Test : Steins;Gate ELITE (Switch)

J’ai moult bêtises concernant le mot ELITE. Celle de la nation qui traverse la rue, ELITE Semoun… mais je me tairai. Steins;Gate ne mérite pas ça. Nous avons là un classique instantané, la réécriture brillante, quoiqu’inégale, d’un chef-d’œuvre de la science-fiction. Taisez-vous et donnez votre argent.

Si vous n’avez jamais joué au monolithe Steins;Gate, fermez votre navigateur et jetez-vous dessus au lieu de m’écouter ! Vous avez le choix entre l’original, délicieusement lettré et saupoudré de magnifiques illustrations de Ryohei Fuke (Metal Gear, Black Rock Shooter), ou ce remake plus succinct, mieux construit, utilisant, à la place, des passages d’anime. Mon propre élitisme me fait préférer le premier, mais cette nouvelle version n’a rien à se reprocher ; vous devriez même déjà être dans la rue, en route vers votre revendeur pour vous procurer Steins;Gate ELITE sur Switch, PlayStation 4 ou PC. Quant à celles et ceux ayant déjà vécu l’aventure d’Okabe Rintaro, je n’ai rien à vous prouver. Ce test est complètement inutile, le bijou est resté un bijou, un indispensable, je m’arrête là. Et surtout : El Psy Kongroo !

Your 2D wives are crying

…Il paraît que je dois travailler un peu plus dur si je ne veux pas perdre mon poste. Soit ! Steins;Gate est un Roman Visuel sorti en octobre 2009 au Japon et la deuxième collaboration entre les studios 5pb. et Nitroplus. Cette suite indirecte de Chaos;Head s’inscrit dans le cadre de la série des Science Adventure aux titres ornés d’un point virgule. Chaque opus de cette saga prend place dans le même univers fictif basé à « 99% sur la réalité avec 1% de fantaisie » et se rejoignent donc forcément sur bien des points. Voyez ça comme un univers gigantesque et complexe à la Marvel où les personnages d’un titre se retrouvent dans un autre, partagent leurs théories et capacités, avec toujours une solide base scientifique absolument captivante.

Ce titre a été un succès immédiat lors de sa sortie sur Xbox 360 dans son pays d’origine. Les portages, manga, remakes 8 bits, suites alternatives, CD dramas, anime et pièces de théâtre se sont enchaînés. Le gameplay simple et rudimentaire, amplement moins interactif qu’un Ace Attorney, n’a pu empêcher son scénario prenant et ses majestueux thèmes au piano d’envoyer le soft au panthéon des grands. Ne vous y trompez pas : bien qu’étant présenté sous la forme d’un jeu vidéo, Steins;Gate et son remake sont avant tout des romans et se dégustent comme tels. Comme nous l’avions déjà précisé en 2016 pour la semi-suite Steins;Gate 0, le meilleur moyen de profiter de ce genre de chef-d’œuvre reste donc sur une machine portable, plus précisément la Switch, ici.

D’accord, cette Nintendo n’est pas si portable que ça, mais avec de grandes poches, ça peut marcher. ELITE est d’ailleurs également sorti sur Vita au Japon, bien plus petite que madame Nintendo… Pas de chance pour nous, que le bébé de Sony repose en paix.

Banana Jelly

Il aura suffit d’un SMS envoyé au mauvais moment pour que la vie de l’autoproclamé scientifique fou Okabe Rintaro, alias Hououin Kyouma, parte dans une direction particulièrement inattendue et tragique. Ses voyages temporels et dimensionnels expliqués par diverses théories scientifiques ont tout d’un Retour Vers le Futur aux enjeux plus compliqués. Le développement du protagoniste est toujours aussi délectable, cachant bien son sérieux et son désespoir sous une couche de comique irrésistible. La localisation uniquement anglaise est d’une qualité remarquable, mais peut désarçonner ceux connaissant celle de l’original par cœur. Rien d’extraordinaire, on pense à de petites expressions ou mots qui ont été changés… D’accord, ce n’est même pas un problème, j’essaye juste de faire mon travail de critique face à la perfection absolue. C’est que je veux garder mon job, soyez cléments.

De cette histoire légendaire, beaucoup apprécieront son traitement beaucoup moins sec, particulièrement lors de la première partie. Le séminaire détaillé de la neuroscientifique Makise Kurisu est plus direct, allant à l’essentiel, pendant que les différentes expériences suivant la catastrophe sont, elles, raccourcies pour une narration plus fluide. En contrepartie, d’autres passages originaux ont été étoffés, notamment le fil de discussion en ligne de John Titor, une surprise particulièrement agréable remplie de références, nous montrant à quel point le monde internet n’a pas changé en dix ans. De bout en bout, Steins;Gate ELITE reste fidèle à sa trame, préférant élaguer le lourd et n’y laisser que l’agréable.

