Test : Tokyo Mirage Sessions #FE (Wii U)
Annoncé depuis longtemps, le cross over tant attendu de deux séries de RPG mythiques, Shin Megami Tensei et Fire Emblem, est enfin disponible sur Wii U. Les développeurs ont-ils réussi à fusionner des univers et des styles très différents ? La réponse dans quelques instants.
Par-delà Tokyo, le monde
Itsuki est un jeune homme bien banal qui, pour faire plaisir à son amie Tsubasa, accepte de l’accompagner à un concours de musique. Arrivé sur place, le lieu est attaqué par des créatures étranges, les Mirages, qui les entraînent dans un endroit bizarre appelé « Idolasphere ». C’est dans ce lieu sordide que les jeunes gens découvrent leur potentiel incroyable de Mirage Masters qui leur permet de se lier à de puissants Mirages pour acquérir de formidables capacités, afin de repousser les ennemis. Leurs pouvoirs de Mirage Masters ne seront pas de trop pour contrer l’invasion de Tokyo – et ensuite du monde entier ! – par des créatures d’une autre dimension.
C’est un point de départ typique d’un RPG japonais : une bande de jeunes embarqués dans une folle aventure pour sauver le monde. Pourtant, Tokyo Mirage Sessions #FE décide de changer la donne en transposant l’univers des J-RPG traditionnels dans un monde totalement inédit, ou presque, celui des stars de la musique et du cinéma japonais.
La musique adouci les mœurs
Initié déjà sur PS Vita avec Persona 4 Dancing All Night, ce virage musical est cette fois total. On y retrouve tout ce qui fait un bon J-RPG entièrement transposé dans l’univers de la j-pop et du cinéma. On ne dirige pas une équipe d’aventuriers, mais un « casting d’artistes ». On n’a pas d’armure ou d’équipement, mais une « garde-robe ». Les personnages ne disposent pas de « persona » (le pouvoir de l’âme), mais de « performa ». Même certaines armes ont un design spécifique, comme une canne de mage affublée d’un micro. L’univers de Persona 4, déjà très coloré et groovy, s’intègre donc bien dans ce jeu, même si les personnages sont inédits. Car c’est bien l’univers de Persona qui prend le dessus dans Tokyo Mirage Sessions #FE. En plus de reprendre le style graphique de la série, le jeu reprend également l’essentiel de son gameplay. Divisée en chapitres, l’aventure principale permet d’explorer des donjons labyrinthiques vastes et tortueux, remplis de combats aléatoires et ayant chacun un thème bien précis. Comme dans Persona 4, quand un ennemi apparaît, on peut l’étourdir en le frappant, soit pour l’éviter, soit pour obtenir l’initiative en combat. Comme dans Persona 4, on peut tomber aléatoirement sur des ennemis rares qui cherchent à s’enfuir ou des ennemis surpuissants impossible à assommer. Les combats s’effectuent au tour par tour, mais les attaques et magies sont toutes tirées de Persona ou Shin Megami Tensei : Zan, Dia, Bufu, Agi et tous les autres sont de retour et ne déstabiliseront pas les fans de la série. Comme d’habitude, quand tous les emplacements de sorts sont pleins, il faut faire un choix et décider s’il faut en sacrifier un ancien pour en apprendre un nouveau ou non. Les fans de Persona retrouveront donc vite leurs marques dans ce jeu.
Fire Emblem a perdu de son feu sacré
Le FE du titre, c’est bien pour Fire Emblem. Mais que reste-t-il de cette série ? Finalement, pas grand-chose. Par choix, Nintendo a demandé à Atlus de ne pas faire un jeu de stratégie, mais bien un RPG comme Atlus sait en faire, et c’est bien ce qu’on a entre les mains. Ainsi, de Fire Emblem, il ne reste que quelques personnages, comme Tiki, Chrom et Caeda. Cependant, leur design n’est pas toujours fidèle : difficile de reconnaître Caeda dans ce jeu, et Tiki, pourtant assez fidèle dans le cross over Project X Zone 2 sur 3DS, apparaît ici sous les traits d’une petite fille. Un coup dur pour les fans de Fire Emblem, d’autant plus que ces personnages, relégués au second plan par leur rôle de Mirages, ont perdu la mémoire et ne savent ni qui ils sont, ni d’où ils viennent. De Fire Emblem, il reste néanmoins les noms de quelques armes (Falchion, par exemple), l’augmentation aléatoire des statistiques à chaque passage de niveau et la roue des armes (épée, lance, hache et arc).
Une petite visite du vrai Tokyo
Comme dans beaucoup de jeux japonais récents, on ne peut pas parler de Tokyo sans tenter d’en dépeindre ses quartiers emblématiques. Ainsi, dès le début, le joueur a un avant-goût du Tokyo actuel en découvrant Shibuya et ses attributs touristiques : la statue du chien Hachiko devant la gare (je vous conseille vivement de regarder le film Hatchi avec Richard Gere pour comprendre cette référence), ses passages piétons spécifiques appelés Shibuya Crossing, ses écrans géants et ses publicités partout, comme à Manhattan. Bien entendu, il a fallu faire quelques adaptations et le célèbre bâtiment Shibuya 109, même s’il conserve son allure caractéristique, a été rebaptisé Shibuya 106, par exemple. En avançant dans l’histoire, on débloque d’autres quartiers emblématiques de la ville que le joueur prend plaisir à visiter.
Du J-RPG pur et dur, mais tellement immersif
Si l’équipe évolue dans l’univers de la mode, de la chanson et du cinéma/des séries télé, tous les codes des J-RPG sont présents. Bien entendu, les dialogues sont nombreux, mais on peut les accélérer ou les passer. Il y a de nombreuses cinématiques de toute beauté, dans un style animé assez typique de la série Fire Emblem. Comme dans tout bon RPG, il faut savoir maîtriser les combos qui sont ici appelés « sessions » : quand on attaque un monstre avec un sort efficace contre lui, les autres personnages de l’équipe enchaînent automatiquement avec d’autres sorts, infligeant de gros dégâts. Malheureusement, les ennemis aussi peuvent infliger des « sessions » à notre équipe : il faut donc veiller à éliminer rapidement les ennemis les plus embêtants, rendant les affrontements un peu tactiques. Les mécanismes des J-RPG sont les mêmes : on peut explorer les donjons à volonté, ce qui est pratique pour faire du « levelling », on doit régulièrement visiter les boutiques pour changer son équipement et rendre visite à Tiki pour créer de nouvelles armes et capacités et de nombreuses quêtes annexes attendent le joueur un peu partout. À ce niveau, d’ailleurs, Tokyo Mirage Sessions #FE essaie d’innover un peu en proposant des quêtes spécifiques à chaque personnage jouable, uniquement entre deux chapitres, lors des intermissions. Pour débloquer ces quêtes, il faut faire participer activement les personnages en combat. Ces quêtes permettent d’en savoir plus sur chacun des personnages, sur leurs motivations pour devenir une star, et immergent un peu plus le joueur dans cet univers de strass et de paillettes si spécifique. On a vraiment l’impression de partager le quotidien de ces stars montantes, comme dans une émission de télé-réalité. D’ailleurs, tout a été fait pour donner l’illusion de la réalité : les tenues, les chorégraphies, les chansons sont toutes typiques des productions actuelles. De plus, les développeurs ont eu la bonne idée de transformer le Wii U Gamepad en smartphone, permettant de suivre toutes les conversations d’Itsuki avec ses amis, par SMS, en plus d’afficher une carte bien utile. Niveau ambiance et immersion, ce jeu fait plutôt fort.
Un cross over raté, mais un très bon RPG
Loin de l’image qu’on se fait d’un cross over entre Shin Megami Tensei et Fire Emblem, Tokyo Mirage Sessions #FE déçoit grandement, tant l’univers de Fire Emblem est sous-représenté. Pourtant, c’est loin d’être un mauvais jeu. Sa direction artistique soignée et stylisée, dans la continuité des derniers jeux Persona 4, son ambiance unique groovy et typiquement japonaise, mélange du Tokyo actuel et d’une version alternative édulcorée, en font un J-RPG décalé et rafraîchissant. Cette ambiance très réussie fait oublier les graphismes assez moyens du soft : on est loin des magnifiques paysages de Xenoblade Chronicles X, qui prouvent que la Wii U en a dans le ventre, mais cela reste agréable. Côté doublages et musiques, en revanche, le jeu ne commet pas d’erreur, à part l’absence de sous-titres français. On apprécie son gameplay, sorte de mise à jour de celui de Shin Megami Tensei, qui propose quelques variantes bienvenues. En revanche, il ne faut pas voir en ce jeu un Fire Emblem ni trop un nouveau Persona, mais bien un nouveau J-RPG, comme Atlus sait si bien en faire, avec un petit grain de folie. Un jeu parfait pour les fans de la culture japonaise qui ne sont pas rebutés par l’absence de version française. Les non initiés risquent de voir en Tokyo Mirage Sessions #FE un ovni, mais dès qu’on s’intéresse un peu au Japon moderne, on s’aperçoit que ce jeu est finalement bien ancré dans la réalité. Quand on aime le Japon, on ne peut pas passer à côté !
Enguy
Points forts :
– Direction artistique colorée et groovy
– L’univers de la J-Pop et des séries télé
– Donjons très bien pensés
– Jeu décalé et prenant
– Durée de vie excellente
Points faibles :
– Un ovni pour ceux qui ignorent la culture japonaise
– Pas de version française
– L’univers de Fire Emblem est quasi inexistant
– Un cross over raté (mais un bon J-RPG)
LA NOTE : 15/20
LA NOTE : 15/20
Développeur / Éditeur : Atlus / Nintendo
Genre : J-RPG
Supports : Wii U
Date de sortie : 24 juin 2016