Test : Short Peace Ranko Tsukigime’s Longest Day (PS3)
Suda 51 est bien déterminé à frapper les esprits avec ses productions aussi originales que déconcertantes. Après son premier succès critique Killer 7, au sens artistique très prononcé, Bandai Namco Games donne l’occasion aux possesseurs de PS3 d’essayer sa nouvelle oeuvre, Short Peace Ranko Tsukigime’s Longest Day. Mais ce mélange de septième art et de jeu vidéo sera-t-il apprécié par le grand public ? Des éléments de réponse immédiatement.
Un projet 2 en 1
Les joueurs ne vont pas uniquement avoir un jeu entre les mains, car le blu-ray contient en réalité une partie consacrée aux vidéo (Short Peace) et une partie consacrée au jeu (Ranko Tsukigime’s Longest Day).
Short Peace regroupe 4 courts-métrages (A Farewell to Weapons, Combustible, Gambo et Possessions) sans rapport les uns avec les autres. Ces 4 animés ont tous un style graphique propre et utilisent aussi bien des techniques modernes que des dessins plus traditionnels. On passe ainsi à de magnifiques images obtenues à l’ordinateur à de simples dessins presque rudimentaires. Mais chaque court-métrage est de qualité et raconte une histoire typique de la culture japonaise, puisant dans son folklore, ses traditions, ses angoisses. Ces 4 oeuvres ont toutes un réalisateur différent : les puristes retrouveront Katsuhiro Otomo (créateur de Steam Boy et d’Akira, rien que ça !). Chaque histoire est saisissante et saura faire réfléchir le spectateur sur des thèmes propres à la culture japonaise comme l’amour, l’honneur, la mort, la technologie, l’avenir… On retrouve la même ambiance que les histoires de Rumiko Takahashi, qui sait si bien parler de son pays ! On a donc sur le blu-ray une sorte de compilation de qualité couvrant une longue période du japon médiéval à un futur proche en mettant en scène des personnages dans des situations dramatiques ou amusantes, en touchant au fantastique ou à la science-fiction. Bref, de quoi plaire à un large public aussi bien par l’aspect visuel que par les sujet abordés : on a vraiment une perle des courts-métrages d’animation, une vaste palette du savoir-faire japonais en la matière. On apprécie les doublages japonais et les sous-titres français, en revanche l’ensemble des courts-métrages dure une petite heure, ce qui n’est pas énorme.
L’autre volet du projet, Ranko Tsukigime’s Longest Day est un jeu d’action en 2D issu de l’imagination de Suda 51. Mais ce jeu est lié à Short Peace par son côté artistique très travaillé.
Un jeu d’action survolté
Le joueur incarne Ranko, lycéenne de 16 ans avec un bandeau sur l’oeil droit. Cette jeune fille en apparence comme les autres mène une double vie et s’avère une tueuse habile, son bandeau cachant un oeil rose lui permettant de tirer avec précision. Ranko n’a qu’une idée en tête : venger sa mère en assassinant son père. Mais des personnages étranges en veulent non seulement à la vie de Ranko, mais aussi au monde entier ! La voila embarquée dans une guerre intergalactique où l’humanité joue son destin.
Le gameplay est très simple : on dirige Ranko avec le stick gauche, on attaque avec carré, croix sert à sauter et à planer. L1 permet de tirer afin de ralentir les ennemis qui pourchassent Ranko. Les niveaux reposent sur un concept déconcertant de simplicité : il faut fuir le plus vite possible afin de ne pas se faire rattraper par les ennemis, des hommes sans visage ou un adorable chien géant, sinon c’est le « game over » assuré. Le scrolling est uniquement latéral et les niveaux proposent souvent plusieurs embranchements pouvant mener à des bonus cachés. Des accélérateurs permettent de gagner momentanément en vitesse afin d’atteindre la sortie plus rapidement, tout en évitant les obstacles et en tuant un maximum d’ennemis. Le jeu s’avère vraiment nerveux et nécessite de bons réflexes pour se frayer un chemin vers les objets cachés.
Les ennemis ne sont pas là par hasard : tout contact ralentit Ranko, risquant de la faire prendre par ses poursuivants. Heureusement, en les éliminant, des actions spéciales se déclenchent comme des tirs à têtes chercheuses, une pluie d’attaque, un feu d’artifice d’effets visuels aussi beaux que meurtriers qui permettent de faire des combos extraordinaires. Ces derniers remplissent la jauge de munition de Ranko, qui peut alors tirer dès qu’un rectangle de la jauge est complet. Cette action repousse momentanément les poursuivants et peut éviter à notre héroïne une fin prématurée : il faut donc veiller à traverser les niveaux rapidement tout en éliminant un maximum d’ennemis et en chassant les bonus ! Un challenge de taille pour ceux qui veulent débloquer tous les croquis et tous les costumes bonus !
