Test : Deus Ex Mankind Divided (PC)

deus ex mankind dividedD’une certaine manière, ce Mankind Divided me rappelle The Descent Part 2. Je m’explique : chez nous, en Europe, l’héroïne du premier film finissait en pâtée à monstres (1) après une séquence qui la montrait s’échapper de la grotte où elle était piégée et qui s’avérait donc être une hallucination. Cependant, aux USA, leur version du film s’arrêtait quand elle sortait de la caverne, laissant la porte ouverte à une suite qui finit par arriver quelques années plus tard. Au grand dam de tous les fans du premier, tant la séquelle fut un ratage monumental. Tout comme l’héroïne de The Descent donc, Adam Jensen n’aurait pas dû revenir d’entre les morts. Mais bon, « story of his life » comme on dit…

Jensen Reborn (again)

Car après avoir survécu à une attaque terroriste qui avait poussé son patron, David Sarif, à le barder d’augmentations à la pointe de la technologie, Jensen avait déjà ressuscité une première fois pour se lancer dans une quête de vengeance afin de retrouver les salopiauds responsables de son statut de mi-Nespresso létale mi-humain. Et tout cela était bel et bon, Human Revolution reprenant à bon compte la formule de l’épisode fondateur, malgré quelques couacs absurdes (les combats de boss, quelle catastrophe) : la partie infiltration était bien menée et efficace, les quêtes secondaires nombreuses, les approches de chaque situation adaptées à notre style de jeu, un vrai bon Deus Ex remis au goût du jour. Mais le fait est que dans ma version de l’histoire, Jensen fit un choix final qui aurait dû empêcher son retour dans une suite, ainsi que celle des Illuminatis.

C’est donc au mépris de mon choix (et de celui de beaucoup de joueurs, j’en suis sûr) que Mankind Divided nous remet dans la peau synthétique de Jensen et nous fait affronter une fois de plus ces increvables Illuminatis, comme si tout ce qui s’était passé dans Human Revolution n’avait eu aucune importance : les scénaristes ont choisi comme « choix canon », celui qui n’impliquait aucune révélation au grand public des méfaits des divers méchants de l’histoire – le choix des mous, quoi. Il est évident que comme Human Revolution et Mankind Divided sont des préquelles à Deus Ex, il était impossible d’exposer les grands méchants avant les événements de l’épisode original, mais pourquoi donner ce choix, dans ce cas ?  Je sais bien qu’il est complexe de proposer une expérience qui prenne en compte tous les options données au joueur (TellTale s’en sort à peu près bien) mais quand on développe un jeu qui repose entièrement sur la liberté d’approches et de choix laissée au joueur, il aurait été intéressant de proposer une expérience novatrice de côté-là. Virer Jensen, proposer au joueur une histoire avec des points de départ différents selon l’ultime choix dans DXHR, etc.

Au final, l’histoire de Mankind Divided ignore plus ou moins les événements de Human Revolution – seul Sarif survit à l’élagage des personnages – et fait de Jensen un superflic à la botte d’Interpol, en plein Prague de 2029. Bon, ils ont quand même gardé « l’Incident », le final de HR où tous les augmentés de la planète sont devenus fous et agressifs à cause d’un virus propagé via leurs augmentations neuronales. Des millions de personnes sont mortes, entraînant un schisme dans la société mondiale, où les augmentés sont désormais considérés comme des parias et des « moins qu’humains », réveillant le douloureux souvenir de l’apartheid et un racisme décomplexé de la part des « organiques ». C’est donc dans cette Prague ghettoïsée et sous loi martiale que Jensen, à peine débarqué du train, est le témoin d’une attaque terroriste à la bombe dans la gare de Ruszicka. Ce sera donc dans cette ambiance pas hyper gaillarde qu’il faudra faire la lumière sur cet attentat, dévoiler les plans machiavéliques des Illuminatis et tenter de renverser la vapeur quant au statut des augmentés. Sacré programme.

