Test : Broken Age (Android)

broken-age-1Broken Age, c’est un peu les illusions brisées et la fin de l’innocence. Et si vous croyez que je parle des deux protagonistes du jeu, Vella et Shay, vous vous fourrez le doigt dans l’œil jusqu’au genou : non, c’est de mon petit cœur de joueur dont il est question. Car, Broken Age, avec ce deuxième acte hyper décevant, l’a fracassé en un millier de petits fragments.

Petit rappel des faits : Broken Age est un jeu d’aventure du studio Double Fine financé via Kickstarter qui avait levé plus de 3 millions de dollars, le record de l’époque et le catalyseur pour ce type de financement participatif. La première partie du jeu était sortie en Janvier 2014, avec pour objectif de sortir la seconde six mois plus tard. Nous sommes au printemps 2015 et ce deuxième acte pointe enfin le bout de son nez.

Le premier acte, qui présentait les deux personnages principaux et leurs turpitudes, était un sympathique préambule, pas bien difficile mais visuellement somptueux. Surtout, il laissait présager d’une montée en puissance de l’intrigue et d’un potentiel épique tout à fait excitant pour sa seconde partie. Saperlipopette, que la douche fut froide.

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[ATTENTION SPOILERS]

Pour mémoire, dans l’acte 1, on pouvait choisir entre suivre l’histoire de Shay ou de Vella (il était même possible d’alterner à la volée, sans que l’intrigue ne l’oblige), avant un cliffhanger plutôt inattendu réunissant les deux histoires. Shay est un jeune homme coincé dans un vaisseau spatial, contrôlé par une intelligence artificielle un tantinet trop maternelle justement appelée Maman : le but était donc d’échapper à la surveillance de cette mère-poule informatique pour vivre de véritables aventures, et la présence à bord d’un loup noir, moteur de la sédition contre l’IA, tombait à pic pour réussir ce projet d’évasion.

De son côté, Vella avait un destin moins enviable : dans un monde fait de cupcakes et de chantilly rose-bonbon en apparence sans danger, elle était l’une des jeunes filles du village à être offertes en sacrifice à une créature monstrueuse nommée Mog Chothra. Tout comme Shay, Vella refuse de se plier à la destinée qu’on lui impose et trouve un moyen de s’échapper lors du banquet où le monstre fait son apparition. Sa résolution sera toute autre, cependant : elle ne sera motivée que par le désir de détruire Mog Chothra et ainsi libérer de ce joug qui pèse sur toutes les jeunes femmes atteignant leur maturité. Une motivation plus altruiste et potentiellement épique que le simple « Bouh je suis coincé dans un vaisseau-jouet, c’est trop nul » de Shay.

Déjà lors de ce premier acte, l’histoire de Vella était autrement plus soignée et intéressante que celle de Shay, qui sonnait comme le caprice d’un enfant gâté-pourri : la dichotomie est moins prononcée dans l’Acte 2, même si Vella reste l’un des personnages les plus intéressants et mieux écrits de ces dernières années. A la fin de l’Acte 1, dans un jeu de miroir faisant référence à l’introduction du titre, Vella et Shay échangeaient leur place : Vella se retrouvait dans le vaisseau écrasé de Shay, et ce dernier dans le village dévasté de Shellmound. L’Acte 2 reprend très exactement à cet instant.

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[ATTENTION SPOILERS]

Première déception et non des moindres, cet Acte 2 ne possède quasiment aucun nouvel environnement à visiter. On se retrouve avec les mêmes décors que précédemment, plus ou moins détruits selon le cours des évènements. Le premier Acte mentionnait régulièrement Loruna et le Barrage Putride, deux zones liées à chacun des deux personnages, ce qui laissait supposer que la deuxième partie nous laisserait les explorer : que nenni, mes amis ! Loruna, la planète natale de Shay, est toujours de l’ordre de l’évocation au détour d’un dialogue, et le Barrage Putride n’a droit qu’à un seul écran à la toute fin de l’histoire. Et avec cette redondance dans les environnements, le souffle épique de l’histoire de se vautrer lamentablement dans des révélations malhonnêtes.

La partie de Shay, encore fois la plus faible, commence ainsi avec une révélation tellement absurde qu’on ne peut que suivre la suite des événements d’un œil distrait, frustré par ce développement incohérent avec tout ce qui nous a été présenté jusqu’alors : l’IA Maman (et son alter-ego masculin, Papa) s’avèrent être les vrais parents de Shay qui, même s’ils cohabitent sur le même vaisseau, se sont perdus de vue pendant plusieurs années, au point que Shay les ait remplacé dans sa mémoire par des programmes informatiques envahissants.

