Test : Disgaea 6: Defiance of Destiny (Switch)
Le dernier jeu de la série remonte à 2015. Entre-temps on a eu droit à quelques remakes, mais l’attente s’est avérée plutôt longue. C’est donc avec une grande joie que je me suis plongé dans ce nouvel épisode, mais après un cinquième opus vraiment excellent, est-il à la hauteur ? La réponse, sans attendre.
Peut-on échapper à son destin ?
Disgaea 6, contrairement aux jeux précédents, commence par la fin. On incarne Zed, jeune zombie qui veut devenir l’être le plus puissant afin de terrasser le Death-Structor (admirez le jeu de mots !) Divin dont le but est de détruire l’univers. Zed débarque donc à l’assemblée des démons et explique à l’overlord Ivar comment il a pu vaincre ce puissant démon que personne n’est arrivé à battre. Ou plutôt, tente d’expliquer. Car le joueur est envoyé dans les souvenirs de Zed et doit revivre tous les événements ayant conduit à ce moment précis, épisode par épisode, pour s’apercevoir que Zed se fait battre à chaque confrontation. Dans sa lutte contre le destin, Zed cherche plus de puissance. Il est aidé par son fidèle chien Cerbère qui a lancé un sort d’ultra réincarnation. À chaque mort, Zed se réincarne dans un monde censé le renforcer. Le jeune zombie va donc subir une longue série de réincarnations qui vont le conduire à rencontrer plein de personnages pittoresques dans le seul but de changer son destin. Mais peut-on vraiment échapper à ce dernier ?
Un T-RPG nouvelle formule
Si Disgaea 6 reprend une grande partie du gameplay de la série, il y a toutefois de grandes différences avec les autres jeux. On reste sur du RPG tactique au tour par tour dans lequel il faut éliminer tous les ennemis présents en tentant les combos les plus impressionnants. Chaque membre de l’équipe dispose de sorts et attaques spéciales qui dépendent de sa classe (guerrier, voleur, mage, tireur, archer, lutteur, etc.) et de techniques propres, surtout pour les personnages spécifiques à l’histoire. Ceux qu’on ne peut pas créer.
Les combats reprennent les mécanismes de base de la série : on choisit les membres de son équipe, on les fait se déplacer, on choisit les actions de chacun dans l’ordre de notre choix puis on met fin à notre tour pour constater les effets. Les géocases (cases colorées conférant des bonus ou des malus aux personnages placés dessus) sont toujours là ainsi que la possibilité de soulever les personnages ou les objets pour les lancer, ce qui permet de parcourir de grandes distances en un seul tour. Disgaea 6 reste un RPG tactique offrant un grand nombre de possibilités et des combos impressionnants. En revanche, les magimorphes ont disparu. On ne peut donc plus fusionner un démon avec un personnage humain pendant les combats pour obtenir des personnages plus puissants. Il existe une alternative à cette méthode, mais moins attrayante. Dans Disgaea 6, le jeu a été repensé pour donner un nouveau souffle à la série.
Fini l’éditeur de carte et les fonctions en ligne. Fini le monde des anges : on ne retrouve que le monde des démons et celui des humains. Les prinnies ne sont plus les esclaves emblématiques du jeu ! Le nombre de personnages génériques est maintenant fixé à 22 (contre 47 pour Disgaea 5, sans compter les personnages spéciaux). Les attaques propres à chaque arme ont aussi été retirées, tout comme les super attaques des personnages spéciaux. Cela fait mal et limite fortement les possibilités. Mais c’est pour simplifier l’expérience, qui tourne autour de l’ultra réincarnation.
Savoir maîtriser son karma
Disgaea 6 introduit la notion de karma sur laquelle repose l’ultra réincarnation. L’ultra réincarnation est possible dès le début du jeu. Il suffit d’aller à l’assemblée et de choisir le personnage à ultra réincarner. Le niveau du personnage est ramené à 1 et on obtient un nombre de points de karma qui dépend du niveau atteint avant réincarnation. On peut alors dépenser ces points pour augmenter les stats de base du personnage de façon définitive. En répétant le processus, le personnage devient de plus en plus fort mais l’augmentation de stats nécessite alors plus de karma. Il faut donc trouver un moyen d’en gagner de grandes quantités. Pour cela, il faut vérifier le statut du personnage et aller dans l’onglet « instruction malveillante ». On pourra ainsi débloquer une foule de récompenses selon des objectifs précis (nombre d’utilisation de la buvette, d’ennemis éliminés, de dégâts encaissés, niveau atteint, mondes des objets explorés, etc.), ce qui permet d’augmenter la limite de karma tout en en engrangeant un maximum. Mais cette méthode nécessite d’explorer tous les aspects du jeu.
