Test : Catherine Full Body (PS4)
L’excellent dating sim / jeu de réflexion sexiste et transphobe de 2012 revient en force, dans une version remaniée, pour encore plus vomir sur la communauté LGBT. Un goût étrange, étrangement appétissant.
C’est en 2014 que je me suis finalement essayée à ce que la critique et le public décriaient comme le renouveau d’Atlus. Le jeu m’a frappée par ses thématiques adultes, ses puzzles addictifs et la direction artistique absolument phénoménale de l’équipe de Persona. Quelque chose ne sonnait pourtant pas juste ; la bande de trentenaires servant de protagonistes enchaînait les infidélités et remarques déplacées que l’on devait consommer comme paroles d’évangile. Qu’est-ce qui a changé dans ce remake de 2018 ? Rien. C’est mieux tout en étant pire, un sacré tour de force.
Show feet
Soyons honnêtes, notre héros, Vincent, se retrouve effectivement mêlé à des situations desquelles on ne s’en sortirait pas forcément mieux. Catherine, la succube, nous force effectivement la main à tromper notre amour de longue date, Katherine. Cette dernière se noie dans sa relation devenue compliquée, une situation brillamment illustrée par le choix des doubleurs dans sa version japonaise : Kotono Mitsuishi et Kôichi Yamadera alias, « Misato » et « Kaji » de la série Evangelion, deux adultes oscillant entre amants et amis sans jamais trouver le juste équilibre.
Le problème est que le duo Vincent/Katherine est à l’opposé du réalisme de son inspiration.
Notre héros subit avant tout. Rien n’est de sa faute, tout lui est imposé. Face à de la chair fraîche dénudée, il ne résiste pas ; ainsi sont faits les hommes. Il insiste sur sa volonté de rompre auprès de ses compagnons de bar qui lui conseillent plutôt de profiter de sa jeunesse. On nous invite à comprendre le bougre, terrorisé à l’idée d’être enchaîné à vie à une tierce personne par le mariage ou un enfant, des sujets que sa compagne Katherine utilise spécialement pour faire pression, contrôler ses finances et sa manière de vivre.
Arrive Qatherine, surnommée Rin, troisième intérêt romantique inédit du grand remaniement Catherine Full Body. La jeune amnésique aux cheveux roses ne survit que grâce à la bonté de Vincent. Ses apparitions inédites sont parfois maladroites, où les différents acteurs, coupés aléatoirement par la nouvelle, reprennent leur conversation comme si de rien n’était après son départ. Les animations, notamment celle de ses cheveux, jurent avec le côté plus pantin et statique du titre. Elle met surtout ouvertement sur la table des sujets LGBT au point d’en faire un enjeu majeur de l’histoire.
Tout commence quand Erica, la fameuse serveuse transgenre envers laquelle se multiplient les moqueries dans la seconde moitié du jeu, demande à Rin ce qu’elle pense des relations homosexuelles. La bande d’amis ne comprend pas qu’elle puisse ne pas être un tant soit peu dégoûtée ; Vincent est même surpris de son ouverture d’esprit, augmentant son attirance pour cette femme « piège »… et les visites à son domicile.
Grow a pair
La dynamique de l’histoire originale se retrouve ainsi changée de manière drastique en y forçant des thématiques queer. Contrairement au titre original qui se contentait juste d’être sexiste et rapidement transphobe, Catherine Full Body décide de nous faire un « chicago sunroof » majestueux sur la communauté déjà marginalisée. Une honte, mais surtout un gâchis des ressources d’Atlus qui nous sert ici son nouveau plat de manière royale.
Non content d’être doublé par de grands noms délivrant avec brio des dialogues bien écrits, le jeu est d’une beauté que seuls les fabuleux thèmes musicaux de Shoji Meguro peuvent accompagner. La qualité de l’équipe Persona est là pour un mélange réussi, entre de longues discussions très visual novel et ses puzzles captivants.
De jour, notre héros rencontre son amour de longue date avant de passer ses soirées au bar à boire et naviguer sur son téléphone. Nos relations avec les personnages et la fin sont choisies en fonction des réponses données aux SMS, libre à nous d’accepter le côté sombre de Vincent en étant un trou de fesses fini ou de lutter contre un jeu qui nous oblige à tromper à répétition notre future femme. L’histoire reste captivante jusqu’au bout grâce à sa mise en scène AAA et est rejouable aisément.
Catherine Full Body fait régulièrement allusion à l’original, suppose même que vous y avez probablement touché, en multipliant des sensations de « déjà-vu » pour les différents héros. L’étonnement de Vincent face à l’intégration de Rin dans les puzzles ne laisse aucun doute sur les intentions de la création d’un univers voué à un éternel recommencement, une idéologie motivant aussi bien l’histoire que le soft en lui-même.
C’est ainsi que la nuit, Vincent mouille son lit en faisant d’horribles cauchemars dans lesquels il doit escalader une tour composée de blocs amovibles le plus vite possible. Ici se trouve le cœur du jeu, ce pourquoi on reviendra dessus pendant des années grâce aux nombreux modes de jeu disponibles. Une communauté étonnamment assidue s’était d’ailleurs formée autour de l’original PlayStation 3 et Xbox 360 à la grande surprise d’Atlus, une popularité qui a probablement motivé son portage Steam et cette nouvelle version agissant plus comme une pseudo-suite qu’un simple remake.
On n’insistera jamais assez sur la qualité de ces puzzles particulièrement addictifs. Accessibles à tous grâce à de nombreuses aides et niveaux de difficulté, ces séquences de jeu sont constituées d’idées simples mais efficaces où votre rapidité de réflexion est votre meilleur atout. La version japonaise sortie en 2018 avait eu le droit à un portage Vita approprié au genre, on versera quelques larmes quant à son absence (mais pas trop non plus, ça reste Catherine).
Doit-on se procurer Catherine Full Body ? La réponse dépendra de vos centres d’intérêt. Notre achat soutient, certes, la localisation de jeux relativement obscurs de qualité, mais également des mœurs douteuses qu’on aimerait ne plus voir. L’efficace mélange d’animation et de réflexion devrait suffire à vous motiver, tant que vous arrivez à mettre de côté, dans leur contexte japonais, ces dérapages. Ça ne les excuse pas, mais nous empêche de passer à côté d’un excellent jeu de réflexion.
Marine
Points forts :
– Une bande-son du feu de Dieu
– Graphiquement sublime
– Excellent puzzle-game
– Visual novel de qualité
– Rejouabilité proche de l’infini
– Rin est charismatique, malgré tout
Points faibles :
– Sexiste
– Transphobe
– Homophobe
– Tout ça, mais en pire
– Pas de version Vita
La Note : 14/20
La Note : 14/20
Développeur / Éditeur : Atlus / SEGA
Genre : Réflexion, Visual Novel
Support : PlayStation 4
Date de sortie : 3 septembre 2019