Test : Final Fantasy VII Remake (PS4)

Alors qu’on croyait le dernier train pour Midgar parti, voilà que SQUARE ENIX rouvre son système ferroviaire entier pour notre plus grand plaisir.

« Je te promets, tu n’as jamais vu un truc pareil ! ». Ça fait un an que mon collègue ne parlait que de ça. Nous sommes au début de l’année 1997, dans la chambre d’un ami que j’ai aujourd’hui oublié, si ce n’est pour cette présentation privée de Final Fantasy VII. Le jeune garçon a de quoi être fier, il a réussi à récupérer une version américaine de Tobal, un jeu de combat 3D amplement plus intéressant à mes yeux. Dans le boîtier, une démo de ce qu’il me vend comme le futur de notre média favori : « Ça s’appelle un jeu de rôle, je crois ! C’est en anglais, je ne comprends pas tout, mais tu vas voir ». L’heure qui suit me laisse de marbre. « Allez, tu as vu ce serpent qu’on peut appeler ? » insiste-t-il, en parlant du Leviathan, « C‘est autre chose que Mario ». C’est en effet différent, et pas en bien du haut de mes douze ans. Pourtant vingt-quatre ans après et malgré mon air impassible, je me souviens de cette séance comme si c’était hier… Sûrement parce que derrière cette mine renfrognée, j’étais tout aussi impressionnée que lui.

La tête dans les nuages

Ce n’est pas la première fois qu’on essayait de me vendre le jeu. J’avais demandé une Saturn à mes parents peu après son annonce en 1995, et après l’échec cuisant de mes réclamations, c’est sur la 64 bits que je jette mon dévolu. La PlayStation ? Elle ne passera pas le seuil de la porte, je refuse de toucher à ce qui essaye de détruire la dualité Nintendo – SEGA. Ainsi, dès mars 1996, des magazines remplis d’images révolutionnaires s’empilent dans notre foyer. Mario 64, Goldeneye, Wave Race 64 ! Rien à voir avec ces blocs empilés sur fond d’images fixes que mes ami.e.s s’échangent furtivement en cours de musique.

Quelques semaines avant Noël, les magasins sont en ébullition. À l’époque y trônent fièrement des bornes des consoles du moment, le moyen parfait pour les jeunes de choisir leur future machine. La PlayStation et la 64 sont placées côte à côte, en plein combat dans l’allée centrale. À ma gauche la démo de Crash Bandicoot. Elle est là invincible depuis des mois… Mais ce jour-là se trouve Mario 64 pas très loin. La différence entre les deux files est frappante, et dire que c’est en la faveur du plombier est un euphémisme… Deux vendeurs observent la situation. La représentante de Sony, paniquée, joue à la pêche à côté de la borne Nintendo… Elle espère bien en convertir certains.

Mes premiers pas dans le Royaume Champignon en 3D sont plutôt… infructueux. « Ce n’est pas très pratique » je m’exclame un peu trop fort en attrapant la manette par ses extrémités, le pouce tiré pour atteindre le stick. « Laisse-nous la place, alors ! », la foule derrière moi n’hésite pas à exprimer son opinion. « Oui, abandonne et viens voir un instant ». Sans savoir pourquoi, je m’arrête et obéis à cette voix. La vendeuse, une étudiante dans sa jeune vingtaine, tient un magazine : « Non seulement sur PlayStation tu as une manette normale, mais en plus, les graphismes sont incroyables ! » Elle l’ouvre, le feuillette en me demandant d’attendre. « Regarde » ! Final Fantasy VII, encore. Tel un Cloud en devenir, je lui sors mon plus beau « pas intéressée » avant de retourner voir mes parents. Elle a l’air abattue… Serait-ce de ma faute ? Ma mère éprouve en tout cas le besoin de s’excuser à ma place.

Pendant deux ans, Final Fantasy VII est le jeu que tout le monde a au bout des lèvres. Les conseils s’échangent, les spoilers se multiplient, bien qu’au moment de m’essayer au portage PC, fin 1998, l’impression de participer à une fête déjà finie est forte. Pour mon esprit de 14 ans, la trame n’a pas de sens. Suis-je biaisée ? Je reconnais bien un fort message écologiste, mais d’après mes amis, le centre d’attention sont les combats, Sephiroth et la tragique Aeris. Bien qu’impressionnée, je n’ai jamais terminé FF7.