Comme dans les titres précédents, chaque objet (arme, pièce d’équipement, objet de soin) renferme un sous-monde composé de 100 étages qu’on peut explorer. Tous les 10 étages, on combat un boss. Quand on ressort de l’objet, les bonus conférés par ce dernier augmentent selon le nombre d’étages visités et les actions effectuées (bonus détruits, salles spéciales trouvées, boss éliminés). C’est aussi dans le monde des objets qu’on peut soumettre des innocents (les habitants des objets) pour les transférer ailleurs, les élever, les faire se reproduire ou les fusionner. Malheureusement dans Disgaea 6, il n’est plus possible de dupliquer les objets pour avoir des copies parfaites de l’équipement qu’on a eu du mal à maxer. Les personnages ne gagnent plus d’expérience pendant les niveaux mais à la fin. Même les personnages morts avant la fin du niveau gagnent de l’expérience, ce qui est une première dans la série. Cela traduit, je pense, encore une fois la volonté de simplification et d’ouverture de la licence.
Apprendre à maîtriser cette nouvelle mécanique demande un peu de temps et déroute légèrement au début, même quand on connait bien la série. Ce n’est d’ailleurs pas le seul aspect perturbant du jeu.
Un passage à la 3D peu convaincant
Si les dialogues sont toujours sous forme de saynètes en 2D, on note une volonté d’introduire plus de 3D dans le jeu. Les personnages sont plutôt bien modélisés, avec toujours leur côté manga très prononcé et un cel-shading agréable. Mais les animations de combat sont maintenant en 3D, ce qui est plus lourd à gérer pour la Switch. Certaines scènes sont également en 3D, ce qui constitue une avancée pour la série. C’est pourquoi il existe trois paramètres de jeu : Performance, Balancé et Équilibré. Chaque paramètre influence l’affichage et donc la fluidité du jeu ainsi que sa qualité visuelle. On doit faire un choix entre des graphismes léchés, mais un manque de fluidité énorme (surtout en mode dock) ou une fluidité bonne mais des graphismes flous. C’est dommage, car la 3D n’apporte rien du tout et dégrade les performances. Pourquoi ne pas avoir gardé la 2D, belle et maîtrisée ? Le reste du jeu (menus, base, niveaux) affiche aussi des graphismes plus agréables et toujours aussi colorés. Ce Disgaea 6 se veut également plus grandiose que les autres.
La folie des grandeurs
Les fans remarqueront d’entrée que les stats de base d’un personnage au niveau 1 sont des nombres à 4 chiffres. Les dégâts de départ commencent à plusieurs milliers de points. C’est normal : Disgaea 6 est l’épisode de la démesure. Cette fois, la limite de niveau a été repoussée à 99 999 999. Pour y arriver, il va falloir recommencer plein de fois les niveaux pour gagner suffisamment d’expérience. Heureusement, la cabane de la triche (accessible elle aussi dès le début) va aider à gagner de gros bonus, tout comme les instructions malveillantes. Mais il faut aussi s’aider de l’automatisation du jeu.
Maintenant, il est possible de configurer chaque personnage en mode automatique. Il existe d’ailleurs une « intelligence maléficielle » qui représente l’IA de chaque personnage. Cette dernière est paramétrable et modifiable à souhait. On peut même tenter de créer ses propres paramètres via des démonicodes. Il faut vraiment apprendre à maîtriser cet outil pour l’optimiser, mais même avec les codes de base il est possible de laisser le jeu en mode automatique et de recommencer indéfiniment le même niveau sans toucher un seul bouton. Pour gagner du temps, on peut influencer les animations de combat et la vitesse du jeu. C’est un gain de temps vraiment très appréciable qui montre toujours la volonté de « casualisation » de la série. En revanche, la démesure ne se retrouve plus dans l’histoire.
