Test : Zero Escape 3 – Zero Time Dilemma

zerotimedilemmaLe mélange de deux ingrédients complètement différents donne souvent lieu à des résultats plus que douteux. Prenez, par exemple, le cœur d’artichaut et le coulis de framboise. Consommés séparément, chacun est délicieux à sa manière, l’un comme l’autre (1). Mélangez-les et vous obtenez un truc infâme, à même de vous retourner les tripes, comme le premier « plat » anglo-saxon venu.

Bref, cette métaphore culinaire foireuse pour dire que bien que Zero Time Dilemma mélange deux genres diamétralement opposés (le visual novel et l’escape-room), le résultat est loin d’être indigeste. Je dirais même plus : avec ZTD, on atteint l’umami vidéoludique (2).

Zéro Échappatoire

Zero Time Dilemma est en fait le troisième chapitre de la série Zero Escape, commencée sur DS avec 999 : 9 hours 9 persons 9 doors, puis Virtue’s Last Reward sur 3DS. Chacun des jeux partagent une intrigue et des personnages communs, à base de virus mortel, de dilemmes scientifiques réels et de pouvoirs parapsychologiques. Cela dit, il est tout à fait possible de jouer à chacun des jeux dans l’ordre de votre choix, la narration éclatée de cette histoire ambitieuse rendant chaque titre autonome. Évidemment, pour profiter pleinement de l’histoire et de ses nombreux rebondissements, il vaut mieux jouer aux titres dans leur ordre de sortie.

Pour celles et ceux qui n’auraient jamais joué aux précédents jeux (et ils sont nombreux, j’en suis sûr, vu la relative confidentialité de la série chez nous), vous trouverez ci-dessous une vidéo récapitulant les intrigues des deux titres. Spoilers, obvisouly.

Sinon, vous pouvez aussi patienter quelques mois et jouer aux portages PC de 999 et Virtue’s qui devraient sortir l’année prochaine, si tout se passe bien.

C’est bien beau de faire l’historique de la série, mais au final, c’est quoi Zero Escape ? Alors, mon petit pote, si tu avais lu avec plus d’attention le chapeau de ce texte, tu saurais que c’est un mélange entre un visual novel et un escape-room et ça t’aurait évité de te ridiculiser devant la totalité du lectorat de Gamingway, hein. Et une fois que j’ai dit ça, j’ai plus ou moins tout dit, en fin de compte. Mais comme ceci est un test, je ne peux décemment pas me contenter d’un « jouez-y, c’est bien ». Si ?

Bah non, je ne suis pas comme ça, moi môssieur, je respecte mes lecteurs ! (à l’inverse de JeuxBlog.com).

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Souriez, vous êtes enfermés

Zero Time Dilemma est un visual novel où l’on incarne un pauvre malheureux piégé par Zero – le méchant récurrent de la série – dans une base souterraine bardée de salles piégées et vous devrez explorer tous les embranchements d’une histoire alambiquée pour avoir le fin mot de tout ce bazar. À intervalles réguliers, le jeu vous impose de faire un choix, généralement binaire (tuer ou sauver un personnage, se sacrifier ou jeter quelqu’un d’autre sous le bus, etc.) pour pouvoir passer à la suite. Fait amusant, un choix s’effectue dès les premières minutes de jeu et selon votre décision, il vous emmènera directement à l’une des neuf fins du titre de manière aussi abrupte et directe que l’introduction du jeu, violemment in medias res. Contrairement aux jeux Telltale, ces choix ne vous donnent pas l’illusion d’avoir une influence sur le déroulé de l’intrigue, ni n’ont la même portée émotionnelle : il faudra ainsi faire régulièrement le « mauvais » choix pour avancer dans les divers embranchements et ainsi débloquer d’autres « fragments » du scénario. Life is Strange s’est d’ailleurs inspiré de cette mécanique du « je teste toutes les possibilités de résolution d’une situation », à la différence près qu’ici, ce sont les développeurs qui décident quelle succession de choix est la « bonne ».

La grande nouveauté de ce troisième épisode réside donc dans ces « fragments » qui composent l’intrigue. Là où Virtue’s Last Reward imposait de reprendre un embranchement en entier pour pouvoir faire un choix différent (y compris de recommencer certaines énigmes et revoir de longues phases de dialogues plus ou moins identiques), ZTD découpe son histoire en chapitres composés d’une partie visual novel et d’une autre consacrée à un escape-room, bien plus digestes lors des longues sessions. Cela permet de ne jamais refaire deux fois la même chose et surtout de varier les plaisirs quand une équipe de personnages vous déplaît. Une astuce scénaristique justifie de manière intelligente ce saucissonnage de l’intrigue : en effet, Zero administre une drogue effaçant la mémoire des prisonniers à la fin de chaque épreuve (ou presque). Malin.

