Test : Reigns (iOS, Android, PC)

reigns-0N’avez-vous jamais caressé l’idée de devenir monarque ? De régner sur vos citoyens d’un doigt de fer ou d’une pichenette de velours ? D’envahir votre voisin du Nord ou de pactiser avec le Diable himself ? Eh bien, ne cherchez plus : Reigns n’attend que vous !

Vous êtes maudit. C’est pas moi qui le dit, mais le spectre d’un roi défunt qui, comme vous, est coincé dans cet état ectoplasmique pour ce qui semble être un bout d’éternité. Vous êtes maudit et vous vous réincarnez, à chaque mort, dans le corps du roi qui vous succède à la tête du royaume. Le spectre vous prévient dès les premiers instants du jeu : pour briser ce cycle infini, il faudra trouver le Démon (si tant est qu’il existe) et le forcer à rompre le sortilège. Plus facile à dire qu’à faire…

2000 ans d’histoire(s)

Reigns se situe à l’improbable carrefour d’un jeu de cartes, de la gestion d’un royaume médiéval et de Tinder, célèbre app’ pour  trouver un plan cul de drague et affiliés : en effet, le jeu de Nerial vous demande de satisfaire (ou non) les requêtes de vos sujets, en « swipant » à droite (ou à gauche) les cartes qui représentent chaque situation. La décision que vous prendrez influera positivement ou négativement les symboles en haut de l’écran, représentations stylisées de chacun des pouvoirs de votre royaume : une croix pour l’Église, un bonhomme pour le peuple, une épée pour l’armée et un dollar pour la finance. Une élégance de design qui trouve un juste milieu entre transmettre une info capitale et garder une marge d’imprécision pour le suspense.

Pour prendre un exemple simple : choisissez de construire des églises chez le voisin et vous verrez votre jauge de « foi augmenter ; dans le même temps, celle de l’armée baissera d’un cran (qui aurait préféré leur rouler sur la tronche), ainsi que celle des finances, puisque ces églises coûtent les yeux de la tête. D’autres situations auront des conséquences bien moins limpides (voire complètement absurdes), parfait pour la rejouabilité du titre. Ces choix n’ont pas pour seule influence que remplir ou vider ces jauges, mais peuvent également avoir des conséquences sur les membres de votre cour : décider d’ajouter des feux d’artifices et de la musique aux exécutions ravira, certes, votre peuple, mais votre bourreau risque de faire un peu la gueule… Des dizaines et des dizaines de situations vous attendent, qui vont de la plus critique, l’invasion OKLM du royaume voisin, par exemple, à d’autres plus triviales (en apparence), comme manger un champi aux propriétés inconnues.

Mécanique intéressante, le game over intervient dès lors que vous perdez les faveurs de l’un de vos quatre piliers, tout autant que si vous en privilégiez un par rapport aux autres : gare à la révolte populaire ou au putsch armé si vous abondez trop dans le sens du peuple ou de l’armée, donc… Reigns demande de ménager la chèvre et le chou en permanence pour espérer régner le plus longtemps possible. Une représentation somme toute cohérente de l’exercice du pouvoir : pour être un bon gouvernant, impossible de satisfaire tout le monde, pas plus qu’ignorer royalement une partie de la population. Cela dit, essayer de jouer au roi juste est le meilleur chemin vers une mort rapide et douloureuse, beaucoup de décisions servant à faire avancer l’histoire se trouvant du côté du « tyran qui s’en bat les roustons ».

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T’as matché avec Dame Courcelle ?

Comme toutes les cartes ne sont pas débloquées dès vos premières incarnations, le jeu se renouvelle très régulièrement (plus de 700 cartes sont à débloquer) et on relance avec plaisir une partie, ne serait-ce que pour choisir une autre option sur un choix déjà rencontré ou pour découvrir les nouvelles cartes ajoutées lors de la partie précédente. La mort n’est donc pas synonyme de game over au sens strict : bien que l’on recommence à l’année 1 d’un règne, on poursuit son avancée dans une frise chronologique générale qui tient compte de certaines de nos décisions passées.

Se lancer dans une croisade, ouvrir une route commerciale avec l’Orient, se faire maudire (une fois de plus ou de moins, hein)… Ce genre d’événements perdure dans le temps et vous octroie des bonus (et malus) sur la durée, vous permettant ainsi de rester toujours un peu plus longtemps sur votre trône. Il est également possible de se prévenir d’un game over lié à l’un de vos quatre pouvoirs en construisant un bâtiment adéquat, qui ira se placer en bas de l’écran parmi quatre emplacements disponibles : la banque prévient de la banqueroute, le grenier de la famine, l’hôpital des épidémies, etc. Ces bonus viennent remarquablement pimenter et complexifier un gameplay qui, s’il se base uniquement sur des choix binaires, ne manquait déjà pas de profondeur.

Un système de « missions » vous indique ce qu’il faut faire pour avancer dans l’intrigue et ainsi débloquer de nouvelles situations et personnages. Plus avant dans le jeu, il sera même possible d’aller explorer un donjon pour mettre la main sur une épée (et autres artefacts secrets), de combattre en duels (toujours avec des choix binaires) et des succès rigolos vous pousseront à faire des choix que vous n’auriez pas fait autrement.

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Le Roi est mort, vive le Roi ! Le Roi est mort, vive le Roi ! (ad lib)

La grande force de Reigns, outre son concept foncièrement original, est son design par Murakami Mieko, qui confine à l’épure tout en restant parfaitement compréhensible et expressif : les personnages ont de petites mimiques discrètes et leurs voix yaourts ajoutent encore à leur personnalité. De plus, l’humour absurde de certains dialogues rend le titre instantanément attachant. La VF est particulièrement soignée (normal, le développeur, bien que résidant en Angleterre, est français) et la qualité des textes m’a convaincu de toujours lancer l’appli en français : cela faisait très longtemps que je n’avais pas laissé un jeu dans notre beau langage, c’est dire.

Côté son, nous ne sommes pas en reste non plus, puisque Disasterpeace s’occupe du sound-design (et non de la musique) : le compositeur de FEZ a conçu la bande-son pour qu’elle épouse l’état de nos administrés, la musique évolue donc selon le remplissage de chaque jauge. Par exemple, lorsque l’Église domine, ce sont des chœurs chrétiens qui prennent le pas sur les autres motifs sonores, et la transition vers d’autres motifs en fonction de nos choix se fait de manière fluide et indétectable. Une trouvaille subtile pour illustrer le temps qui s’écoule au cours de notre règne, tout en représentant les cahots de la route, selon les événements.

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Reigns est l’un des titres mobiles les plus chronophages de ces derniers mois, après Downwell (autre titre Devolver tiens, tiens) et Imbroglio. Son gameplay, fait de swipes latéraux de l’écran, prend évidemment tout son sens sur smartphones et tablettes, même si la version PC ne démérite pas non plus : point important, le jeu coûte exactement le même prix sur toutes les plateformes (autour de 3 €), contrairement à d’autres jeux qui doublent péperlito le prix de leur version PC, sans que cela ne se traduise par un contenu enrichi ou une technique améliorée. Loin d’être un « petit » jeu, Reigns possède une vraie profondeur dans ses mécaniques et un humour loufoque qui donne une saveur inimitable à cette étrange expérience tinderesque. Le soin apporté à l’interface ainsi qu’au sound-design achève d’en faire un jeu qu’il est indispensable d’avoir sur son smartphone !

Go-Ichi

Points forts :

  • Un gameplay simple, mais d’une profondeur abyssale.
  • Des centaines de cartes pour des parties toujours renouvelées.
  • Le boulot sur la DA, unique en son genre.
  • Un humour loufoque qui tend vers le grinçant.

Points faibles :

  • RÉVOLTE !!!

La Note : 18/20

Développeur : Nerial
Éditeur : Devolver Digital
Genre : Gestion de royaume/Tinder-like
Date de sortie : 11 août 2016
Supports : PC, iOS, Android

 

 

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