Un scénario assez classique et maladroitement présenté
C’est peut-être le plus gênant dans cette nouvelle formule : l’histoire de Disgaea 6 est assez décevante en apparence. En commençant par la fin, il n’y a plus vraiment de surprise et le chapitre 1, qui couvre la plus grande partie du mode histoire, est assez répétitif. On va dans un sous-mode (un épisode), on traverse ses 4 premiers épisodes pour découvrir un nouveau personnage et tenter d’en apprendre un peu plus sur les personnages puis on tombe sur le Death-Structor Divin, qui va tuer toute l’équipe quoi qu’il arrive, même si on remporte le combat. C’est le Game Over à la fin de chaque épisode, mais celui-ci ne pénalise pas, heureusement ! Si les personnages sont toujours caricaturaux (un roi qui ne jure que par son or, une princesse capricieuse et égoïste qui envoie tous ses prétendants à la mort, une super héroïne perdue, des braves corrompus, une vieille sorcière très attachée à son apparence, etc.), en revanche le fond reste assez sage. On retrouve l’humour caractéristique de la série, avec de très nombreuses références à, par exemple, Titanic, Harry Potter, One Piece ou les séries du style tokusatsu (Power Rangers). On mélange un peu tout dans les résumés entre chaque épisode, mais le loufoque est plus sage qu’avant. D’ailleurs, la princesse Mélodia fait fortement penser à Séraphine de Disgaea 5, même si elles ont des objectifs opposés. Certaines références sont subtiles, comme celle concernant les sardines (voir notre interview du créateur de la série).
Le premier chapitre du jeu n’est vraiment pas palpitant, ce qui est encore plus dommage, car il n’incite pas énormément à aller plus loin. Pourtant, ce serait une erreur. Le chapitre deux est bien mieux et plein de rebondissements inattendus. Puis on termine le jeu, et comme d’habitude, le contenu post game est énorme. Une fois de plus, le jeu ne commence réellement qu’après l’avoir terminé. Mais encore faut-il persévérer jusque-là. Car les personnages sont assez classiques et peu attachants/charismatiques, surtout après avoir joué à Disgaea 4 et 5. En revanche, le scénario est bien plus profond qu’il paraît. Disgaea 6 cache une sorte de roman d’initiation : on voit les personnages, et pas uniquement son héros Zed, évoluer petit à petit et apprendre de leurs erreurs. Mais leur évolution est si lente qu’elle arrive assez tardivement et le recyclage des épisodes (faire chaque épisode 2 fois pour constater des différences) ne rend pas les choses plus captivantes. On aurait préféré une présentation un peu moins molle à ce niveau. Les musiques, en revanche, sont toujours très bonnes, tout comme les doublages anglais et japonais. Disgaea 6 dispose de sous-titres français, mais ces derniers sont remplis de coquilles qui piquent vraiment les yeux. On espère qu’une mise à jour les corrigera bientôt. Le fan service n’est pas oublié : Laharl, Asagi et deux autres personnages emblématiques ont droit à leur contenu additionnel, ainsi que d’autres personnages moins marquants, mais toujours appréciés des fans.
Ainsi, au début, Disgaea 6 semble une grosse déception pour les fans : plein de fonctionnalités et de personnages ont disparu, la nouvelle mécanique de jeu est un peu déroutante, l’histoire semble assez convenue et simpliste et le tout sent la casualisation à outrance. Mais, en persévérant, on découvre le véritable Disgaea 6, centré sur la démesure en combat, mais reposant sur un scénario et des personnages pleins de profondeur. L’automatisation des combats n’est pas une mauvaise chose, au contraire, cela corrige le levelling rébarbatif et long des épisodes précédents. Certainement l’épisode le plus adapté pour découvrir la série avant d’enchaîner sur les titres plus anciens.
Disgaea 6 est le premier titre de la série qui tente de s’ouvrir aux nouveaux venus en simplifiant et automatisant la formule. Si cela peut dérouter au début, le jeu reste toujours profond et décalé, avec un grand sens de la dérision et de la parodie. Les combats donnent dans une démesure exacerbée, ce qui est jouissif et fait oublier les petits soucis techniques dus à la 3D.
Enguy
Points forts :
– Combats tactiques plein de possibilités
– Plein de possibilités d’évolution des personnages
– Des combats fous où la démesure règne
– Contenu post-game énorme
– Doublages anglais ou japonais et sous-titres français
Points faibles :
– Manque de fluidité à cause d’une 3D peu utile
– Histoire qui démarre trop lentement
– Moins de personnages, moins de fonctionnalités que les autres jeux de la série
– Très nombreuses coquilles dans les sous-titres
– Plus de démesure, mais moins de dérision/humour
LA NOTE : 14/20
LA NOTE : 14/20
Éditeur / Développeur : Nis America
Genre : J-RPG, T-RPG
Support : Switch
Date de sortie : 29 juin 2021