Autre nouveauté, les prisonniers sont désormais séparés entre trois groupes de trois et l’on incarne, de fait, trois personnages différents : Carlos pour l’équipe C, Q l’enfant au casque étrange pour l’équipe Q et Diana pour l’équipe D. On peut passer librement d’une team à l’autre entre deux fragments complétés, même si je recommande personnellement (et c’est ce que le jeu semble nous pousser à faire) d’épuiser tous les fragments d’un groupe avant de passer à l’autre. Mais c’est peut-être mon côté obsessionnel compulsif qui parle. Aussi, les joueurs qui ont bouclé les deux premiers jeux retrouveront avec plaisir certaines têtes connues : Junpei, le héros de 999 fait son retour, ainsi que Sigma et Phi de Virtue’s Last Reward !

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Sors de la pièce !

Les phases de visual novel ont bénéficié d’un soin certain (même si je reste attaché aux personnages 3D de VLR) et laisse tomber les dialogues à faire passer manuellement au profit de cinématiques bien plus dynamiques. Attention, on reste dans une production modeste et les animations, ainsi que les modèles 3D des personnages, ne sont pas hyper détaillées et assez rigides. On regrettera sur 3DS des textures floues et baveuses, qui choquent de prime abord : le sound-design et les doublages de haute volée (américain et japonais sont disponibles) font cependant très vite oublier ce menu défaut. Point important : il faudra maîtriser le dialecte de Mr Bean, car l’intégralité des textes du jeu sont en anglais et le niveau de langage, principalement lors des explications scientifiques, est assez élevé.

Côté escape-room – ma phase préférée – Spike Chunsoft nous a gâté, avec des énigmes qui se renouvellent sans cesse et le fait que l’on ne repasse jamais par la même salle. Il y a toujours les sempiternelles combinaisons d’objets et autres puzzles à base d’opérations mathématiques simples (incontournables dans un escape-room), mais on trouve également des puzzles bien plus originaux et audacieux qu’auparavant. Vous les spoiler ici consiste en un crime tellement haïssable que je ne peux m’y résoudre. Chaque séquence d’escape-room est relativement courte (environ 20 minutes) et le système d’indices est désormais bien mieux pensé : vos coéquipiers vous donnent au fur et à mesure de vos échecs plus d’éléments pour vaincre le puzzle qui vous pose problème. Sans vous donner la solution clé en main, ni vous pousser à vous passer d’un carnet pour prendre des notes, cela dit !

Bon allez, quelques défauts pour terminer, le titre n’en étant pas exempt, loin s’en faut. La mollesse de la mise en scène plombe parfois la tension de certaines scènes mais, comme pour les animations, une fois cette limitation acceptée, il n’y paraît plus. Par contre, un défaut qui ne s’en va pas au lavage est le profond agacement que le personnage d’Éric m’a inspiré (le trope du chouineur/lâche/veule qu’on trouve dans tous les animes de la Terre) : des neuf personnages, c’est celui dont j’ai le plus souvent souhaité une mort lente et douloureuse à chaque fois qu’il a ouvert la bouche, et dans un jeu purement narratif, il faut reconnaître que c’est un peu gênant. Ajoutez à cela le design complètement sexiste de sa compagne Mira, tous boobs dehors, et vous obtenez la team la plus reloue du jeu. Dommage, les coéquipiers d’Éric – Mira et Q – font partie des personnages les plus intrigants, car en rappelant d’autres de la série sur bien des points.

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Tenez-vous le pour dit : Zero Time Dilemma fait partie de ces titres immanquables de l’année 2016, décidément bien riche en jeux de qualité (j’ai un top 35 qui en est la preuve, autopromo quand tu nous tiens). Spike Chunsoft donne à sa série une conclusion brillante, qui ne se contente jamais de répéter les mécanismes et idées de ses épisodes précédents. Si vous avez un bon niveau d’anglais, que le genre (assez passif) du visual novel ne vous rebute pas et que vous aimez les histoires alambiquées de voyages dans le temps/dimensions parallèles, Zero Time Dilemma n’attend que vous (mais si vous n’avez jamais joué à un épisode de la série, considérez l’achat des précédents avant). Et si vous en voulez encore, jetez un œil à cet excellent petit jeu gratuit qui date de quelques années et sur le même concept : No One Has To Die.

Go-Ichi

(1) Le/la premier/ère qui dit que « le cœur d’artichaut, c’est dégueulasse », je le/la retrouve et je lui pète les genoux.

(2) Soyez rassurés, cette métaphore culinaire toute nazebroque s’arrête là.

Points forts :

  • Le système de fragments, parfait pour les courtes sessions de jeu.
  • La possibilité de changer de personnage à la volée.
  • Les énigmes sans cesse renouvelées.
  • L’histoire, toujours aussi délicieusement sadique et tordue.
  • Les doublages au top, voix américaines comme japonaises.

Points faibles :

  • L’aspect technique un peu cheap.
  • Maîtrise de l’anglais obligatoire.
  • Crève, Éric, crève !!

La Note : 18/20

Éditeur : Aksys Games (3DS)/Spike Chunsoft
Développeur : Spike Chunsoft
Genre : Visual Novel/Escape-Room
Supports : PC, 3DS et PSVita
Date de sortie : 29 juin 2016

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