Test : Dragon Quest VII : la Quête des Vestiges du Monde (3DS)
Le sort de la série Dragon Quest en Europe n’a pas été dénué d’embûches, loin s’en faut.
Série iconique et mythique du jeu de rôle à la japonaise, inspirée des Wizardry et autres Ultima, elle naquit de l’union du trio emblématique composé de TORIYAMA Akira, auteur de Dragon Ball qu’on ne présente plus, SUGIYAMA Koichi, compositeur réputé de musiques de films, et HORII Yûji game designer de son état.
Sur le papier elle avait tout pour marquer les joueurs occidentaux. Sortie en plein boom de Dragon Ball, précurseur du genre même du J-RPG, et investie d’une aura bien supérieure à Final Fantasy au Japon, il fallut pourtant attendre le 8ème épisode en 2006 en Europe pour pouvoir toucher du bout des doigts à cette saga. Depuis, on a eu droit aux remakes des épisodes 4, 5 et 6 Le Royaume des Songes ainsi que l’inédit épisode 9 sur DS, et de nombreux spin-off tels que Monster Joker, Heroes et bientôt Builders, la déclinaison tentant de surfer sur le succès d’un certain jeu à base de cubes et de voxels.
Les Etats-Unis, bien plus chanceux que nous ont pu accueillir pratiquement tous les épisodes canoniques de la série sous l’ancien nom de Dragon Warrior. Ce 7e volet sorti initialement en 2000 sur PlayStation était jusqu’à présent resté exclusif aux territoires Japonais et Américain, et c’est donc avec près de 16 années de retard que l’on peut enfin s’y essayer dans un remake en bonne et due forme sur 3DS.
Pour un idéal, combat glacial du Bien contre le Mal…
L’on s’éveille, comme c’est la tradition dans chaque épisode de Dragon Quest, dans la peau d’un Héros innomé, ici simple fils de pêcheur, mais néanmoins ami du Prince Killyan de Melyor, fait suffisamment rare pour être souligné. Ils seront vite rejoints par Maribel, leur amie d’enfance qui viendra vite fouiner dans les parages.
Nos deux compères, en soif d’aventure et toujours prêts à faire les 400 coups, sont cependant las de ce monde où leur petit îlot semble être la seule terre existante au sein d’un monde abritant un océan prétendument infini. Mais c’était sans compter sur des écrits anciens parlant de contrées étrangères recelant de mystères et de monstres n’attendent que des explorateurs pour venir les conquérir.
C’est en s’aventurant dans d’anciennes ruines et après avoir mis la main sur d’anciennes tablettes mystiques que notre équipe se retrouve projetée sur une île ne figurant sur aucune carte et où personne n’a jamais entendu parler de leurs terres natales.
L’on comprendra bien vite qu’une malédiction ancienne a séparé les continents, et que ces vieilles reliques mystérieuses semblent être la clé pour réunifier le monde tel qu’il existait jadis. Notre groupe devra alors s’aventurer sur ces nouvelles terres et sauver, au travers de différentes époques, les habitants confrontés à d’innombrables dangers et empêcher des cataclysmes de se produire, tels que l’éruption d’un volcan emportant avec elle toute trace de vie, ou les sombres desseins d’un groupe de monstres maudits enlevant des villageois. Assez vite dans l’aventure, l’on mettra même la main sur un bateau à voile retapé de fond en comble afin d’explorer les océans immenses de cet univers.
Comme à l’accoutumée dans Dragon Quest, l’on découvrira une galerie de personnages attachants et hauts en couleur, bien que somme toute assez caricaturaux par moments, avec des chevaliers au cœur pur, une magicienne malicieuse, un oncle arnaqueur et empoté, un jeune garçon dresseur de loups, lesquels concourront à l’éradication méthodique des hordes de bêtes sauvages iconiques du bestiaire de la série avec les très connus slimes et autres golems, mais également des créatures plus originales et nommées avec brio par des traducteurs particulièrement bien inspirés : Kangourouste, Miaougicien, Volapistil, Malutin, Escargore, Fourbemilier, Rouage-gorge ou encore Dark-en-ciel.
