Test : Shenmue 3 (PC)

On dit souvent qu’il faut croire en ses rêves et ce n’est pas la sortie de Shenmue 3 qui va contredire cette maxime, enfin pas totalement.

Pour comprendre la folie Shenmue, il faut l’avoir connu à l’époque, tant la portée nostalgique est importante dans cette sortie. Une nostalgie qui aura sa place dans cette critique, car c’est elle qui porte le jeu à bout de bras. Il est nécessaire de garder ça en tête avant d’entamer la lecture, c’est l’essence même du projet, ce qui lui confère son intérêt. Soyons clair, si vous n’êtes pas un amateur de la saga, ce troisième volet ne s’adresse pas à vous et vous vous économiserez quelques minutes de lecture en passant directement à la conclusion du test. Pour les autres, il est temps de poser ses fesses dans la time machine pour une petite balade rétro.

Il était une fois

Je pourrais revenir sur tout ce que Shenmue a apporté à l’Histoire (oui, avec un grand h) du jeu vidéo, sur sa légende ainsi que le curriculum vitae de son créateur, Suzuki Yu, mais tout ceci ne serait que redite sans grand intérêt. Il me faut plutôt vous parler de mon rapport à Shenmue et en quoi il est important à mes yeux. Lorsque sort le jeu fin 2000 sur Dreamcast, je navigue entre la PlayStation et le PC, Final Fantasy IX est le dernier gros titre de ma période console et il est temps pour moi de rentrer dans une phase qui occupera presque 100% de ma vie de gamer jusqu’à 2004 avec Counter Strike. À ce moment là, en dehors de quelques J-RPG et MMO coréens, je me consacre entièrement au FPS compétitif, le solo ne m’intéresse plus tellement. La Dreamcast, console magnifique autant que maudite, me faisait de l’œil, mais globalement trop chère et loin de mes préoccupations du moment, jusqu’à ce qu’un jour débarque Shenmue.
Je découvre le jeu chez un ami, la seule de mes connaissances possédant la console de Sega à l’époque, et c’est la claque. Shenmue représentait le fantasme de tout joueur, beau à pleurer, il débordait de réalisme. Le simple fait de pouvoir ouvrir tous les tiroirs, prendre n’importe quel objet pour l’examiner était une dinguerie. Et cette liberté de déplacement, l’apparent monde ouvert, une sensation qui ne reviendra pas avant Morrowind quelques années plus tard. Quand j’ai enfin eu une Dreamcast, le second épisode était déjà sorti depuis un moment, me permettant ainsi de m’envoyer les deux d’affilée, amplifiant la tristesse de ne voir aucune suite se profiler.

C’était mou avant

Mais tout ceci est de l’histoire ancienne, le Shenmue 3 tant attendu est enfin là, si proche de ses prédécesseurs que l’on croirait qu’il existait déjà, juste bêtement oublié sur une étagère depuis 15 ans. Oui, car le jeu reprend là ou Shenmue 2 s’était arrêté, comme si le temps avait suspendu sa course au fond de cette mine en Chine. Et là, je ne parle pas uniquement de l’histoire, mais également l’aspect général du jeu ainsi que son interface, nous revoilà sur Dreamcast mais en 2019.
Shenmue 3 reprend donc le fil de l’aventure là où on l’avait laissé, dans la grotte près de la demeure de Shenhua. La quête de Ryô débute par la recherche du père de cette dernière dans le village ou plutôt le hameau de Bailu ; certainement la plaque tournante du tourisme en Chine, vu le nombre de Gashapon et de jeux d’argent proposés. L’objectif étant de comprendre la signification des symboles des deux miroirs et en profiter, si possible, pour botter l’arrière-train de l’assassin de son père.
D’une façon générale, on retrouve plus ou moins le gameplay des épisodes précédents, à savoir un peu d’exploration, de discussion avec les autochtones, du combat, des QTE et des mini-jeux. C’est d’ailleurs peut-être sur ce dernier point que Shenmue 3 rend le moins honneur à ses aînés. Si les tâches rébarbatives ont toujours fait partie de l’ADN de la licence, elles trouvaient une justification assez pertinente, à l’image de cette séquence culte du Fenwick, juste allégorie de la pénibilité du travail. Ici, nulle symbolique ou narrativité dans le travail, uniquement du grind pénible obligatoire ; gagner l’argent nécessaire à la poursuite de l’aventure est une plaie.