Une oeuvre d’art plus qu’un jeu
En plus des combos visuellement éblouissants, l’histoire de Ranko est racontée à travers des cinématiques qui se renouvellent sans arrêt du point de vue graphique : on commence avec des visuels dignes des meilleures séries actuelles mais on se retrouve vite face à des dessins presque maladroits ou à des graphismes dignes des séries des années 80. Ranko et ses amies passent du rire aux larmes en un clin d’oeil et l’histoire est totalement barrée : on combat aussi bien des êtres surnaturels que de simples voyous ou un catcheur mexicain ! Le jeu est aussi à l’image de ses cinématiques : alors que le jeu est en 2D, les personnages sont en 3D ce qui donne un rendu troublant, surtout quand on intègre des éléments photo réalistes à des modèles plus classiques. Le combat contre le boss de fin va même plus loin en mélangeant arrière-plan photo réaliste et sprites en 2D pixelisés à l’extrême. Le scénario passe du dramatique au surréaliste, avec des inspirations dignes de Dali, Goldorak ou Métal Hurlant ! Le tout sur fond de musique pop japonaise vraiment rythmée qui accentue l’impression de frénésie du titre.
Cette débauche visuelle et sonore est un régal pour les uns mais une horreur pour les autres : en effet, on se demande ce qu’on a entre les mains. Est-ce vraiment un jeu ? Non. Est-ce un film ? Non plus. C’est une sorte d’hybride que le grand public risque de trouver indigeste, l’effet de surprise passé.
Un contenu bien pauvre
Short Peace et Ranko Tsukigime’s Longest Day sont incontestablement une réussite sur le plan artistique, aussi bien du point de vue visuel, sonore ou culturel. En revanche, l’aspect vidéo ludique semble avoir été sacrifié sur l’autel de l’art.
Tout d’abord, le concept se révèle un peu trop simpliste : on ne fait que traverser le plus rapidement possible des niveaux qui se ressemblent, ce qui est vite répétitif. De temps en temps, un boss apparaît et le jeu exploite alors d’autres mécanismes : il faut monter rapidement en essayant d’éliminer ses adversaires qui font tout pour faire retomber Ranko sur des engrenages mortels (cette phase rappellera aux joueurs les plus expérimentés un certain niveau de Super Castlevania IV!), combattre un dragon géant à la façon d’un shoot-em up ou battre le boss de fin comme dans les premiers jeux NES. Cela rompt un peu la monotonie, mais, honnêtement, une poignée de niveaux et seulement 3 boss, c’est plus que léger ! Sans forcer, le jeu se termine en moins d’une heure ! Il est vrai qu’on peut ensuite tenter de battre son record ou dénicher tous les bonus cachés, ce qui oblige alors à refaire le jeu 10 fois ! Comment le joueur peut-il ne pas se sentir arnaqué quand on sort l’artillerie lourde pour augmenter artificiellement une durée de vie ridiculement faible ? Lorsque Ranko rencontre les hommes sans visages, leur dialogue ne semble pas avoir été entièrement traduit : le sentiment de frustration du joueur risque d’augmenter.
Il est également regrettable de ne pas voir Ranko évoluer pendant le jeu : à part changer de costume, elle ne fait rien d’autre ! Les niveaux ne sont pas très différents les uns des autres : ils sont tous assez sombres et vides et le challenge est peu présent voire absent. On se demande aussi pourquoi les temps de chargement sont aussi longs entre chaque niveau, ce qui est d’ailleurs contradictoire avec l’aspect frénétique du titre.
En résumé, Short Peace Ranko Tsukigime’s Longest Day est une oeuvre bluffante sur le plan artistique, mais contient de gros défauts sur le plan vidéo ludique qui feront réfléchir les joueurs à deux fois avant d’investir dans cet hybride entre jeu vidéo et film d’animation. En revanche, les fans du Japon trouveront là de quoi rassasier leur soif de culture nipponne tant ce projet en est imprégné. Si la fin laisse présager d’une suite, espérons qu’elle saura proposer un contenu plus étoffé car les aventures de la pourtant très charismatique Ranko ne frôlent même pas le minimum syndical ! Un gâchis quand on constate l’énergie mise dans l’aspect artistique du titre : un peu plus d’effort pour améliorer le jeu en aurait fait un titre mythique, certes peu adapté au grand public mais inoubliable pour les autres.
Enguy
Points forts :
– Réalisation artistique à tomber
– Un condensé de la culture japonaise
– Musiques et doublages excellents
– Un jeu + des films d’animation
Points faibles :
– 1h pour voir le clip de fin, 1h de plus pour les courts-métrages
– Absence de défi
– Aussi beau que vide
La note Gamingway : 12/20
La note Gamingway : 12/20
Editeur : Bandai Namco Games
Genre : action / plateforme
Support : PS3
Date de sortie : 25 avril 2014