Test : Demon’s Souls (PlayStation 5)
J’ai rien compris, mais alors qu’est-ce que j’ai aimé ! N’empêche que j’ai rien compris.
Dans le monde du travail, on appelle ça un bizutage. Je n’ai pas honte de l’avouer, ce remake de Demon’s Souls, originellement sorti en 2009 sur PlayStation 3, est ma première danse avec les folies masochistes des studios FromSoftware. En tant que bal d’ouverture à la nouvelle PlayStation 5, c’est tout naturellement que je me suis attardée sérieusement dessus dans l’espoir de comprendre comment un titre aussi old school peut plaire à autant de joueuses et de joueurs. La réponse ? Probablement que l’être humain aime beaucoup souffrir.
Que ces Démons me Soûlent
En tant que grande femme forte et aguerrie, c’est naturellement que j’ai pénétré dans l’univers inconnu de Demon’s Souls en choisissant, parmi les multiples classes, la chevalière. Cinq heures plus tard, après avoir recommencé la première partie du premier niveau plus de cinquante fois (j’ai bien dépassé le tutoriel, faut pas rigoler non plus), je me suis rendue à l’évidence : je ne comprenais rien, le ou les objectifs me semblaient flous et seule une soluce pourrait m’aider à me sortir de cet enfer. Le premier cauchemar que vous fait vivre le titre reste en effet de saisir ce qu’il attend de vous et d’agir en fonction. J’admettrai donc volontiers qu’après avoir changé pour la classe des débutants, Royauté, je me suis sentie bien plus dans mon élément. Ceci dit, je ne comprenais toujours rien.
Demon’s Souls n’est pas un jeu qui se laisse approcher facilement. Il se targue d’être le digne successeur des die and retry de l’époque pré-32 bits, des softs à l’ancienne où le game design était dicté par le nombre de pièces que le distributeur voulait qu’on donne à la borne d’arcade, mais la transposition moderne en trois dimensions de cette philosophie crée quelques petits aléas pour les débutants. Bien que ressemblant à un descendant des beat’em up / rogue-like classiques, le titre utilise les technologies à sa disposition pour proposer un cheminement ouvert et quelque peu labyrinthique, sans pour autant nous dire ce qu’on doit chercher exactement. Ensuite, le système de combat un peu sec et aussi strict qu’un Monster Hunter light ne laisse ouvertement pas de place à l’erreur. Alors que j’étais partie pour démolir du zombie-créature bizarre d’outre-tombe avec ma grande épée, il s’est avéré que lancer des sortilèges de loin comme une lâche était une tactique qui me convenait beaucoup plus. On apprécie les subtilités du système de combat telles que les coups critiques quand on poignarde dans le dos ou les évasions et autres blocages, mais entre nous, rester loin et bombarder R1 a été quand même bien plus sympa pour moi.
Ce n’est qu’en accédant à cette facilité que Demon’s Souls m’a ouvert un tantinet son cœur. En enlevant la terreur d’une joute surprise au corps à corps et avec ma connaissance académique de cette première partie de premier niveau, j’ai pu me concentrer sur ce que le titre offrait à côté… notamment la partie graphique. Existe-t-il un jeu objectivement plus beau que lui sur le marché ? Je n’en suis pas convaincue. Tout est parfait. Les textures de près sont d’une précision effarante. Les pierres et le bois se mélangent dans un délice de polygones invisibles. Certains niveaux ressemblent à des peintures tant les mélanges de couleurs sont sublimés par une technologie que je n’explique pas. Il s’agit indubitablement du seul vrai premier jeu next-gen disponible actuellement.
Ils m’entraînent au bout de la nuit, les démons de vers 8h, 8h moins le quart
Ce ne sont pourtant pas les graphismes qui m’ont forgé cette opinion, mais plutôt la manette. C’est bien simple, sans la fameuse DualSense, le jeu perd une grande partie de son sens. Comme j’ai pu en parler dans mes articles sur Spider-Man: Miles Morales et Sackboy: A Big Adventure, les fameuses vibrations de ce nouveau jouet sont issues de la même technologie que celles de la Switch, à la différence qu’elles sont plus intenses et plus précises. Leur utilisation dans Demon’s Souls ne saute pas aux yeux au premier abord ; une bonne partie de la presse vidéoludique s’est contenté de n’écrire que deux ou trois phrases sur le sujet, tout au plus. Et pourtant, leur rôle est si majeur qu’elles rendent le jeu plus facile à prendre en main.
On retrouve d’abord le petit côté fun : vous lancez un sort ? On sent littéralement la manette vibrer à partir des poignées jusqu’en haut pour mimer le lancer. Vous poignardez quelqu’un ? Les espèces de chocs qui émanent de la DualSense couplés aux sons répugnants qui en sortent donnent une véritable sensation d’os qui se brisent entre vos mains, si bien que j’ai hurlé et lâché le gadget d’un coup la première fois que ça m’est arrivé. Les exemples sont nombreux et tout aussi réjouissants les uns que les autres. Puis on retrouve le côté utile : certaines vibrations indiquent où un projectile qui vous vise va atterrir, vous permettant de l’éviter plus efficacement. La manette sert alors de radar à coups, indiquant tactilement dans quelle direction et à quelle distance se trouve le danger. Ça me fait un peu penser au bonus de recherche d’objets dans The Legend of Zelda: Ocarina of Time sur Nintendo 64 dans l’idée, mais en bien plus précis. Certains appelleront ça de la triche, moi je pense qu’il s’agit de la meilleure aide du monde !
On regrette alors que face à tant de perfection, le titre descende régulièrement en dessous des 60 FPS, même en mode « performance ». J’avoue à titre personnel ne pas apprécier cette nouvelle mode console qui consiste à choisir entre une fluidité (quasi) parfaite et profiter des nouvelles avancées technologiques comme le ray tracing. En dépensant 500 € dans une machine nouvelle génération, j’attends personnellement d’avoir les deux, je veux que la bête me prouve sa puissance. À la place, comme dans Spider-Man, Demon’s Souls nous prouve d’emblée que la PlayStation 5 a ses limites et qu’il faudra faire avec dans l’immédiat.
Bien qu’étant un classique instantané (en même temps, il s’agit d’un remake largement réclamé) avec son utilisation intelligente de la DualSense et son game design épique, Demon’s Souls n’est pas exempt de défauts importants. En plus d’être aussi peu sympathique avec les débutants, ce malgré les très nombreux didacticiels disponibles, le jeu nous montre hélas certaines limites de la toute nouvelle PlayStation 5. Une aventure à réserver aux plus téméraires !
Marine
Points forts :
– Graphiquement éblouissant
– Un véritable remake
– La DualSense dans toute sa splendeur
– Dur, dans le bon sens du terme
Points faibles :
– Les choix graphiques prouvent des faiblesses techniques
– N’aime pas les nouveaux venus
La note : 18/20
Éditeur / développeur : Sony / FromSoftware
Genre : Action, Aventure
Plateforme : PlayStation 5 (testé)
Date de sortie : 19 novembre 2020