Test : Secret of Mana (Remake PS4)
La version qui se présente à nous aujourd’hui est le remake du grandiose Secret of Mana (Seiken Densetsu 2 en version originale, ou « La Légende de l’Épée Sacrée 2 » si on le traduit littéralement) sorti en 1993 sur Super Nintendo.
Secret of Mana fut l’un des premiers Action-RPG sorti dans nos contrées, qui plus est localisé en français (mais avec la désastreuse traduction de Véronique Chantel) et il a marqué toute une génération de joueurs grâce à ses graphismes sublimes, les musiques envoûtantes d’Hiroki Kikuta et la possibilité de partager l’aventure à 3 joueurs simultanément.
Après une longue période de vache maigre, l’actualité de la série Mana semble au beau fixe depuis quelques temps. La Super Nintendo Classic Mini comptait parmi sa sélection de 21 jeux la version SNES dont Secret of Mana.
L’an passé, est sorti au Japon une compilation sur Switch reprenant les premiers épisodes de la série Seiken Densetsu, incluant donc logiquement Seiken Densetsu (Mystic Quest en Europe, Final Fantasy Adventure en Amérique, sorti sur Game Boy en 1991), Seiken Densetsu 2 (Secret of Mana, Super Nintendo, 1993) et Seiken Densetsu 3 (surnommé dans la communauté des fans « Secret of Mana 2 » et sorti exclusivement au Japon sur Super Nintendo en 1995). Malheureusement, aucune trace de Legend of Mana, Seiken Densetsu 4 et tous les épisodes ayant suivi.
On attend toujours cette compilation en Occident sur Switch et vu les bonnes ventes de cette dernière, nul doute qu’il serait dans l’intérêt de Square Enix de le localiser afin que nous puissions enfin profiter de ce 3e épisode inédit sans passer par les chemins détournés de l’émulation et des fan-trads.
Annoncé par surprise l’été dernier, ce remake de Secret of Mana a eu le droit à des torrents de haine sur les forums et les réseaux sociaux, avec pour principales critiques l’utilisation de la 3D, alors que l’original était un exemple de raffinement esthétique dans l’usage de la 2D, une direction artistique peu inspirée rappelant de nombreux jeux smartphones et enfin le reproche d’un remake opportuniste vendu à un tarif assez prohibitif (39,90 € en dématérialisé ou en boîte sur PS4).
Ce jeu est-il à la hauteur de son illustre modèle ou mérite-t-il la pluie de critiques qu’il a engendré ? C’est ce que nous allons voir immédiatement.
La tribu de Mana
Ce n’est pas dans l’histoire de Secret of Mana que l’on découvrira des trésors d’ingéniosité quant à la narration et la mise en scène, mais elle a le mérite d’exister, c’est déjà ça.
L’aventure se déroule au sein du Pays de Mana, le Mana étant l’énergie mystique alimentant les différentes forces du monde. Alors qu’il se promène près d’une cascade, le héros (nommé Randi dans la version japonaise, mais que l’on peut renommer à loisir), un jeune orphelin, tombe au pied du lac en contrebas. Il déloge alors de son socle la légendaire Épée Mana, mais cette dernière semble avoir perdu de sa superbe et est recouverte de rouille.
Lorsqu’il rentre à son village natal, des monstres se mettent à attaquer les habitants, l’épée ayant été retirée de son « sommeil ». Randi se fait alors bannir manu militari, son geste étant considéré comme le déclencheur du comportement hostile des bébêtes, et il est forcé de partir explorer le monde à la recherche des graines Mana, censées restaurer la puissance de l’Épée Mana, laquelle pouvant lui permettre d’affronter l’Empire maléfique désirant dominer le monde, un plan incroyablement original, s’il en est.
Sur son chemin, Randi fera la connaissance d’une jeune fille (Purim) souhaitant retrouver son fiancé parti affronter une vilaine sorcière, et Popoie, un elfe ayant perdu la mémoire.
Ce trio de choc arpentera les différentes régions du monde, se décomposant en forêts, déserts arides et autres environnements enneigés (où l’on pourra même affronter le Père Noël !).
Randi moi oui, Randi !
Étant un représentant du genre Action-RPG, le système de combat de Secret of Mana est d’une grande limpidité. Le jeu est affiché dans une vue de dessus et on contrôle ses personnages en temps réel.
Durant les premières heures de l’aventure, seul Randi est jouable et il n’utilisera que son épée (il est possible de récupérer d’autres armes sur sa route). Une pression sur la touche d’action donne un coup d’épée, mais la subtilité par rapport à un Zelda vient du fait que sous la barre de vie se trouve une jauge d’Active Time Battle (ATB). Il faut attendre que la jauge atteigne les 100% pour que le coup porté inflige 100% de dégâts. Si on porte deux coups successifs, le second n’infligera que des dégâts ridicules à 10 ou 15%, il faut donc attendre que la jauge se recharge et esquiver les assauts adverses si l’on veut être le plus efficace possible dans cette entreprise de pourfendage de monstres.
Il est également possible d’utiliser cette jauge spéciale pour courir.
Cette jauge ne se remplit qu’en une poignée de secondes, mais cela peut être assez déroutant au départ pour un joueur non habitué à devoir attendre entre chaque coup dans un jeu pourtant en temps réel.
Passé un certain point dans l’aventure, on contrôlera un groupe de 3 joueurs.
Randi se bat exclusivement avec des armes blanches, il est puissant et assez agile. Purim utilise les magies pour lancer des sorts de défense, de buff et de soin, tandis que Popoie lance des magies offensives.
Chacun des 3 personnages peut porter divers équipements renforçant ses statistiques et ils peuvent tous utiliser différents types d’armes (épée, lance, hache, boomerang…). La maîtrise d’un type d’arme augmente à force d’utilisation et chaque arme peut être améliorée en étant reforgée à l’aide de sphères dédiées, planquées aux 4 coins du monde. Une arme améliorée rend possible le fait de dépasser les 100% de la jauge d’action et d’effectuer des attaques chargées bien plus puissantes.
Certaines armes disposent même d’un effet spécial permettant, par exemple, d’endormir ou de rendre confus ses adversaires.
Il est possible d’utiliser des armes en dehors des combats pour débloquer différents passages. L’épée et la hache pour couper des buissons, le fouet pour franchir un gouffre tel un grappin dans Zelda, etc.
À la manière d’un Final Fantasy, les magies se divisent en un certain nombre d’éléments (Feu, Eau, Vent, Ombre, Lumière…).
Elles s’acquièrent en sauvant les 8 élémentaires, offrant à chaque fois 3 nouveaux sorts (autant offensifs que défensifs).
Tout comme les armes, les magies s’améliorent à force d’être utilisées et les graines Mana permettent d’augmenter leur niveau maximum.
Lorsque l’on joue seul, on peut contrôler le personnage de son choix et alterner entre chacun d’eux à sa guise, l’Intelligence Artificielle s’occupant de ses 2 camarades. Les personnages contrôlés par l’IA n’utilisent pas automatiquement leurs magies, il faudra alors en prendre le contrôle pour valider les sorts.
Il est possible de configurer leur comportement de manière sommaire dans les options, tantôt agressif et attaquant l’ennemi à vue, tantôt sur la défensive et fuyant le combat autant que possible.
Une grande partie du fun de Secret of Mana vient du fait que l’on peut y jouer en coopération et c’est d’ailleurs fortement recommandé d’y jouer dans cette configuration sur son canapé avec 1 ou 2 amis. Il est dommage qu’aucun mode coop en ligne n’ait été intégré dans ce remake moderne, non pas par impossibilité technique, mais par manque de moyens et de temps de développement.
On alternera, comme dans tout bon représentant du genre Action-RPG, des phases dans des zones infestées d’ennemis (que l’on est libre d’esquiver), des villages abritant des marchands et des auberges ainsi que des donjons avec un boss à la clef.
En combat, il est bien évidemment possible d’utiliser des objets de soin, de résurrection ou de restauration de statut.
Battre des monstres procure bien évidemment de l’expérience permettant de gagner des niveaux, améliorer ses caractéristiques (force, défense, santé, sagesse, évasion…) et la puissance de ses armes. Assez régulièrement, ils laisseront même tomber de l’argent et des objets dans des coffres, mais ces derniers peuvent également abriter des pièges.