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Enlarge your Nanolame

Côté gameplay, le jeu d’Eidos Montréal n’a pas changé d’un iota depuis le dernier épisode : on retrouve le mélange d’infiltration et de TPS-light quand les choses tournent cacao (pas chez moi) ainsi que la batterie d’augmentations dont Jensen dispose, furtives ou non, létales ou non. Le choix vous revient quand à l’évolution de Jensen pour décider quel type d’agent d’Interpol vous voulez être, même si, Deus Ex oblige, le jeu trouve tout son intérêt dans son pendant furtif. Invisibilité, bruits de pas étouffés, neutralisations silencieuses (et non-létales), toutes les augmentations indispensables de HR font leur grand retour, bien que l’on échappe pas à l’incontournable downgrade de notre personnage en début de partie. Un cliché dont on se serait agréablement passé, surtout si on avait incarné un autre personnage que Jensen.

Il est toujours aussi gratifiant de zoner hors du champ de vision des ennemis, d’en mettre un KO pendant que son pote a le dos tourné, de planquer les corps (endormis) pour ne pas se faire repérer et ainsi obtenir le bonus « Fantôme » à chaque mission remplie. Cela dit, on ne se débarasse pas totalement de l’impression d’un Deus Ex Human Revolution 1.5 tant les nouveautés manquent cruellement à l’appel. Eidos Montréal a certes raffiné son gameplay et réglé le défaut le plus problématique de HR (adieu les boss obligatoires si vous disposez de l’augmentation sociale pour négocier leur retraite), mais ne propose finalement aucune nouveauté fondamentale – comme avait pu faire le deuxième épisode, malgré des erreurs de game-design assez grossières.

Allez, on a bien quelques augmentations « expérimentales » qui viennent s’ajouter à l’arsenal déjà bien fourni de Jensen. Expérimentales parce qu’en bon cobaye de laboratoire, Jensen découvre que son corps recèle de nouveaux pouvoirs inconnus, ajoutés à son insu et débloqués par le souffle de l’explosion à laquelle il a été exposé. Ces augmentations viennent toutefois avec une limite : il n’est pas possible d’en activer une sans désactiver de manière permanente une augmentation non-expérimentale. Ce mini-choix est intéressant, mais comme on désactivera sans état d’âme une augmentation qui de toute façon ne nous servira jamais, il devient rapidement anecdotique. Vers la fin du jeu, il sera même possible de faire sauter cette limite, ouvrant la voie royale au New Game + où l’on « s’amusera » à activer toutes les augmentations de Jensen, juste pour la frime (et un succès à la clé). Côté piratage, le mini-jeu s’est étoffé et il est désormais possible de hacker certains équipements à distance, pour ne pas se mettre à découvert pendant que l’on désactive une caméra, par exemple.

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Prague, ses terroristes, ses flics corrompus

Le véritable intérêt de Mankind Divided, c’est Prague. Un grand hub qui, s’il n’a pas la taille délirante du Los Santos de GTAV, a le mérite d’être incroyablement dense, un mille-feuilles de zones optionnelles à explorer de son propre chef et de quêtes secondaires passionnantes. Des appartements accessibles uniquement par leur balcon sur rue, un réseau d’égouts où se cachent un casino clandestin ainsi que les rédacteurs d’une gazette révolutionnaire, une banque surprotégée qui permet de se frotter à un véritable challenge dont l’aventure principale est dépouvue… Prague propose beaucoup d’activités (en plus de la quête principale), sans que l’on atteigne le point Assassin’s Creed où chaque recoin de la map est prétexte à collecte d’objets inutiles/scripts qui se répètent ad nauseam. Ici, une « petite » quizaine de quêtes s’offrira à vous, chacune ayant été soigneusement conçue par des designers et non un algorithme, pour les rendre uniques et dignes de s’écarter de la trame principale.

