Test : Streets of Rage 4 (Switch)

Le roi du beat’em up est de retour à la française.

Il fut un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas comprendre. Une époque où internet était réservé à une élite, un réseau inconnu du grand public, et où la plateforme et la baston étaient rois. Les FPS – ou Doom-like comme on s’apprêtait à les prénommer – n’existaient pas. Moi, je faisais partie de la haute strate de la société, j’étais une joueuse SEGA ! J’avais beau avoir passé mes premières années sur la 8 bits de Nintendo, il était évident que cette nouvelle 16 bits prouvait la supériorité quasi-mystique de leur concurrent. Super Mario World n’était que le Sonic du pauvre et Mystic Quest une blague face à Phantasy Star II. Quant à Double Dragon ? Ne me faites pas rire, personne ne se souviendrait de cet étron détruit par Streets of Rage en 1991 ! Il n’y a aucun jeu que je n’essaierais pas sur ma Megadrive, aucun jeu qui me laisse de marbre sur ma Genesis ! C’était le bon vieux temps.

Rock on!

Pourtant, souvent, il vaut mieux laisser le bon vieux temps là où il est. La trilogie Streets of Rage est une relique du passé qu’il est bien difficile de vendre à la jeunesse d’aujourd’hui, en particulier le premier. Les mécaniques, déjà arides à l’époque, sont désormais désuètes. Il est évident que tout y est fait pour nous soutirer des continues, des jetons et surtout nous vider de notre patience.

Deux coups de poings et un coup de pied, ne surtout pas rappuyer sur le bouton d’attaque de l’héroïne Blaze pour éviter de casser le combo. Attraper l’ennemi étourdi et lui donner deux coups de genou et pas un de plus, le troisième l’envoie valser ! Enfin, se faufiler dans son dos pour le retourner comme une crêpe en l’envoyant en arrière par-dessus nos têtes. Bis repetita jusqu’à avoir terminé le jeu, en remplaçant le plaquage au sol par un coup de pied sauté pour tous les ennemis en surpoids. Autant dire qu’on a vu des boucles de gameplay plus étoffées que l’original Streets of Rage.

Les Français de Dotemu, des spécialistes des remises à niveau de jeux rétro, me donnent l’impression d’être partis de ces combos faits maisons, mais pas faits pour pour développer leur propre boucle. Streets of Rage 4 castagne sévère, les frappes s’enchaînent, les chiffres et la température grimpent sans fin. Les mécaniques sont assez incroyables, comme un mélange de la fluidité d’un SoulCalibur et le classicisme strict d’un beat’em up.

Bien que les anciens Blaze et Axel restent relativement proches des codes rigides de l’époque, d’autres comme Adam ou Cherry révolutionnent le genre. Cette dernière déboule sur le terrain avec sa guitare, sautant comme un lapin aux quatre coins de l’écran. Elle rebondit, virevolte, et à peine le sol touché que la voilà de nouveau en l’air, ses adversaires avec elle. La jeune venue crève l’écran et montre qu’un nouveau type de jeu d’action est possible, une sorte de version 2D de Bayonetta. Quoique parfois inégale, la bande-son accompagne à merveille cette ambiance électro-rétro.

Les développeurs sont de toute évidence des fans des originaux. Tout ce qui marchait a été sublimé, et ce qui ne fonctionnait pas a fini à la poubelle. Le titre est difficile mais juste. À l’horizon, point d’armada de cracheurs de feu qu’on évite sur des tapis roulants entourés de trous, aucune jumelles maléfiques pour envahir nos cauchemars. Mais de ce que Streets of Rage 4 a gagné en justesse, contrôle de soi et honnêteté, il a perdu en personnalité.

Que les choses soient claires : le jeu est d’une beauté inégalée, un titre rempli d’options et de personnages cachés pour une aventure aussi vite terminée que commencée. Là où le bât blesse est le contenu de cette bonne heure de castagne ; en essayant de rester fidèle à ses prédécesseurs tout en épurant ce qui était frustrant, Streets of Rage 4 oublie d’apporter des situations originales.

Bring it on!

Si Dotemu et ses partenaires révolutionnent la manière dont se joue un beat’em up 2D, ils ont oublié les améliorations apportées par leurs pairs entre-temps. Scott Pilgrim VS the World, un hommage rétro à la trilogie phare de SEGA, offrait déjà en 2010 une série d’endroits qui marque tous ceux s’y essayant. Si Streets of Rage avait ses bateaux et ascenseurs, Scott nous envoyait sur des dance floors et à bord de trains. Le raffinement ultime reste néanmoins River City Girls avec ses chemins multiples offrant une rejouabilité sans précédent.

En comparaison, Streets of Rage 4 semble n’être composé que d’une série de pièces similaires. Au-delà du glorieux hommage de la rue initiale, le reste semble se mélanger dans notre imaginaire, même après une quinzaine d’heures passées dessus. Les décors ne sont que des dessins sur lesquels poser une action effrénée, comme une scène de théâtre où seuls les accessoires bougent pour donner la sensation de changer de lieu. Le jeu attend son avant-dernier niveau pour nous montrer ce qu’il aurait pu nous faire vivre jusqu’ici s’il n’avait pas été trop occupé à se remémorer le passé, jusqu’à un boss final que ni moi ni mes voisins ne sommes près d’oublier. Que donnerais-je pour de nouveaux scénarios improbables ! Un immeuble qui s’écroule, un raft de secours, une chute libre ! Et pour motiver à la rejouabilité, des parcours générés aléatoirement. Le rêve !

Des mécaniques avant-gardistes sur fond de couloirs, certes magnifiques, mais peu inspirés ; la recette semblait préparée pile pour les trentenaires / quarantenaires comme moi. Je me voyais déjà enchaîner les parties en ligne pleines de lag avec un autre vieux caché derrière un pseudonyme choisi vingt ans auparavant, mais que nenni. Non seulement les modes en ligne réagissent comme il faut (on préférera la version Steam. Oui, je l’ai acheté sur plusieurs supports. Oui, je suis fière), mais la jeunesse trouve finalement son compte dans cette castagne moderne.
Tout comme j’ai terminé les originaux des dizaines de fois avec ma fratrie, Streets of Rage 4 s’est dégusté avec ma fille de sept ans à coups de cris, de rires et de joie. Les jeux d’arcade ont encore de beaux jours devant eux et Streets of Rage aussi.

Marine

Points forts :

  • Des graphismes 2D fabuleux
  • Un système de combat novateur et excitant
  • Une large marge de progression
  • Des personnages tous très différents
  • Une bande-son d’excellente facture
  • Regorge de secrets
  • Modes en ligne réussis, bien que simples

Points faibles :

  • Level design / niveaux peu inspirés
  • OST contenant quelques petits couacs
  • C’est tout. C’est vraiment tout. C’est fou que ce soit tout.

La Note : 19/20

Développeur / Éditeur : Dotemu, Lizardcube, Guard Crush Games / Dotemu
Genre : beat’em up, beat’em all, beat the beat
Support : Switch (testé), Xbox One (testé), Steam (testé), PlayStation 4
Date de sortie : 30 avril 2020

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