Le menu radial de cette version permettant de sélectionner l’équipement, les objets consommables, le comportement de l’IA, est assez raté et peu intuitif par rapport aux standards d’un jeu moderne. Un patch prochain est censé corriger ce défaut.
Un canon fait office de téléporteur et permet de se déplacer rapidement entre les différentes régions, mais malheureusement, les cultissimes scènes en mode 7 (un mode d’affichage de la Super Nintendo simulant un effet de 3D à l’aide de zooms) ont été remplacées par des écrans de chargement sur fonds noirs (chargements qui sont d’ailleurs très fréquents et cassent le rythme lorsque l’on change de zone). Après avoir atteint un certain stade dans le jeu, on pourra même récupérer Flammy le dragon à la crinière rousse afin de s’envoler majestueusement à travers les cieux.
Purim Job
Personnellement, le style graphique de ce remake ne m’a pas choqué outre mesure, contrairement à certains joueurs outrés que l’on ait abandonné la sacro-sainte 2D.
À choisir, je préfère encore une approche nouvelle pour recréer un vieux jeu que je connais déjà par cœur, même si cela implique un passage de la 2D à la 3D, plutôt qu’un portage d’un jeu 2D pour lequel on a lissé de manière assez immonde les sprites (Square Enix est coutumier du fait et a massacré Final Fantasy VI ou Chrono Trigger avec ce procédé censé moderniser de vieilles gloires), mais cela est à l’appréciation de chacun.
Bien sûr, je ne nie pas que les modèles 3D sont assez basiques et que les décors manquent parfois de détails, mais cet aspect dépouillé a malgré tout un certain cachet.
Le budget consacré n’a pas dû être mirobolant, nul doute qu’avec plus de temps de développement le rendu aurait pu être bien plus satisfaisant, mais en l’état des choses, le résultat est vraiment honnête et bien plus réussi que le remake smartphones et PS Vita de Seiken Densetsu 1 intitulé Adventures of Mana sorti il y a 2 ans.
En outre, il faut noter que le jeu bénéficie d’une nouvelle traduction, ce qui permet d’éviter les cas flagrants de surtraduction, les bizarreries et les pertes de sens de la version française d’époque assurée par la regrettée Véronique Chantel (« Lapinou vous a rossé ! »), ayant fait ce qu’elle a pu avec les fenêtres de dialogue limitées en espace.
De plus, la bande originale a eu le droit à une réorchestration intégrale, mais le résultat est bien plus inégal. Certaines musiques passent très bien, comme le thème d’introduction, d’autres en revanche sont un supplice pour les oreilles, comme certains thèmes de villages ou de donjons. C’est dommage et cela ne rend pas honneur au matériau d’origine. Il est fort heureusement possible d’alterner au choix entre la bande-son originale et la version réorchestrée depuis les options.
En haut à droite de l’écran est affichée constamment en temps réel une carte de l’écran de jeu actuel à l’aide des graphismes d’époque de la version Super Nintendo.
Cela rend d’autant plus dommage le fait que ce remake ne propose pas la possibilité d’alterner d’une simple touche entre les graphismes 2D et 3D, comme peuvent le faire les remakes de Monkey Island, Wonder Boy ou encore Halo.
Cela aurait calmé bon nombre de joueurs mécontents, pouvant alors jouer au jeu d’origine sur les consoles modernes, si jamais les graphismes modernes ne sont pas à leur goût, mais logistiquement, c’est un sacré défi technique à relever.
Il est quand même fort dommage de ne pas avoir proposé en bonus la version 2D d’époque.
Pour un jeu vendu 40 €, la pilule a du mal à passer, sachant que la version SNES étant vendue moins de 10 € sur la Console virtuelle de Nintendo et que le jeu est inclus parmi les 21 jeux de la SNES Mini (à 80 € en moyenne, cela fait à peine 4 € par jeu).
Le nombre d’objets de soin maximum que l’on puisse porter sur soi peut être augmenté dans les options, passant de 4 dans la version originale à 8 ou 12 ici. Je déconseille d’y avoir recours, car cela réduit beaucoup trop le challenge, déjà que les boss m’ont semblé bien plus faciles qu’auparavant.
La version Super Nintendo était vendue avec un guide de jeu, ce qui n’est pas le cas ici. Secret of Mana ne disposant pas à proprement parler d’une véritable carte du monde, il est assez facile de se perdre si l’on n’a pas bien mémorisé les différents lieux et l’aventure pourrait de facto paraître assez aride au joueur actuel n’ayant jamais touché au jeu à l’époque.
