Test : Syberia 3 (PC)

Syberia ! Nul besoin pour moi de cotiser à la CNLS (Caisse Nationale des Louanges à Syberia), ayant déjà expliqué en long et en large tout le bien que je pense des deux premiers épisodes dans mon dossier. En conclusion de ce dossier, je faisais aussi déjà part de mon scepticisme quant à sortir un troisième épisode. Mais Benoit Sokal toujours aux manettes, c’est tout de même avec plaisir que je me suis lancé dans l’aventure. En voici mon histoire.

Avant de commencer et d’entrer dans le cœur du jeu, je voudrais préciser les raisons de mon manque d’enthousiasme à l’idée de voir sortir une suite au diptyque initial. La première raison – que j’avançais déjà dans mon excellent dossier, je ne pense pas en avoir déjà parlé – est, à mon sens, la complétude de l’histoire des deux premiers épisodes. La diégèse qui ressort permet au joueur de rêver, d’analyser, d’étendre lui-même son univers selon son expérience personnelle. Celle-ci n’appelle donc pas de suite directe. D’autant plus 10 ans après le deuxième épisode, situation qui demande un effort considérable, voire impossible, aux anciens joueurs pour se replonger dans l’ambiance et l’état d’esprit d’antan. Mais d’un autre côté, dans mon univers, Kate Walker devenait à la suite de son premier voyage une sorte de nouvelle Lara Croft, allant d’aventure en aventure ! Dont acte, voyons sans plus tarder ce qu’on nous propose.

Walker Texas Ranger

Syberia était un point’n click. C’est désormais un jeu d’aventure « moderne », optimisé pour le jeu à la manette, dans un univers en 3D. Conscient que les mécanismes de jeu des premiers épisodes vieillissaient, Microïds s’est attaché à effectuer un lifting complet de leur série. C’est en tout cas ce qu’ils ont essayé de faire, et c’est bien là l’ironie. Déjà à l’époque, Syberia 1 et 2 souffraient des maux classiques du genre. Rigide, lent, contre-intuitif. À tel point que l’on pourrait se demander si cet aspect vieillot n’était pas une mise en abyme subtile du monde désuet de Valadilène. Malheureusement pour le joueur, le troisième épisode tombe dans les mêmes travers, et met à jour la vérité. Derrière la refonte du gameplay, en partie ratée, se cache la maladresse des équipes de Microïds à développer un jeu qui ne se transforme pas en souffrance (le mot est fort, je le reconnais). Le jeu à la manette (ou au clavier, en tout cas, pas à la souris), ralentit encore plus qu’avant le rythme. Il faudra, en plus, tout notre courage pour se déplacer dans des décors avec une caméra fixe, ce que personnellement je n’avais pas vu depuis très longtemps ! La mise en évidence des points d’interaction avec le décor, propre à tous les jeux d’aventure, se fait automatiquement selon la position de votre personnage et de la petite marge de manœuvre dont vous disposez avec la caméra, rendant le tout parfois chaotique (notamment lorsque 2 point sont situés côte à côte). Sur ce plan, c’est donc un sans juste… l’inverse d’un sans faute quoi.

La modélisation en 3D de tous les environnements aurait pu leur apporter un bon point sur l’aspect graphique. Caramba, encore raté. On n’en vient même à regretter les cinématiques en images de synthèse pré-calculées, faites avec tant de minutie, en particulier au niveau des animations, des deux premiers épisodes. Ici, l’hommage à Ray Harryhausen est flagrant, et soit Microïds souhaite remettre au goût du jour les animatroniques (je vous renvoie au hiboux de la cinématique d’introduction pour vous en rendre compte), soit ils ont clairement manqué de budget, de temps ou de patience. Kate Walker est plus rigide que jamais. Ainsi que tous les autres personnages. Ainsi que tout, dans Syberia 3.

Mais il y a la direction artistique de Sokal. Et je fais partie de ses fans, je ne m’en cache pas. Donc, le charme reste là. Il est moindre, sur tous les aspects, mais il fonctionne encore, un peu.

Kate et Kirk, C’est toi le gros et moi le petit

Il faut évidemment s’attarder sur le scénario, sans spoil (contrairement à mon merveilleux dossier) cette fois-ci. Syberia 3 nous plonge immédiatement après Syberia 2. Kate Walker est restée en Sibérie, et imprudente, elle est recueillie par la tribu des Youkols, sur le point de mourir d’hypothermie dans une tempête de neige. Elle est soignée et emmenée par ces mêmes Youkols dans une clinique en attendant d’être remise sur pied. C’est là que sa nouvelle aventure commence, puisqu’elle va faire la rencontre de Kirk, jeune Youkol soigné après avoir perdu sa jambe, et qui a été désigné guide de son peuple dans le cadre de la transhumance des grandes autruches (sorte d’animaux fantastiques avec lesquels ils vivent en symbiose, comme les mammouths autrefois). Elle va donc aider autant que faire se peut le jeune Kirk, et tout le peuple Youkol à effectuer cette longue migration non sans danger.

