Test : Darwin’s Test (PC)
Ce test est une première pour moi en plus de quinze ans de journalisme vidéoludique. Je n’ai pas terminé Darwin’s Test. Le jeu ne voulait pas que je le finisse et ce n’est pas faute d’avoir apprécié ce qu’il m’a laissé voir.
Un code presse pour le premier jeu du développeur français de Wolfalone Studio est arrivé dans ma boîte email début janvier 2019. Quelques jours plus tard, j’échangeais avec notre dictatrice Sironimo sur les difficultés que j’éprouvais à avancer dans le titre. « Non mais si tu voulais me punir, fallait me le dire de suite et pas aussi sournoisement T_T » peut-on lire de ma part. Le smiley est très important, il exprime le profond désarrois dont mon âme était emplie. Il avait même débordé et me coulait par les yeux. C’est vert fluo pour ceux qui se demandent.
Je venais en effet de passer deux heures bloquée dans une salle dans le noir total et intégral, à suivre une musique sensée m’indiquer la sortie. Il m’en faudra une de plus et une crise de boulimie pour l’atteindre. Quand le jeu me refit le même coup une heure plus tard, mais en pire, même Opportunity a dû entendre mon hurlement de désespoir de Mars. Darwin’s Test est donc le premier titre que je juge de manière incomplète, il est important de garder ça en tête, ainsi que les raisons pour lesquelles cela est arrivé. Ce qui nous est offert est bon. Inégal, certes, mais divertissant, intelligent… et qui parfois semble parler à lui-même, comme ignorant le joueur lambda à l’autre bout du clavier.
Notre héros à la voix grave se réveille seul, amnésique, au milieu d’un couloir sans fin. S’il veut retrouver la mémoire et partir d’ici, un scientifique aux intentions potentiellement malicieuses lui déclare qu’il a à suivre un « protocole de soins » qui consiste en une série de salles puzzle-game façon Portal, mais sans portails. Le parallèle entre les deux jeux est édifiant et impossible à ne pas remarquer. Des pièces clairement définies avec des numéros sur les portes, un narrateur vous promettant une bonne surprise à la fin de votre parcours… des tourelles lasers, des écrans, des boîtes à transporter. Tout semble y être, mais de manière beaucoup plus sobre et sérieuse. Rien de mal dans tout ça, bien au contraire : sans les gimmicks propres à la duologie de Valve, il est intéressant de voir comment le développeur essaye et réussit à garder notre attention. Chaque chose en son temps, ceci dit.
Cherche scénariste, traducteur
Bonté divine, que ce jeu est mal écrit, narré et traduit. Sa première erreur est d’être trop bavard. Il m’est rapidement devenu impossible de m’identifier au personnage principal : son vocabulaire grossier et ses joutes verbales surexcitées entrent en conflit direct avec la joueuse tentant de comprendre calmement ce qu’il se passe. L’homme à la blouse blanche nous guidant reste volontairement crypté, tout en en racontant des tonnes. Un dialogue s’enclenche au début de chaque salle, le rituel devenant alors d’espérer en apprendre un peu plus sur la situation. Spoilers : non seulement c’est redondant et ennuyeux, mais en plus le mystère général aurait mérité un peu plus de béchamel pour s’épaissir.
D’un côté nous avons donc un scientifique aimant s’entendre parler et de l’autre un gros ronchon obéissant tout de même aux ordres. S’ensuivent des disputes s’apparentant à un couple en pleine tempête : « Il a peut-être dit que j’étais têtu, mais moi je lui ai rétorqué je n’étais vraiment pas content, bien fait ! ».
Je ne sais pas si l’aspect comique était volontaire, mais bon nombre de ces échanges m’ont fait rire, tant ils sonnent faux. Le héros se met en colère à des moments invitant plutôt au calme avant de donner l’impression, deux salles plus loin, d’être l’amant secret de son guide. Il faudrait que je voie si je peux diffuser dans le coin la fanfic homosexuelle que j’ai écrite à ce sujet, d’ailleurs… La dissonance est constante et le doublage français en dents de scie n’est pas complimenté par sa traduction anglaise sous-titrée. Ce n’est pas pour rien que traduire est un métier. Pour le coup, on peut être sûrs que tout n’est pas un copié-collé de Google Translate qui ne se serait pas trompé sur les erreurs d’espaces de ponctuations. En contrepartie, j’aurais beaucoup aimé entendre le développeur, qui a doublé lui-même les deux protagonistes, nous faire un accent british à la française. Ça aurait renforcé la saveur toute particulière du titre que j’ai vraiment appréciée, même si elle était involontaire !
Mais c’est quoi ce bordel ?
Les mécaniques du soft restent simples : on récupère des blocs, on les pose sur des boutons surdimensionnés, tout en évitant les lasers. Chaque pièce, bien que suivant un schéma désormais bien connu de tous, propose un challenge unique et souvent original, malgré les quelques simples outils à la disposition du développeur. Je parle beaucoup de ce dernier, car je n’ai jamais autant ressenti l’humain derrière la création. Soyons honnêtes : il apprend sur le tas en direct devant nos yeux et c’est là où tout bloque.
Wolfalone Studio est obsédé par la variété, sauf qu’il ne sait pas la gérer. Un puzzle vous demandera juste d’arranger des objets d’une certaine façon, pendant que le suivant sera un marathon taillé pour un speedrunner de Quake. Dans les faits, une chambre vous propose l’équivalent d’un jeu de formes à remplir pour enfants, puis vous met sur une plateforme en mouvement entourée de lasers à éviter en sautant comme un lapin qui a le derrière qui gratte. Cet enchaînement de jeux de la petite enfance et de DonDonPachi: Le Puzzle Game est le signe d’une courbe de difficulté complètement folle, mais surtout de l’absence de bêta testeurs. Si seulement ça s’arrêtait là !