Quelques problèmes du jeu original ont été corrigés, notamment l’animation complètement ratée lorsque l’on monte les escaliers.
D’autres bugs sont apparus avec ce remake, comme de gros soucis de pathfinding et certains choix de couleurs sont assez discutables par rapport à l’original.
D’une manière générale, les combats manquent de nervosité et de pêche par rapport au jeu original, tout paraît plus mou, mais cela est surtout une question de ressenti par rapport à un jeu 2D.
C’est un bonus fort appréciable que d’avoir un doublage des dialogues du scénario principal (en japonais comme en anglais) et qu’ils soient mis en scène dans des sortes de cinématiques tournées avec le moteur du jeu. Ce qui fait très cheap en revanche, c’est que les personnages ne disposent d’absolument aucune animation faciale. Quand un personnage parle, ses lèvres ne bougent pas. On ne voit jamais personne sourire ou se mettre en colère. On se demande qui a pu valider un choix aussi douteux peu pertinent et cassant complètement l’immersion. Un doublage de jeu vidéo coûte cher, mais peut-être aurait-il fallu privilégier d’autres choses dans le développement plutôt que ça, si c’est pour avoir un résultat final aussi bizarre.
Si visuellement ce remake est assez dépouillé, cela permet en contrepartie d’assurer un bilan technique vraiment irréprochable. Sur PS4 ou PC (même avec une configuration modeste) le jeu tourne en 60 fps sans aucune chute de framerate. Sur PS4 Pro et Steam, le jeu affiche même une résolution en véritable 4K.
Sur PS Vita en revanche, même si graphiquement les résultats sont assez similaires, le jeu peine à maintenir un framerate à 30 fps et par conséquent je vous déconseille cette version.
C’est Ken dans ses sous sous
Il est très difficile de savoir à quel public s’adresse cette version et surtout si ce public existe.
Les fans et les puristes préféreront toujours le charme du beau pixel et de la belle 2D et beaucoup d’entre eux ont craché sur ce remake dès son annonce.
Le nouveau public, n’ayant pas d’attachement émotionnel avec ce titre, va-t-il lâcher 40 € pour découvrir ce jeu culte ? Rien n’est moins sûr et il existe beaucoup d’options pour le découvrir dans sa version originale à bien moindres frais : console virtuelle Wii ou Wii U, version Super Nintendo d’occasion, SNES Mini, iOS ou Android.
On sent bien que ce jeu, qui ressemble à un jeu smartphone, manque de budget et d’ambition, il est dommage que ce titre soit terni de bugs, de temps de chargements et manque de polish.
S’il était vendu 20 €, on lui aurait pardonné nombre d’écueils, mais vu le tarif proposé, il est difficile d’être aussi magnanime.
Malgré tout, même si j’ai beaucoup de critiques à formuler envers ce remake, la structure du jeu reste bonne en soi. On peut ne pas être d’accord avec certains partis pris artistiques, cela reste un très bon jeu, à défaut d’être un bon remake.
Espérons que ce revival récent de la série Mana préfigure la localisation tant espérée de Seiken Densetsu 3, ainsi que la mise en chantier d’un nouvel épisode inédit avec un peu plus d’ambition que ce à quoi l’on a droit aujourd’hui.
Falcon
Points forts :
- C’est Secret of Mana
- Techniquement impeccable (1080P/4K + 60fps)
- Toujours aussi fun en multi
- Le problème d’escalier n’est plus
- Les dialogues sont doublés (en japonais et en anglais)
Points faibles :
- Pourquoi ne pas avoir intégré les graphismes 2D ?
- La mise en scène des cinématiques calamiteuse (pas d’animations faciales)
- La direction artistique qui ne plaira pas à tout le monde
- Un tarif assez indécent
- Réorchestrations musicales parfois d’un goût douteux
- Les temps de chargement intempestifs
- Pas de cross-buy PS4/Vita
LA NOTE : 13/20
LA NOTE : 13/20
Développeur/Éditeur : Square Enix
Genre : Action-RPG
Supports : PS4, PS Vita, Steam
Date de sortie : 15 février 2018