Test : Days Gone

« Promenons-nous dans les bois, tant que le loup n’y est pas… Loup y es-tu ? M’entends-tu ? » « Je suis has-been, les zombies sont à la mode ».

On peut facilement imputer la folie zombie au film Dawn of the Dead de George A. Romero (1978), alors que notre média de prédilection a attendu le premier Resident Evil avant de voir s’installer un intérêt vidéoludique pour ces créatures mythiques. Néanmoins, la mode actuelle semble avoir démarré avec la série télévisée The Walking Dead. Depuis, c’est simple : le but est de les mettre partout à toutes les sauces, même si ça n’a pas vraiment sa place, que ce soit dans Mario, Call of Duty ou Game of Thrones (le livre, lui, évite habilement le cliché…). Certains de ces titres sortent du lot, notamment la série de TellTale ou The Last of Us, tandis que d’autres… D’autres s’appellent Days Gone.

En manque d’inspiration

J’ai épluché de nombreuses pages avant de me mettre à l’écriture de mon article, notamment pour avoir un avis général de l’opinion aussi bien professionnelle que populaire du titre. J’espérais y trouver une piste originale, quelque chose qui m’empêcherait de devoir raconter une fois de plus ce type de synopsis : un être humain (souvent blanc et de sexe masculin) est l’un des rares survivants d’un virus (qui techniquement vient à peine de commencer à se propager) transformant ses congénères en créatures assoiffées de chair. Notre héros y perdra au moins un être cher clé, à sauver ou à venger, excuse parfaite pour devoir jurer sa survie coûte que coûte… Une tâche généralement peu aisée dans un univers rempli de monstres (ici appelés Freakers, littéralement « Monstruosités ») où les ressources sont aussi dures à trouver que les alliances de confiance.

Sauf qu’ici, il y a des motos.

On vivra notre aventure dans la peau d’un homme au visage recouvert d’une casquette cachant sa tignasse, mais pas sa grosse barbe, nommé Deacon St. John, que je trouve étonnamment proche du mot « beacon » souvent utilisé dans l’expression « Beacon of hope » : « Lueur d’espoir ». Avec le petit St « Saint » accompagné du John nous rappelant de fortes racines sûrement catholiques, le joueur américain moyen que cible le jeu de Bend Studio s’y retrouvera définitivement. Avec l’aide de son meilleur ami Boozer (à une lettre près de booze, anglais pour « bibine »), notre héros surnommé Deek se battra pour surmonter la disparition de sa femme, morte dans un accident d’hélicoptère en route pour un camp de réfugiés. L’équipage : des membres de NERO, l’organisation militaire gouvernementale aux pratiques douteuses obligatoire, mais semblant vouée à éradiquer la menace venant de s’abattre sur notre pauvre Terre. Notre gaillard invincible sur son deux-roues motorisé garde espoir qu’il en est autrement, qu’elle vit encore quelque part, comptant le nombre de Jours depuis qu’elle a DisparuThe number of Days she’s Gone. Ou depuis qu’il est parti, ça marche aussi.

 

On a besoin de personne sur son Harley pas Davidson.

Ce serait vous mentir que le titre comporte le moindre retournement de situation auquel on ne s’attendrait pas. En jouant la carte de la simplicité, le scénario réussit à rester cohérent à défaut d’être palpitant. Problème de première classe néanmoins : le héros est une tête à claques comme on en fait plus. Déjà, tu nous remets cette casquette à l’endroit, tu as juste l’air idiot, comme ça. Ensuite, tu te tais. Deacon est plus bavard qu’une classe de trente collégiens à 17h, hurle plus fort que ma voisine la nuit, et ce, pour donner une opinion presque aussi pertinente que notre mythomane nationale Agnes Cerighelli. Il a toujours quelque chose à crier, généralement une suite de jurons sans fin agrémentée de cris de victoires et de commentaires irritants sur les nouvelles de la radio locale.

Cette mise en scène tonitruante a un but évident, celui de nous faire ressentir la pression qu’il vit, ses victoires et ses échecs, la politique en marche dans ce monde en perdition. Le titre essaye de nous faire verser quelques larmes, quitte à tirer un peu trop sur une corde déjà bien usée, rien n’y fait. Appeler sa défunte femme Sarah comme la fille biologique de Joel dans The Last of Us est un hommage bien trouvé, mais au final presque insultant, vu le fossé émotionnel entre les deux titres. On l’a compris Days Gone, ta valeur ne se trouve pas dans ton scénario… Tu aurais alors pu rendre Deek un peu plus silencieux, ça m’aurait évité quelques éclats de rire aux mauvais moments. Le bon côté est que si vous adorez les séries B comme moi, vous vous régalerez.

 

Deek, gentleman grossier et sexiste. On le voit même admirer le derrière de sa femme.

Le pot-pourri

Un monde ouvert rempli d’affrontements, mélangeant habilement l’infiltration et l’action sert de qualité principale du titre. Mettons de suite les points sur les i, la différence avec le premier trailer de 2016 frappe par le changement dans sa direction artistique : les paysages aux couleurs désormais ternes sont parsemés de textures floues et s’animent avec beaucoup de difficulté, surtout lors des nombreuses scènes en véhicule. Nous sommes aux antipodes de Red Dead Redemption 2, quelle que soit la PlayStation 4 sur laquelle nous jouons. C’est fade, c’est baveux, ça rame, la trinité du jeu pas spécialement fini par excellence. Et pourtant…

… Days Gone est bien. Générique un peu brouillon mais amusant. Si j’ai mis exactement 871 mots avant d’avouer mes sentiments positifs, c’est parce qu’il m’en a fallu autant pour exprimer mes sentiments des premières heures. Malgré son déroulement répétitif qui consiste à aller d’un endroit à un autre pour y exterminer tout ce qui s’y trouve sans véritable événement inattendu, le titre reste fun. Je dois avouer toujours avoir eu un faible pour l’infiltration, et en adoptant un système très similaire à celui de The Last of Us où on peut quasiment aller où on veut tant qu’on ne fait pas de bruit, Bend Studio a gagné mon cœur. Classique certes, efficace certainement, surtout que le moindre faux pas ou l’éradication des nids de ces fameux freakers ont pour répercussion une véritable horde qui vous saute à la gorge, une bonne cinquantaine d’entre eux lors des plus intenses de ces affrontements. Les humains sont, eux, un peu plus difficiles à outrepasser, surtout que certaines missions vous demandent d’éviter tout combat. Sinon, quelle que soit la situation, des fusils aux armes au corps à corps vaguement personnalisables, vous pouvez être sûr d’avoir l’équipement qu’il vous faut. Faire marcher votre cerveau ou tirer dans le tas, le choix vous appartient, mais soyons honnête, Sam Fisher garde un œil sur vous en toutes circonstances.

 

Que de gros mots, ça va finir au coin…

Ne nous le cachons pas, le grand espace ouvert qui nous est offert manque étrangement de personnalité. La carte, de taille modérée, suffit aux besoins du gameplay qui reste taillé pour. Les distances entre les différents endroits sont clairement affichées en kilomètres ou miles, prouvant de manière hilarante les limites du réservoir de notre véhicule. C’est bien simple, si ma vessie de pauvre femelle pouvait contenir de l’essence, elle me permettrait de tenir plus longtemps que les quelques centaines de mètres qu’on nous propose avant d’être à sec. Heureusement que la machine, contrairement à mon corps, est personnalisable chez le mécanicien d’un des nombreux camps auxquels vous pouvez prêter allégeance ou trahir à volonté. Meilleures roues ou suspensions, certes, mais surtout la possibilité de parcourir jusqu’à deux à trois kilomètres, au moins, sans devoir chercher d’urgence une jerrycan d’essence.

« Urgence » semble être le mot clé du titre, au final. Il nous réclame toujours de faire quelque chose en saupoudrant sa carte d’objectifs à remplir sur le champ. Les origines classiques du AAA moderne se font sentir à tous les niveaux, avec pour spécificité l’impossibilité de pouvoir véritablement se promener. Days Gone nous rappelle continuellement, nous pousse même, à courir vers La Prochaine Chose à Faire. Un peu étouffant, néanmoins enivrant, ce système force le joueur à consommer le titre à petites doses le cerveau éteint, au risque de voir à travers le subterfuge de la quête interminable. Nous sommes pressés continuellement, mettant ainsi l’accent sur l’absence de variété du titre, ce, même si les choses semblent bien différentes sur le papier.

L’idée générale reste donc la survie avant tout en exagérant un peu sur certains points. Des ennemis aux oreilles fondamentalement fonctionnelles entendent moins bien que ma fille quand je l’appelle, la moto et le héros peinent à porter ou contenir plus que le pourrait un enfant en bas-âge, tout ça au service d’une ambiance oppressante d’urgence constante. Ça marche. Les tâches restent redondantes, mais ça marche. Que demander de plus ? Un peu plus de couleurs, une animation moins hachée et, pourquoi pas, un scénario un poil original ? Non, que le héros remette sa casquette à l’endroit.

Marynou

Points forts :

  • Peu de choses, pourtant c’est ce qui fait tenir le jeu
  • Un sentiment constant de survie
  • Les hordes, impressionnantes
  • Un doublage en VO très réussi

Point faibles :

  • Graphiquement inégal
  • Terne, tellement terne
  • De très nombreux ralentissements
  • Un scénario cliché
  • Répétitif
  • La casquette à l’envers
  • Sexiste. Mais genre beaucoup sexiste.
  • Très peu d’originalité en général

La note : 15/20

Développeur : Bend Studio
Éditeur :
Sony Entertainment Interactive
Genre :
Action, Survie, Zombies
Support :
PlayStation 4
Date de sortie :
26 avril 2019

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