher ses ennemis avec cette arme quand il suffit à l’autre imbécile de me frôler pour monter sur mon dos et m’enlever cette capacité. Non seulement le soft n’est pas aussi accessible qu’il aurait pu l’être, un peu bête pour un titre visant un public jeune, mais le jeu en coopération rend les choses plus dures qu’elles ne devraient l’être. On peut même plutôt parler de mode difficile, un monde de rage façon From Software. Résultat, je me retrouve à jouer un peu seule et supporter ses pauses balançoires :

Ne vous y trompez pas, je recommande particulièrement Yoshi’s Crafted World. Ce nouvel épisode de la saga de la bestiole multicolore respire la fraîcheur et l’originalité, et bien qu’il soit court et semble se retrouver avec un mode multijoueur ajouté à la dernière minute, il s’agit là d’un classique auquel je jouerai encore pendant de longs mois avec mon mini-moi… dès qu’on m’en redonnera la garde.

Marynou

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