Pendant vingt-quatre ans, le titre phare de SQUARESOFT a fait son chemin dans la culture populaire. La musique et les rebondissements de l’histoire ont si bien pénétré dans l’inconscient collectif que même ceux qui n’ont jamais touché au titre éprouvent une sorte de nostalgie… Moi y compris. En démarrant Final Fantasy VII Remake, l’excitation est palpable. Cette fois-ci, je suis arrivée à l’heure ! Qu’est-ce que j’ai été bête d’ignorer le titre aussi longtemps ! J’avais décidément la tête dans les nuages.

Dernier train pour Midgar

Une chose est sûre, cette version est la dernière que nous aurons du titre avant très longtemps, si jamais ça arrive. Il est évident que beaucoup de puristes ne la considéreront pas comme ultime, mais personne ne peut nier que la production, la mise en scène ou le système de combat sont ce qu’il fait de mieux dans le monde du jeu vidéo. C’est à l’aveugle que j’ai rejoint Midgar pour la première fois en vingt-deux ans, avec de simples souvenirs flous d’événements illogiques. En 1998, je quittais la métropole dystopique sans émotion ni attachement particulier pour les personnages, trop occupée à ne pas manquer Yuffie cachée quelque part dans la forêt. En 2020, c’est les mains tremblantes et les larmes aux yeux que j’ai été contrainte d’arrêter l’aventure.

La démo diffusée quelques semaines avant la sortie du jeu m’avait déjà convaincue. En plus de proposer un remaniement parfait d’une bande-son déjà mythique, la petite heure nous propose une série de vidéos dignes des meilleurs films d’animation et un système de combat qui restera dans les annales. C’est hésitante que j’ai démarré le Remake, pourtant, persuadée qu’il était impossible de garder une telle qualité de production pendant plus de 30 h. La saga Final Fantasy n’a jamais entièrement réussi sa transition en 3D, si ce n’est pour le MMO XIV. C’est qu’on avait de quoi douter ! Entre les couloirs sans fin du X et du XIII ou le bazar patché à l’infini qu’est le XV, sans oublier les indispensables heures finales grattées avec un dernier monde construit d’assets aléatoires, le choix est vaste.

Bien qu’en partie coupable de ce dernier péché, Final Fantasy VII n’est rien de tout ça.

Alors oui, l’aventure n’est qu’une suite d’espace fermés, mais la plupart d’entre eux restent des donjons à chemins multiples avec énigmes et coffres. Chaque secteur est relié au suivant par plusieurs longs chemins, tous visitables sur un seul espace comme une carte du monde. Certaines quêtes secondaires nous demandent même de nous promener dans Midgar de bout en bout, tout du moins le quart qui a été construit pour ce remake, sans temps de chargement.

D’accord, ces derniers sont cachés par les passages étroits qu’on traverse sans cesse, mais l’équipe réussit toujours à masquer la lenteur grâce à des discussions entraînantes. Cette version de FF7 se montre bien plus bavarde que l’originale, intégralement doublée dans plusieurs langues dont le français, un moyen de nous permettre de connaître enfin les différents personnages. Problème, le sexisme est toujours de mise. Certes, Jessie a amplement plus d’histoire qu’elle n’en a jamais eu, mais son caractère reste celle d’une femme constamment joyeuse et curieusement assoiffée de Cloud. Jamais les scénaristes ne nous la montre pleurer, en colère ou hésitante ; elle reste deux dimensionnelle de bout en bout. Quant à Tifa, c’est bien parce qu’elle dispose de plus de temps d’écran qu’on arrive à s’y accrocher, car dans les faits, sa personnalité semble copiée sur celle de son amie. Les clichés, FF7R aime ça. Les femmes doivent sourire et servir de support à l’homme que nous sommes. Non, avoir un passé tragique n’est pas un trait de personnalité… Ni même d’avoir faim tout le temps comme Wedge.

Au final, la seule héroïne à sortir du lot reste Aerith, notre fleuriste locale. Bien que semblant agir comme ses deux compères pendant les premières poignées de minutes, on comprend vite que la jeune femme utilise surtout son charisme pour mener son monde par le bout du nez. La différence avec le jeu original est frappante ; autrefois une Ancienne en soif de sauver seule le monde, soit une figure maternelle salvatrice par excellence, Aerith se révèle ici être une héroïne mystérieuse qui nous échappe continuellement. On la voit s’inquiéter et rire, réfléchir et taquiner, fragile et puissante. Seule elle connaît l’ampleur de la menace qu’ils affrontent, et la seule à savoir quoi faire. Elle est, plus que n’importe qui d’autre, la star de ce Final Fantasy VII Remake.

Ceux qui ne sont pas la star sont les PNJ, soit les personnages non joueurs, des reliques sans inspiration de l’époque PlayStation 3 / Xbox 360. Les joueurs de Lightning Returns les reconnaîtront immédiatement : accoutrements fades, déformations labiales dérangeantes et mouvements de poupée, les ignorer devient nécessaire pour ne pas sortir de l’expérience… Surtout qu’on les rencontre souvent, dans chaque secteur. Ces villes sont bien plus nombreuses que ce que je m’étais imaginée et donne du cœur à ce que je pensais autrefois être une suite de situations illogiques. On avouera que chercher les chats d’une petite fille ou retrouver les enfants de l’orphelinat n’est pas ce qu’il y a de plus passionnant, mais les quêtes ont pour avantage de gonfler un univers autrefois vide. Beaucoup de mots pour dire : oui, ok, c’est barbant mais ça reste utile.

En vérité, c’est l’aventure tout entière qui est gonflée, parfois jusqu’à l’extrême. Le jeu s’amuse à nous faire prendre des détours inutiles alors que la quête principale nous appelle « comment ça, il faut sauver Untel ? Tu ne veux pas venir faire un tour dans les égouts pour chasser un cochon avec moi avant ? Je rigole, ce n’était pas une question : viens avec moi ». Final Fantasy VII Remake brasse souvent beaucoup d’air pour pas grand-chose. En plus de nous éloigner du droit chemin, les donjons s’annoncent parfois étonnamment longs pour ce qu’ils offrent et, surtout, certains boss durent plus longtemps que de raison. Le problème n’est pas tant qu’ils durent jusqu’à vingt minutes, mais plutôt la quantité d’affrontements de ce genre. La fatigue physique se fait sentir, surtout face aux boss finaux qui m’ont pris une bonne heure à eux seuls ! En contrepartie, l’ennui ne se pointe que rarement, grâce à un système de combat absolument extraordinaire.

C’est bien simple, SQUARE ENIX a enfin trouvé la recette parfaite pour ses Final Fantasy 3D. Chacun des quatre personnages jouables a la complexité d’un Bayonetta à lui-seul, Tifa en tête. En même temps, l’accent mis sur les menus permettront à chacun de s’y retrouver, sans compter le mode facile véritablement accessible à tous, même les plus jeunes. Tout est dit.

En fait, Final Fantasy VII Remake est si parfait que ses défauts jurent plus qu’ils ne devraient. Ses PNJ sans âmes, quelques textures floues, voire dégoûtantes, des phrases parfois clichées… Devoir s’attarder sur de tels détails est la preuve de la perfection du titre. La bande-son atteint des sommets rarement vus dans un jeu vidéo, les cinématiques s’enchaînent fluidement avec un gameplay en béton armé. Tout est fluide, beau, magnifique, émouvant… Et la fin, si puissante, reste gravée dans mon esprit. Est-ce ça qu’ont ressenti mes amis il y a vingt-trois ans ? J’ai été happée par cette aventure hors du commun, à enchaîner les journées dessus au point de me casser le dos, et je n’ai désormais qu’une envie : y retourner. Notre conseil, n’attendez pas la suite potentielle. Le jeu tel quel en vaut déjà amplement la chandelle. Le mythe est de retour.

Marine

Points forts :

  • Plus beau qu’Advent Children. Un monument de technologie
  • Une direction artistique souvent de très bon goût
  • La bande-son, parfaite
  • Un système de combat hors du commun
  • Drôle, triste, émouvant, éreintant

Points faibles :

  • Les PNJ, des faces de pet
  • Ces textures de Midgar vues de loin, lors de deux donjons. Nous savons, elles savent, vous saurez.
  • Des quêtes secondaires soporifiques
  • Traitement souvent sexiste des personnages féminins
  • Wedge n’est qu’un prétexte grossophobe
  • Des longueurs

La Note : 17/20

Développeur / Éditeur : SQUARE ENIX / SQUARE ENIX
Genre : J-RPG, jeu ultime de la mort
Support : PlayStation 4
Date de sortie : 10 avril 2020

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