Donjons et Quête du Dragon
On a ici affaire à l’école japonaise pure souche du jeu de rôle, avec des combats tour par tour très balisés, mais ayant fait leurs preuves. L’éventail d’actions permet d’effectuer des attaques simples, se défendre, employer des magies offensives ou défensives, des techniques avancées, des sorts de soin, d’évacuation, de buff temporaire de statistiques, etc.
L’on peut même donner des commandes prédéfinies à ses coéquipiers afin de n’avoir à se focaliser que sur son héros et ainsi d’expédier vite fait bien fait les combats contre le menu fretin. Dans l’ensemble, nos compagnons réagissent plutôt bien au gambit qui leur est assigné, les obligeant ainsi à agir de manière offensive, défensive ou sage, et employant les commandes les mieux adaptées aux situations en présence, en prenant l’initiative de vous soigner si vos points de vie sont faibles ou d’effectuer des attaques de zone lorsque l’on croule sous la menace adverse.
Certaines magies peuvent être utilisées hors combat, permettant de régénérer les membres de son équipe, quitter un donjon ou même revenir au dernier village visité.
Le système de Job, désormais quasiment indissociable du genre J-RPG, est bien évidemment présent, et géré de manière tout à fait fluide. L’on gagne bien sûr de nouvelles magies et compétences en progressant dans ses niveaux de classes (indépendants du niveau général du personnage et s’obtenant en battant un certain nombre de monstres et non tributaires d’un montant d’expérience) et ces dernières sont définitives et restent accessibles, même si l’on change de classe à nouveau. Ce sera d’ailleurs le seul moyen de changer l’apparence de ses héros, ces derniers gardant leur même visuel à l’écran lorsque l’on change seulement de chapeau ou de tunique, même si armes et boucliers sont visibles en combat.
La série est réputée pour ses menus assez basiques et ses sous-menus pas toujours très clairs. Les objets de l’inventaire ne seront pas illustrés dans tous les menus, et cela peut s’avérer vite assez frustrant pour repérer d’un coup d’œil ce que l’on recherche.
Remake oblige, de très nombreux passages du jeu ont été modifiés afin de diminuer certains allers et retours, donnant l’impression d’être un livreur de chez Fedex, même si cela constituera tout de même une énorme partie de notre temps de jeu, lorsqu’il faudra par exemple aller parler au vieillard d’un village ayant entendu parler d’une ancienne prophétie, lui rapporter un objet, aller chercher un compagnon, demander l’aval à un chef de village pour explorer une zone infestée de monstres, etc.
Le prologue du jeu, par exemple, dure désormais 2h et non plus 4, certaines énigmes ayant disparu afin d’améliorer le rythme du jeu et d’accélérer le temps avant la rencontre du premier slime bleu, ou gluant, en bon Français.
Faute de flèche jaune clignotante indiquant où se rendre pour faire avancer l’aventure, comme dans énormément de jeux modernes, il faudra assez souvent parler à tous les villageois afin de savoir ce qu’il faut faire, et arpenter de sinueux donjons étriqués, même si l’inclusion bienvenue de nombreuses aides comme un radar à fragments ou un menu rappelant le déroulement du scénario et les derniers dialogues importants sont censés éviter les errements un peu trop longs, même si l’on n’a pas touché au jeu depuis un certain temps.
Le jeu requiert un investissement particulièrement couteux en heures de jeu pour y venir à bout, comptez environ une centaine d’heures sans même se lancer dans toutes les quêtes annexes. Le découpage particulier du jeu, en quêtes d’une poignée d’heures chacune, assez indépendantes, mais malgré tout interconnectées, permettant de découvrir de nouvelles régions et de nouvelles époques va à ravir avec le support de la 3DS, parfait pour se lancer dans un petit chapitre de temps en temps si l’on ne dispose pas du luxe de pouvoir enchaîner des dizaines d’heures par semaine.