 

Le Dark Souls des Shenmue

Il y a deux formes d’endurance : celle à la From Software qui apporte à l’expérience de jeu, offrant de nombreuses subtilités dans le gameplay et celle qui ressemble au cours de sport de Madame Chauvin quand on était en 6e. Vous savez, cette endurance dans un stade en plein mois de décembre le lundi matin. Eh bien, Shenmue emprunte surtout à la seconde catégorie, la version pénible. Certainement la pire idée que pouvait ajouter l’équipe de Suzuki. Tout repose sur cette jauge et devient cause d’une irritation grandissante tout au long de la partie. C’est bien simple, l’entièreté de la boucle de gameplay va être conditionnée par cet élément, car c’est ce qui permet à votre personnage d’agir. Marcher, courir, parler, ouvrir des portes, se battre et tout simplement exister consomment votre « barre » d’endurance. Ce ne serait évidemment pas drôle si cette même jauge ne servait pas également de réserve de points de vie. Imaginez un peu, vous vous promenez un peu trop longtemps, un combat survient et là vous démarrez directement avec 50% de vos HP en moins, un vrai bonheur. Vous avez évidemment la possibilité de récupérer votre endurance en mangeant des aliments de l’épicerie du coin (c’est leur seconde spécialité après les Gashapon). De la nourriture qu’il faudra acheter grâce à l’argent gagné lors des mini-jeux et là vous avez compris le principe du grind décrit dans le paragraphe précédent.
Fort heureusement, les combats restent finalement peu nombreux et c’est plus le fait de courir d’un point A à un point B qui ruinera votre jauge.

Crazy Kung Fu

Bien que ce ne soit pas un grand secret, il est toujours bon de rappeler qu’à l’origine, Shenmue était censé être un Virtua Fighter RPG et ses affrontements devaient se calquer sur ceux du jeu éponyme. On ne va pas se mentir, les combats n’ont malheureusement jamais été le point fort de la licence, mais ils faisaient le job. Là, c’est une catastrophe, on sent que Suzuki Yu n’a plus les équipes de Sega derrière lui, la technique est totalement aux fraises. Les animations sont ratées, les hitboxes aléatoires, la latence est surréaliste, rien ne va. Au début, on tentera péniblement de rentrer des combos à son adversaire avant d’apprendre une ou deux techniques spéciales qui permettront à elles seules de remporter toutes les victoires par la suite. Maintenant, il faut garder à l’esprit que Shenmue a toujours été plus une quête initiatique qu’un jeu de baston, et finalement, on retiendra essentiellement la recherche de cette philosophie des arts martiaux. Un peu caricatural, bien sûr, mais c’est un élément qui fonctionne relativement bien dans l’univers global du jeu.

Retro Hazuki

Au final, Shenmue 3 est-il cet accident que l’on voyait arriver au ralenti depuis 4 ans ? J’ai envie de dire oui et non. Il est évident que nous ne sommes pas face à un jeu majeur, cependant son existence même est importante. Il s’agit avant tout d’un jeu dédié aux fans de la licence, à ceux qui réclamaient une suite à corps et à cris, une promesse tenue alors que ce n’est pas réellement la norme dans l’industrie. Alors, évidemment, ce n’est pas la claque technique de l’époque, mais l’ensemble reste finalement assez agréable à l’œil (si l’on fait fi des modélisations et expressions faciales). D’une certaine façon, on pourrait trouver assez osé de reprendre les mêmes éléments qu’il y a vingt ans, mais ça met également en lumière un grand manque d’expérience technique. Il est facile de pardonner cette apparence figée dans la glace, mais trop de détails trahissent le fait que les développeurs n’ont pas su digérer vingt années d’évolution de leur média. La meilleure illustration est cette interface totalement anti-ergonomique qui aurait dû être adaptée aux codes modernes ; incompréhensible.
Après, malgré ces nombreuses critiques négatives, je dois avouer qu’il dégage un charme assez incroyable, peut-être de part son statut d’ovni du jeu vidéo ou est-ce à cause de cette promesse d’une fin que l’on désire toujours ? Quoi qu’il en soit, voici une marche de plus vers le bout de cette histoire qui semble vouée à rester inachevée. Suzuki Yu nous promet un quatrième volet, mais les déceptions liées à cet épisode pourraient mettre un terme à cet engagement. Une raison de plus qui rend l’existence de Shenmue 3 importante, le titre restera peut-être comme la dernière étincelle d’une lumière mourante.

Ominae

Points forts :

  • Des décors plutôt jolis
  • Les musiques toujours aussi envoûtantes
  • L’ambiance inimitable
  • La sensation de retrouver un vieil ami.

Points faibles :

  • Réalisation poussiéreuse
  • Le système d’endurance insupportable
  • Les mini-jeux peu passionnants 
  • Le grind obligatoire
  • Les combats approximatifs
  • Ce n’est toujours pas la fin

La note : 12/20

Développeur : Ys Net, Neilo
Éditeur :
Deep Silver
Genre :
point & click, aventure narrative
Support :
PC, PlayStation 4
Date de sortie :
19 novembre 2019

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