Test : Les Chevaliers de Baphomet : La Malédiction du Serpent (Switch)

Après avoir fait son grand retour inespéré en 2013 sur PC/Vita/iOS et Android dans un cinquième épisode décidément rétro (dans le bon sens du terme), voici que ce dernier se voit porté sur la dernière de Nintendo. On vous gâche la surprise : c’est une grande réussite !

Vers 2010, les Anglais de Revolution Software ont eu une petite idée qui fera du bruit dans le milieu : prendre les choses en main en créant et distribuant eux-mêmes un cinquième épisode de leur série phare : Les Chevaliers de Baphomet.
Libérés de toutes les contraintes que pourraient apporter des supérieurs capricieux ou un éditeur pressé de voir ses investissements revenir gonflés, ils ont pu se concentrer longuement sur la qualité de leur titre, de l’écriture aux peintures servant de décor… Est-ce une façon de faire toujours pertinente en ces temps modernes ?

Retour vers le passé

Les aventuriers d’antan Georges Stobbart et Nicole Collard se retrouvent, une fois de plus, au milieu d’un meurtre qu’ils voudront absolument résoudre et qui les emmèneront à l’autre bout de la planète afin de démêler des conspirations pas si capilotractées que ça. Un pitch assez classique, certes, mais venant d’une série qui a introduit en 1996 les Templiers dans une œuvre fictive bien avant le Da Vinci Code et consorts, on en attendait pas moins. Cette fois-ci, cet ordre religieux est mis de côté pour se concentrer sur une branche dissidente, le mouvement gnostique, qui proclame que le monde dans lequel nous vivons est une prison créée par un dieu imparfait.

Le jeu ne perd pas de temps à nous lancer dans le bain. Après une vidéo d’introduction assez raide, rapide et quelque peu bâclée, on se retrouve face à ce pour quoi on s’est procurés le titre : cliquer partout à l’écran dans l’espoir de résoudre des énigmes devenant de plus en plus compliquées. Nos deux héros sont en effet réunis pour la première fois depuis longtemps pour couvrir chacun à leur façon une exposition artistique, l’un parce qu’il travaille pour la compagnie assurant le tableau phare et l’autre en tant que journaliste. Un malfaiteur arrive, s’empare de la dite œuvre en assassinant le propriétaire de la salle au passage, avant de s’enfuir. Vous voilà propulsés au centre d’une aventure deux fois plus longue que celles d’avant, où seul un peu de patience vous fera comprendre pourquoi vous enquêteriez sur une affaire à l’apparence assez simple.

Take your time

Le rythme y est lent et les personnages bavards, et c’est exactement ça qui plaît. La vieille époque des jeux d’aventure point’n click, dont le représentant le plus connu est Lucas Arts (Monkey Island, Day of the Tentacle…), est présent sur votre Switch dans toute sa splendeur, jusqu’à l’inventaire probablement sponsorisé par la marque du sac de Mary Poppins.
Telltale Games a bien pu revigorer avec brio le genre en le rendant plus cinématographique, il reste tout de même plaisant de voir un jeu n’ayant pas peur de prendre son temps pour vous raconter son histoire. Le titre n’a rien à envier aux œuvres romanesques de la Belle Époque et se savoure comme telle. Le but n’est pas de voir le bout le plus rapidement possible en accumulant des trophées qui ne sont pas réels (mais qui le sont quand même), on est là pour admirer la beauté du tout et se laisser emporter par un scénario pas forcément original, mais résolument prenant.

Bien que nos deux héros, Georges et Nico, soient un peu vides de personnalité, les personnages secondaires ont tous quelque chose qui vous fera sourire. Le barman du coin regarde d’un mauvais œil la mode du Starbucks et ne servira que de petits cafés noirs bien français à la pelle à en faire déborder votre vessie, le prêtre est obsédé par le Mal qu’il voit partout, et le petit vendeur de la galerie a bien du mal à faire décoller son business original consistant à remplir son étalage de produits « exotiques » tels que des porte-clés importés. Ils partent tous d’une image un peu cliché, mais sont suffisamment bien développés pour être attachants et comprendre où Revolution Software veut en venir. Le doublage français est quant à lui un peu… Décalé, pour ne pas dire limite raté. Les acteurs semblent parfois blasés, perdus et les soliloques solennels ou autres blagues peuvent aisément tomber à l’eau. On ne saura que trop vous recommander de switcher pour la VO disponible directement dans les options.

Il est vrai que les dialogues peuvent parfois faire un peu grincer des dents de par leur écriture hasardeuse, mais l’humour typique à nos amis anglais réussit à rattraper le coup aisément… Si on y est sensible. Il s’agira là d’un goût purement personnel ; point de remarques grivoises françaises chez la parisienne Nico ou de punchlines américaines kitsch sortant du héros né dans l’Idaho, juste du cynisme et des phrases bien placées utilisés comme il faut.

Un monde embelli, mais résolument compliqué

La vision qu’ont les développeurs de la capitale française est résolument romantique. La tour Eiffel peut être aperçue au loin, dès la scène d’introduction, à travers la vitre de la galerie d’art et le Sacré Cœur se trouve juste à côté. Les rues taguées, jonchées de poubelles et d’immeubles gris sont ici remplacées par un art plus avant-guerre, comme si nous n’avions jamais quitté le début du XXe siècle. On trouvera même dès le début un pissoir trônant fièrement à côté de l’exposition, alors que ces derniers ont été interdits il y a bien longtemps. Être nostalgique des hommes urinant en pleine ville, à l’air libre, on peut avoir du mal à comprendre.

Ce traitement idyllique n’est bien évidemment pas réservée à notre ville, et tous les endroits que vous visitez semblent tout droit issus de la vision que peuvent avoir les étrangers d’un endroit spécifique… Et la patte artistique du jeu sublime et supporte définitivement le tout. Les décors peints et riches en couleurs sont en véritable régal pour les yeux, une vraie exposition artistique à eux seuls. Les personnages pré-modélisés en 3D peuvent parfois un peu jurer, notamment de par leurs animations sacrément rigides, mais il s’agit là du résultat des contraintes financières propres au développement du titre ; Kickstarter aide mais ne fait pas de miracle, et tant que l’ensemble reste cohérent, on a pas vraiment à se plaindre.

Si seulement les énigmes n’oscillaient pas autant entre le logique et l’incompréhensible. C’est sûr, on est bien revenus dans les années 90. Je peux facilement comprendre qu’on ne puisse utiliser qu’une carte en plastique pour décoller un chewing-gum, mais je ne sais toujours pas COMMENT j’étais sensée deviner quel nom conviendrait parfaitement à la start-up du vendeur (à épeler lettre par lettre, une seule solution possible, merci beaucoup)… Une torture certes, mais que l’on viendra à regretter quand les dernières heures du titre s’étonnent que l’on ne connaisse pas plus en détail l’histoire du gnosticisme depuis le premier siècle après Jésus Christ. Je t’aime beaucoup, jeu, mais je ne suis pas venue ici pour souffrir. Remercions Dieu, en qui on ne peut que croire dans ce cas précis, qui leur a donné l’idée d’ajouter une option Indices qui peuvent jusqu’à vous donner les solutions, sans tourner autour du pot.

Un titre réussi, mais perfectible

Ce nouveau chapitre des Chevaliers de Baphomet, bien qu’imparfait, reste une réussite sur bien des aspects. Son histoire prenante et son enrobage artistiquement travaillé sont parfaitement retranscrits sur la Switch de Nintendo : les temps de chargement sont quasi-inexistants, l’animation y est fluide et l’image nette et colorée. Les contrôles initialement prévus pour une souris sont ici remplacés par une combinaison de touches, sticks et vibrations qui fonctionnent très bien ; l’écran tactile peut même être utilisé en mode portable. Si jamais vous êtes en manque de jeux d’aventure à l’ancienne ou que vous aimez prendre votre temps et profiter du voyage, le titre mérite toute votre attention.

Marynou

Points forts :

– Beau, artistiquement travaillé et réussi
– Contrôles à la manette intuitifs
– Du bon humour anglais
– Un portage de qualité
– Scénario prenant…

Points faibles :

– … Bien que classique
– Doublages français inégaux
– Ces énigmes déroutantes

La note : 16/20

Éditeur / développeur : Revolution Software / Revolution Software
Genre : Aventure, Point’n Click
Plateforme : Switch (PC, Android, iOS, Vita, PS4, Xbox One)
Date de sortie : 21 septembre 2018

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