Ce qui n’est pas bien difficile vue que cette dernière manque cruellement d’intérêt : elle ne fait que ressasser les poncifs de la série (attentat/terroristes pas si terroristes/complot…) et, plus problématique, Jensen en est cette fois complètement déconnecté. Dans HR, on suivait son adaptation à son nouveau statut d’augmenté dans une société qui ne sait pas encore comment se positionner vis à vis de ces derniers. Le jeu nous donnait aussi le choix de la couleur que l’on voulait donner à sa vengeance : raisonnée et pacifiste ou agressive et impitoyable, nous permettant de nous projeter dans le personnage. Là, son implication se résume à se trouver au milieu de l’explosion et ses motivations se résument à un tristement banal « c’est mon job » dans un monde où les augmentés sont racisés. D’où un certain manque d’émotion et d’immersion pour le joueur qui risque d’avoir l’impression d’entrer dans une routine de train-train quotidien – dramatique pour un jeu se voulant justement dépaysant (le choix de Prague, non conventionnel pour un AAA). Les quêtes secondaires sont quant à elles véritablement passionnantes et variées : la recherche d’un serial-killer, mettre fin à un trafic de drogue, enquêter sur la disparition d’un collègue… Peu nombreuses mais toutes autant soignées les unes que les autres, elles forment un à-côté indispensable (et donc pas si secondaire) pour qui voudrait profiter pleinement du titre. De manière plus pragmatique, ces quêtes secondaires rapportent tellement d’expérience et d’objets qu’il serait inconscient d’y passer à côté, ne serait-ce que pour ne pas galérer lors des dernières missions principales.

On note aussi un problème de rythme dans la progression : après une rapide mission-tuto à Dubaï, le jeu nous lâche dans Prague avec tellement de choses à faire en même temps que l’on perd de vue le fil rouge. J’ai ainsi passé pas loin de 15h (sur la trentaine pour boucler le jeu) lors de mon premier passage à Prague à explorer tous les recoins de la ville, remplir des missions secondaires, découvrir des indices qui ne me seront utiles que bien plus tard avant de me rappeler qu’il fallait que j’aille faire mon rapport de mission au QG. Ensuite, lors des passages suivants, la quantité d’à-côtés diminue drastiquement, nous faisant réaliser l’aspect étriqué de la zone. Il aurait été intéressant de diluer ces quêtes secondaires, quitte à « driver » le joueur un peu plus lors des premières heures. En termes de flow, l’expérience en aurait été que plus fluide et organique. De plus, on sera amené à visiter d’autres zones en dehors de Prague lors de la quête principale, des zones qui, à l’image du ghetto à augmentés d’Utulek, auraient réellement mérité d’être des hubs à part entière : on se souvient du Hong Kong du premier Deus Ex ou de Hengshah dans HR qui proposaient au moins autant d’activités que leurs hubs principaux respectifs.

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Encore une fois, j’ai l’impression de tailler un costard à un jeu qui m’a donné beaucoup de plaisir (j’envisage même un NG+ pour essayer des approches différentes) et qui se trouve dans le haut du panier des AAA actuels. Deus Ex Mankind Divided est un excellent jeu, ne vous y trompez pas.
Les amateurs d’infiltration pacifiste y trouveront clairement leur compte et ceux qui préfèrent se la jouer plus YOLO auront le plaisir de découvrir que la partie shoot est bien plus aboutie que dans HR. Mais concernant Deus Ex, je ne peux pas m’empêcher d’avoir une certaine exigence et des standards plus élevés que pour n’importe quelle série, fût-ce telle AAA. C’est pourquoi cet opus me laisse un petit arrière-goût d’inachevé quant à son scénario principal qui termine abruptement alors que les pièces du puzzle commencent à se mettre en place, tout ça pour laisser un peu d’air aux inévitables DLC et à une suite, probablement la dernière dans la peau de Jensen.
On notera la présence de Breach, sympathique mode secondaire qui demande de voler des données dans des représentations tangibles et protégées de serveurs informatiques. Une bonne façon de varier les plaisirs quand la grisaille de la Prague de 2029 pèse un peu trop.

(1) Non, ce n’est pas un spoiler, le film est sorti en 2003, révisez vos classiques put1.

Go-Ichi

Points forts :

  • Un gameplay d’infiltration toujours aussi fun et gratifiant.
  • Prague, superbe, dense.
  • La liberté d’action.

Points faibles :

  • Une impression de Human Revolution 1.5.
  • Trame principale peu passionnante et inachevée.
  • Pas de vraies nouveautés de gameplay.

La Note : 16/20

Développeur : Eidos Montréal
Éditeur : Square Enix
Genre : Deus Ex
Supports : PC, PS4, Xbox One
Date de sortie : 23 Août 2016

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