Sans vouloir insister sur les raisons qui faisaient que je n’attendais pas ce troisième épisode et que j’ai abordées en début d’article, eh bien nous sommes quand même en plein dedans ! Il s’agit typiquement d’une suite qui donne l’impression d’avoir été conçue pour de mauvaises raisons. Le scénario reprend un élément secondaire des premiers chapitres, et essaye de le développer de façon cohérente pour en faire une histoire à part entière. Syberia 3 n’est finalement pas une suite, mais un spin off, avec tout ce que cela implique. Moins d’ambition, moins de charme, moins d’émotions.

Mais le problème principal de Syberia 3 n’est pas seulement son caractère de second couteau par rapport aux premiers. Si au moins la narration et la réalisation avaient été soignées. Les dialogues sont d’un ennui que j’ai rarement rencontré en jouant à un jeu d’aventure. Je ne parle pas des doublages (que j’ai suivis en français) complètement médiocres et encore une fois d’un autre temps. Les acteurs ne connaissaient probablement rien des situations qu’ils étaient en train de doubler, donnant ainsi une voix des plus suave à Kate Walker en pleine scène d’action. Concernant la narration, elle manque complètement d’ambition et de soin pour nous intéresser au sujet. Sans entrer dans des détails que la longueur de cet article ne me permet pas d’explorer, elle est plate, sans intérêt. Dès le début du jeu, l’objectif est connu. Il n’y a aucun travail sur la psychologie des personnages. Le peu (et j’insiste sur le mot « peu ») des nouveaux intervenants que l’ont rencontre n’ont rien à raconter. La dramaturgie est absolument banale, encore une fois d’un autre temps.

Je peux donner l’impression d’utiliser des grands mots, et c’est le cas, mais c’est justement tout ce qui faisait le charme des premiers Syberia. Et qui fait le charme d’un Life is Strange, par exemple.

Kate… à l’arrêt !

J’aurai beaucoup aimé pouvoir consacrer un paragraphe positif à Syberia 3. Mais vraiment, je ne peux pas. La seule chose positive que je puisse en dire étant qu’il est court. En effet, les énigmes – qui, reconnaissons-le, n’ont jamais été particulièrement le point fort de la série – sont toujours dramatiquement simples, et parfois particulièrement confuses. Alors que dans un point’n click traditionnel, il faudra plutôt jouer sur l’imagination des joueurs, et surtout compter sur l’apprentissage d’une logique de jeu pour lever des obstacles et progresser dans l’histoire, ici nous sommes au degré zéro de la réflexion. Il nous faut un laisser-passer avec un tampon ? L’action du joueur consistera à glisser le papier sous la tamponneuse et effectuer avec la manette le geste du tampon, comme s’il s’agissait d’une preuve de modernisme incroyable. Non, là encore, Syberia 3 est à côté de ses pompes, et très rares sont les moments où le joueur sentira une once de curiosité à l’idée de continuer l’aventure.

Les musiques sont peut-être le seul aspect du jeu plutôt réussi. Certes, et nous ne nous en étonnerons pas après tout ce qui a été dit, elles se lancent au mauvais moment, ou parfois pas du tout, sont un peu répétitives, mais ont gardé ce lyrisme et cette mélancolie qui aurait pu sublimer un bon jeu.

Je m’arrête là, je pense en avoir suffisamment dit. Syberia 3 n’est pas tellement un déception pour moi, mais il devrait l’être pour pas mal de joueurs fans de la première heure. Je regretterai longtemps l’incapacité d’un scénariste comme Sokal de ne pas avoir profité du charisme et de la sympathie d’une héroïne comme Kate Walker pour lui offrir son jeu, son histoire, et ainsi l’inscrire définitivement dans le panthéon des héroïnes qui ont top la classe ! Au lieu de cela, nous avons le droit à un scénario gentillet, naïf, peut-être bâclé, mais qui en tout cas, se regarde le nombril constamment.
Pour résumer l’impression que j’ai après avoir joué, je dirais que Syberia 3 est ce que Prometheus a été pour Alien : inutile (en étant gentil).

cym0ril

Points forts :

  • La direction artistique
  • L’excitation initiale de retrouver l’univers
  • La musique qui reste d’un bon niveau, bien que mal utilisée

Points faibles :

  • Le scénario, les dialogues et personnages peu intéressants
  • Les bugs, les graphismes et le gameplay
  • Les « énigmes » qui n’en sont pas
  • On s’ennuie !

La note : 11 / 20

Éditeur / Développeur : Anuman Interactive/ Microïd
Genre : Aventure / Point’n click
Supports : PC / PS4 / XBox One / Switch
Date de sortie : 20 avril 2017

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