Souhaitons la bienvenue aux pièces réclamant des allers-retours interminables et aux tours gigantesques à escalader. S’enfermer par mégarde dans un sous-sol où la seule solution est de recharger sa dernière sauvegarde n’est pas rare, blâmons ce mur à la noix qui a fait tomber la boîte qu’on transportait. Avancer dans Darwin’s Test n’est pas une question de se creuser les méninges, mais d’essais et d’échecs en fonction des erreurs involontaires laissées par le développeur. On se retrouve régulièrement à chercher une solution quand elle n’existe pas, la faute à un jeu qui ne s’imaginait pas qu’on pourrait faire ceci ou cela à divers moments. On sent que Wolfalone connaît son jeu par cœur, qu’il peut probablement finir le tout en moins de trente minutes les yeux bandés et le zizi à l’air, mais c’est pas notre cas. Ce qui n’est rien face au péché ultime : L’Obscurité of DOOM.
Alors oui, mais non, en fait
Aucune des notes de patch ne parle de corriger ce problème. Aucune discussion internet ne mentionne ce fait. Pire encore pour mon ego, des joueurs YouTube traversent ces pièces à une vitesse qui met la honte à tout parent finissant leurs courses en un temps record dans le magasin du coin. La situation est simple et originale : plongé dans le noir total, ne voyant ni ses pieds ni le plafond, le joueur doit trouver la sortie avec pour seuls indices une musique de trente secondes placée à différents endroits et un faible spot lumineux clignotant à mi-parcours.
Je mets en avant les problèmes pour ceux qui n’ont pas suivi. On n’a aucun moyen de savoir si notre personnage a le nez en l’air ou cherche des miettes de pain. On ne sait pas si on marche dans l’axe du couloir où si on est en biais sur un mur. On est même pas sûrs qu’on est pas en train de courir contre un obstacle comme un imbécile, le seul indice pour ça semble être le rythme du bruit des pas qui ralenti. Des mains se soulevant pour donner un sens tactile comme dans Mirror’s Edge n’aurait pas été de refus… Je dis ça, je ne dis rien. Pire, la musique n’est pas placée au niveau de la sortie, mais à des endroits clés du labyrinthe, un peu comme des postes de radio disséminés aléatoirement pour nous guider sans jamais nous dire où aller.
Je répète : le jeu nous enferme dans une pièce totalement noire avec pour seul sens l’ouïe et il nous torture en n’indiquant même pas le chemin.
Le premier puzzle de ce genre m’a pris quasiment deux heures pour en voir le bout. Ma petite enceinte stéréo n’étant pas assez précise, j’ai donc sorti le casque. Puis l’équipement surround acheté d’occasion il y a une quinzaine d’années. Rien à faire. Suis-je sourde ? Bête ? D’accord, il est d’avis commun que je suis les deux, mais je ne suis pas sûre que ça explique les crises de folie que j’ai piquées. Gâteaux, anxiolytiques, tout était bon pour tenter de me faire tenir jusqu’au bout. Wolfalone a clairement mis son cœur dans ce jeu et je ne voulais pas émettre un avis négatif à cause d’un raté. J’ai fini par m’en sortir et la fierté était si grande, que rien ne pourrait désormais m’arrêter…
… Jusqu’à ce que le titre nous propose dans sa deuxième partie de refaire la même chose EN PIRE. Cette fois-ci, on a à trouver des boutons vaguement éclairés, repérables encore une fois par ce remix musical infernal de It’s a Small World, le tout sur deux salles à étages. Les musiques sortent de partout. Le noir est total. Mon personnage est-il en train de mesurer la taille de ses pieds ou de philosopher façon Shinji Ikari sur l’étrangeté de ce nouveau plafond ?
Ça a été de trop pour moi. Après une heure de sadisme supplémentaire, j’ai craqué. J’ai fondu en larmes. J’ai fui le jeu pendant un mois avant d’essayer de m’y remettre, en vain. Darwin’s Test ne veut pas que je le finisse, que je m’amuse, il préfère me torturer. Je refuse. Et c’est ici que s’arrête mon expérience.
Darwin’s Test est le premier jeu de Wolfalone Studio, le produit d’un loup solitaire qui aurait gagné à devenir un mâle alpha à la tête d’une meute. Son esthétique pure se suffit à elle-même, l’ambiance involontairement série Z est un vrai plaisir et la diversité des énigmes montre une volonté honnête de produire un titre de qualité. Néanmoins, l’absence d’équipe se voit et le tout en souffre. On en souffre. À vous de voir si vous êtes prêts à relever le défi, à adorner fièrement les badges offerts par les succès confirmant votre qualité de tru3 gam3r… Dans mon cas, je jette l’éponge. Ça avait l’air bien, mais je n’en saurai pas plus, la sélection darwinienne a parlé.
Marynou
Points forts :
– Varié
– Des challenges souvent intéressants
– L’ambiance nanar
– La musique au piano est bien
Points faibles :
– Une difficulté qui joue au yo-yo
– D’énormes erreurs de game design
– Trop bavard, mal traduit
– C’est juste que je ne peux plus l’encadrer, cette musique
La note : ??/20
Éditeur / développeur : Wolfalone Studio / Wolfalone Studio
Genre : Puzzle Game
Plateforme : Steam
Date de sortie : 7 décembre 2018