Si cette idée pourrait avoir un potentiel évocateur dans un conte ou une fable, elle ne fonctionne absolument pas dans un jeu-vidéo, de surcroît épisodique : le twist est d’autant plus incohérent que le premier Acte ne laissait aucune ambiguïté quant à la nature de ces « parents ». Une révélation de cette nature laisse surtout la désagréable impression que l’histoire, un peu à la façon de Lost, a été écrite au fur et à mesure du développement et la décision de passer à un format épisodique d’apparaître comme fatale à la suspension d’incrédulité.

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[ATTENTION SPOILERS]

Passons un voile pudique sur les énigmes qui oscille entre l’enfantin et l’absurdement difficile, reliquat de cet esprit « LucasArt » qui plaît tant aux joueurs nostalgiques de cette époque (des énigmes à motifs aléatoires en 2015 ? ce n’est pas un mauvais game-design, c’est de la fainéantise pure et simple). Je vais même aller plus loin et vous donner la solution à une énigme  tellement tirée par les cheveux que vous risquez la calvitie à essayer de la résoudre par vous-même : quand vous aurez besoin du serpent, laissez-vous attraper par ce dernier et ne faites absolument rien pendant deux vraies minutes du monde réel. Voilà. Il suffit d’attendre devant son écran que le serpent se fatigue et s’écroule à vos pieds, sans qu’aucun indice ne vous pousse à agir de la sorte.

Vella s’en sort beaucoup mieux côté puzzle avec quelques passages vraiment originaux et plaisants à jouer (je ne vais pas vous les spoiler, ce serait dommage). Autre tuyau pour ne pas se retrouver bloqué bêtement : certains indices pour les énigmes de Vella se trouvent du côté de Shay et vice-versa, contrairement à la première partie où il était parfaitement possible de terminer chaque segment sans avoir à les alterner. Oh et le jeu ne vous indique jamais qu’il faut switcher entre les deux histoires pour avancer, sinon ce ne serait pas drôle.

Pour terminer sur une note positive, le cast vocal est toujours aussi soigné que précédemment, les graphismes toujours aussi mignons et le jeu se prête admirablement à un gameplay tactile : d’ailleurs, je recommande vivement ce support, plutôt que le PC, l’interface ayant été pensée pour les gros doigts et non la souris. Aussi, l’humour déjanté et sarcastique de Schafer fonctionne à plein, même s’il se repose sur des mécanismes déjà vus dans l’Acte 1.

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Honnêtement, autant d’erreurs de game-design, de narration et de choix de format auraient du condamner Broken Age aux affres des notes-en-dessous-de-la-moyenne, mais il faut bien reconnaître que joués d’une traite, les deux actes forment un tout conséquent, bancal et néanmoins attachant, grâce à une direction artistique soignée et un doublage aux petits oignons. Pour ceux qui ont joué au premier Acte l’année dernière, enlevez deux points à la note et préparez-vous à une sacrée déception, tant narrative que ludique. Un dernier conseil avant de vous lancer dans l’aventure : jouez plutôt à Technobabylon.

Go-Ichi

Points positifs :

  • C’est joli
  • C’est bien doublé
  • Intéressant pour qui n’a pas déjà fait l’Acte 1

Points négatifs :

  • L’histoire qui se casse la figure
  • Les énigmes absurdes, fainéantes et mal pensées
  • Gameplay tactile affreux à la souris
  • Technobabylon est dispo

La Note Gamingway : 10/20

Éditeur/Développeur : Double Fine Productions
Genre : Aventure
Support : Windows, Mac, SteamOS, Android, iOS
Date de sortie : 28 Janvier 2014 pour l’Acte 1, 27 Avril 2015 pour l’Acte 2

  • cym0ril11/06/2015 à 12:52Permalink
    Rooh, quelle déception !

    Même si je reste curieux, j’ai un peu renoncé à investir les 20€+ qui sont demandés pour y jouer… Encore un jeu que je ferai probablement dans quelques années du coup T__T

  • Sironimo11/06/2015 à 17:53Permalink
    Ton test m’a vraiment donné envie de jouer….au premier volet ^^.
    Moins au second bizarrement !
  • Go-Ichi12/06/2015 à 13:33Permalink
    Pour le coup, comme vous n’avez jamais joué à la première partie, ça peut être une bonne expérience (malgré les énigmes reloues) : ma déception vient principalement du fait que j’ai été saucé par le premier acte avant d’être complètement refroidi, un an et demi plus tard, par une deuxième partie ultra-flemmarde. Pris comme un tout, ce doit être beaucoup moins décevant.

    En plus, il y a un petit truc appelé « Soldes Steam » en ce moment…

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