Héritière de ses lourdes traditions, certains archaïsmes de la série sont malgré tout assez rebutants, comme le fait de pouvoir sauvegarder uniquement dans les églises, est cependant rendu moins fastidieux par l’inclusion de mécaniques, comme la sauvegarde rapide dans les donjons ou sur la world map, point à partir duquel il faudra ensuite reprendre l’aventure depuis le menu de lancement.
Graphiquement, le jeu est un régal pour les yeux, avec ses teintes chaleureuses, ses modèles rondouillards rendant hommage aux illustrations et aux designs de Toriyama.
On pourra cependant noter de petits hoquets du framerate à certains passages du jeu, notamment lorsque l’on active la 3D stéréoscopique (très bien rendue en combat d’ailleurs, surtout quand on active la profondeur au maximum dans les options), et lorsque l’on promène sur la carte du monde, il n’est pas rare de voir apparaitre par surprise des arbres et autres éléments du décor à quelques mètres du héros, mais c’était sans doute un sacrifice nécessaire pour garder une grande distance d’affichage et éviter de trop nombreux ralentissements. Il est, qui plus est, dommage de noter le faible nombre de modèles 3D pour les villageois, les rendant vite très similaires et difficiles à identifier.
Mais ce ne sont que de maigres pinaillages face à la densité du contenu qui nous est proposé.
Waltz for life will born
Vous en avez sans doute entendu parler, les compositions musicales de cet épisode sont au format MIDI en Europe et aux États-Unis, et contrairement au Japon, l’on loupe les versions orchestrales réarrangées sorties sur support CD postérieurement à sortie du jeu sur PS1.
Ce n’est un problème de place sur la cartouche 3DS, comme annoncé initialement, mais de droits d’auteurs. Le compositeur Sugiyama Koichi refusant qu’elles apparaissent hors de la version japonaise si ses royalties n’étaient pas revues à la hausse lors de la négociation du contrat.
Certes, cela s’avère éminemment dommage et un véritable manque pour les fans occidentaux, mais ce n’est pas un pépin comme celui-ci qui devrait empêcher de prendre part à cette quête épique, et soutenir l’initiative de localiser en français un RPG de cette envergure.
Slime Fit, formal XXL
Dragon Quest VII : La Quête des vestiges du monde est un jeu massif, généreux, beau, prenant et poignant.
La fragmentation de son scénario et de sa progression s’avère composer parfaitement avec le support choisi, en reprenant une nouvelle quête de temps en temps, en découvrant de nouvelles îles, de nouveaux personnages et de nouvelles époques pour éviter la lassitude qu’incomberait le fait d’enchaîner pratiquement 100 h de jeu d’une traite.
Malgré son esthétique assez enfantine, on a affaire à un RPG très sec et classique dans ses mécaniques, et il ne faut pas s’attendre à un modèle de fluidité et d’ergonomie en comparaison avec certains de ses concurrents, la série étant célèbre pour le respect de ses conventions tri décennales allant jusqu’à l’usage des mêmes bruitages depuis les premiers épisodes.
On n’échappe certes pas à d’innombrables poncifs du jeu de rôle japonais, mais après tout, l’on est parfois en recherche d’archétypes caricaturaux et de clichés, car il est toujours appréciable de profiter d’un souffle nostalgique, et se remémorer un temps où tout était plus simple, lorsque les seuls rêves et aspirations de notre enfance étaient le voyage et l’aventure.
Points forts :
– Patte artistique impeccable
– Mécaniques de jeu huilées au beurre doux
– 16 ans plus tard, un RPG majeur débarque enfin chez nous
– Un contenu incroyablement généreux et touffu …
Points faibles :
– … au point d’en lasser les moins obstinés
– Très classique dans sa construction et aride par moments
– Quelques menues imperfections techniques
– Absence des musiques orchestrales en Occident
LA NOTE : 16/20
LA NOTE : 16/20
Développeurs : ArtePiazza
Éditeur : Square-Enix
Genre : J-RPG
Supports : Nintendo 3DS (et PS1 au Japon et USA)
Date de sortie : 16 septembre 2016