Daga otoko da [But he’s a guy]

Si Steins;Gate ELITE a pour but de reprendre fidèlement la narration du Roman Visuel dont il est issu, il a parfois bien du mal à garder son cap. Utiliser l’anime comme élément visuel principal ne pouvait mener qu’à un problème que tout le monde avait vu venir : ne pas avoir assez d’images pour combler tous les trous laissés par l’adaptation télévisée. Les solutions employées sont diverses et inégales ; les images fixes s’enchaînent lors de longues discussions, pendant que de nouvelles animations ont été produites pour d’autres. Ces dernières ont la malchance d’être un peu en décalage artistique face au reste, résultat obligatoire de la retouche d’un produit vieux de longues années. Le trait y est différent, parfois plus précis, d’autres fois moins. Le mélange de passages de la série, d’artworks immobiles et de moments inédits devrait être assez spécial pour les érudits, pendant que les nouveaux se délecteront de toute façon de ce chef-d’œuvre. De surcroît, l’incroyable bande-son mélancolique répond toujours présente à l’identique. Quand on découvre Steins;Gate, on se tait et on déguste, la critique est interdite.

Les puristes peuvent donc se rassurer, toutes les fins alternatives sont disponibles et cette fois-ci elles bougent (en partie). On sent le travail immense derrière cette assemblage de morceaux qui ne semble jamais être le fruit du docteur Frankenstein. L’équipe a eu l’occasion de parfaire leur œuvre, d’offrir à la nouvelle génération une manière plus digeste de déguster leur met de choix. De polir les moindres détails, vous voyez ?
Voici l’heure de Marine râle comme un bœuf en rut ! Non content d’insister toujours aussi lourdement sur la « véritable » identité d’un personnage vraisemblablement transgenre (aussi drôle puisse être amené le sujet), il a également été jugé bon de garder intacte la scène d’attrapage de parties génitales. N’allez pas vous imaginer une tendre relation romantique dénudée, on parle bien d’une main au panier sortie de nulle part, à froid. Okabe Rintaro grabs son amie by the pussy comme il faut, une bonne agression sexuelle à l’ancienne… Ce qui est bien, mais pas top.

N’inondons pas la soupe de nos glaires de prolétaire, il est toujours possible d’apprécier pleinement une œuvre malgré ses tares. Steins;Gate ELITE n’est pas une ré-imagination, mais bien la réécriture digeste d’un texte un peu long et parfois barbant, pour certains, à l’origine. La vraie différence se trouve au final dans son gameplay passé de quasi inexistant au néant absolu. Votre téléphone portable, seul moyen d’interaction avec l’univers, vous guide toujours vers une fin ou une autre, en fonction des réponses envoyées aux messages que vous recevez. La différence est qu’il s’ouvre désormais automatiquement entre deux scènes, on ne peut plus l’utiliser quand on le veut pour relire d’anciens emails. Tout comme Capri, l’accès et la personnalisation à votre phone pas smart, c’est fini ! Un détail qui n’a qu’une faible importance, il s’agit encore une fois de s’assurer d’une progression plus fluide de l’histoire.

Ce remake du classique de la littérature de science-fiction est donc une réussite quasi totale. Plus fluide dans sa narration, agréable à naviguer, on aurait souhaité au final que deux choses : quelques petites corrections sur des sujets impardonnables post #metoo et un Future Gadget pour nous rendre amnésique et redécouvrir l’un des meilleurs Visual Novel jamais créé.

Marynou

Points forts :

– Une des plus belles bandes-son jamais produites
– Son scénario. Retour Vers le Futur, c’est du passé
– Écriture et traduction de qualité
– Tragique à souhait, me touche personnellement, mon psychologue est captivé
– Daga otoko da (But he’s a guy)

Points faibles :

– On attrape pas les gens par la chouchoune, en fait
– Moins interactif qu’avant
– Présentation en dents de scie
– L’histoire a une fin. Une vraie fin. Aucune suite possible.

La note : 19/20

Éditeur / développeur : Spike Chunsoft / 5pb.
Genre : Roman Visuel
Plateforme : Steam, PlayStation 4, Switch
Date de sortie : 19 février 2019

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *