Test : 13 Sentinels: Aegis Rim

Contrairement à Shinji Ikari, cette bande de gais lurons veulent monter dans le robot pour combattre les méchants kaiju, mais contrairement au héros de la saga Evangelion, ils sont tous aussi profonds qu’une flaque d’eau.

Je n’avais aucune attente du dernier Vanillaware jusqu’à ce qu’un ami me rabâche les oreilles avec, après y avoir joué dans sa version japonaise. Je me sens désormais comme une traître d’avoir autant de critiques à émettre sur un titre que j’ai véritablement apprécié. Bien que souvent avant-gardiste, 13 Sentinels: Aegis Rim a de grandes difficultés à s’émanciper des codes qu’il souhaite déconstruire. En résulte un produit proche du génie qu’on a pourtant l’impression d’avoir déjà lu de trop nombreuses fois.

Monter dans le robot

Nous sommes en 1985. Depuis quelques temps, le lycéen japonais Juro Kurabe ne cesse d’enchaîner des rêves vivides inspirés de séries populaires. Ses nuits sont courtes et, étrangement, il ne semble pas être le seul à souffrir de ce mal. Il ne le sait pas, mais ce jeune otaku, qui ne rêve que de vivre sa vie tranquillement, devra bientôt « monter dans le robot » pour sauver l’humanité.

Comme sa source d’inspiration Neon Genesis Evangelion, 13 Sentinels: Aegis Rim commence chacune de ses treize histoires indépendantes avec un cliché de la culture pop japonaise (héros de robot, jeune lycéenne en mal d’amour, rescapé de guerre…) pour mieux le déconstruire. Le format roman visuel saupoudré de point’n click aide à donner de la profondeur à ces multiples intrigues, mais hélas, aucune d’entre-elles ne semble atteindre une conclusion satisfaisante. Ou peut-être est-ce moi qu’elles n’ont pas réussi à satisfaire.

Le scénario de 13 Sentinels: Aegis Rim est, en somme, simple, mais sa narration avant-gardiste désordonnée lui donne un cachet rarement vu dans une histoire de science-fiction. En contrepartie, ce mélange des évènements à réarranger comme un puzzle est la seule chose qui nous fait tenir en haleine. Racontée de manière plus ou moins linéaire, le pitch serait loin d’avoir le même panache. Comprendre les tenants et aboutissants devient une énigme en soi, et les situations sont si nombreuses et compliquées qu’il serait facile de s’y perdre si Vanillaware ne s’en tenait pas à l’essentiel. Cependant, aller droit au but est exactement ce que je lui reproche.

Bien que chaque arc narratif nous propose une progression relativement satisfaisante, tous les personnages m’ont semblé tragiquement vides. Alors que Neon Genesis Evangelion, dont il s’inspire, utilisait ces personnages clichés pour nous faire réfléchir sur la condition humaine et nos propres souffrances, 13 Sentinels n’offre « que » une histoire bien ficelée. Les protagonistes ne semblent pas grandir et évoluer, et c’est perplexe que j’élimine les derniers kaiju restants à l’aide de cette bande d’étrangers. Qui étaient-ils ? Qu’aimaient-ils à part manger ? Quels étaient leurs peurs, leurs forces et leurs faiblesses ? Leurs personnalités sont si lisses, sans jamais de moment de grand bonheur ou de tragédie, qu’il est difficile de voir au-delà des clichés initiaux. Mon seul problème serait alors que le jeu n’offre pas de message profond, mais ce n’était probablement pas son but. Peut-être que mes propres attentes ont été induites en erreur, dû à cet ami, mais aussi à cette ambiance Evangelion incessante.

Un rim pas très pacifique

Bien que le cœur du soft reste ce labyrinthe narratif dans lequel on nous jette sans vergogne, le menu principal nous propose d’office deux autres modes tout aussi importants : Destruction et Analysis. Alors que le premier nous envoie au sein d’une lutte dont on ignore initialement le contexte temporel et scénaristique, le dernier essaye de nous expliquer de la manière la plus limpide possible le scénario. En addition du roman visuel nommé Remembrance, on se retrouve face à un menu sacrément dense pour une aventure dépassant facilement la trentaine d’heures.

La section combat désarçonne au premier abord. Alors que Vanillaware est connu pour sa 2D digne des plus grands tableaux, les joutes se déroulent à la manière du jeu vidéo de BANDAI de 2003 Neon Genesis Evangelion 2 : en 3D fil de fer épurée vue du ciel. Le résultat, jurant avec le reste du titre qui se veut plus réaliste et poignant, trouvera contre toute attente une explication dans son univers dense. À vrai dire, vu le nombre d’actions se déroulant simultanément pendant cette invasion sans fin de kaiju, la simplicité était de mise pour en assurer une lecture aisée.

Se jouant en temps réel, généralement avec six combattants sur le terrain contre une armée absolument massive d’ennemis débarquant de toutes parts, 13 Sentinels calme la tension en faisant une pause à chaque fois qu’un choix de votre part est nécessaire. Bien qu’assez simple au premier abord, le système de combat se complexifie rapidement grâce à un système de montée de niveau à la manière d’un jeu de rôle, à la différence que la courbe de difficulté fait que, quelles que soient les statistiques sur lesquelles on se concentre et les coups qu’on choisit de débloquer, l’ennemi a graduellement et inévitablement le dessus.

Visuellement envahissant au premier abord, ces batailles à grande échelle prennent rapidement des proportions d’Hercules contre Achilles aussi plaisantes que stressantes. Disons-le honnêtement, ce mode de jeu est tout autant une réussite totale qu’une pause agréable entre deux pavés de scénarios trop pressés d’arriver à leurs conclusions.

C’est ici que la section Analysis entre en jeu. Sans elle, nombre de nos cerveaux auraient fondu depuis longtemps. La densité du pitch est simplifié pour nous autres pauvres joueuses et joueurs trop habitué·e·s à taper dans le tas sans réfléchir, tout en en profitant pour offrir une ribambelle d’informations croustillantes à celleux acceptant de lire davantage. En résulte une aventure massive, dense et variée, mais relativement cohérente de bout en bout.

Classique instantané s’il en est, 13 Sentinels: Aegis Rim mérite d’office une place dans votre ludothèque, même à prix fort. Les joueuses et public LGBT pourront grincer des dents sur la manière dont sont abordés certains sujets, et il est facile de regretter l’absence de grand message ou de réflexions philosophiques malgré les thèmes avancés par le jeu, mais il est impossible de nier que son scénario solide vous tiendra en haleine des nuits durant.

Marine

Points forts :

  • Une histoire simple mais bien ficelée
  • Sa narration avant-gardiste
  • Doublages anglais et japonais réussis
  • Le système de combat particulièrement fun
  • En apparence compliqué, dans les faits accessible

Points faibles :

  • Une bande-son assez banale
  • Aurait mérité de développer davantage ses personnages et ses thèmes

La Note : 18/20

Développeur / Éditeur : Vanillaware / SEGA
Genre : Roman visuel, Point’n click, Simulateur de combat
Support : PlayStation 4
Date de sortie : 22 septembre 2020

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *