Japan Expo 2017 : Masterclass « The Art of The Legend of Zelda Series » le résumé complet

Alors que la première journée avait été placée sous le signe des Pokémon avec un Pikachu très en forme, le vendredi faisait la part belle à Zelda avec 3 invités exceptionnels pour une masterclass faisant des révélations sur le design de Link, entre autres choses inédites. À découvrir absolument !

Il a donc fallu faire l’impasse sur une conférence intéressante pour être parmi les premiers à cette masterclass très prisée, réunissant de nombreux fans, dont certains étaient même déguisés en Link et Zelda. Il y avait vraiment foule pour accueillir Eiji AONUMA, le producteur de The Legend of Zelda: Breath of the Wild et invité d’honneur jeu vidéo du festival, ainsi que Satoru TAKIZAWA, le directeur artistique du jeu, et Yusuke NAKANO, l’illustrateur de la « Bataille de Ganon« .

   

Eiji Aonuma est le premier à prendre la parole, et surprise, ses premiers mots sont en français !

Eiji Aonuma : « Je suis Aonuma. Comment ça va ? Est-ce que vous aimez Zelda ? Merci beaucoup. Je vais parler en japonais. » (fin des mots en français). Aujourd’hui, nous allons aborder Zelda sur un plan artistique, avec un certain nombre d’éléments qui n’ont jamais été révélés par le biais de M. Nakano et M. Takizawa. Ce sont surtout mes deux collègues qui sont impliqués dans ce domaine et j’ai vraiment hâte d’écouter ce qu’ils ont à raconter. Je suis sûr que je vais apprendre beaucoup de choses.

The Legend of Zelda: Ocarina of Time

► C’est le premier Zelda en 3D. Comment s’est passé ce passage ?

Yusuke Nakano : Ocarina of Time est le premier jeu dans lequel j’ai été impliqué pour de l’illustration et pour moi, la question, c’était surtout de trouver comment marquer le passage à la 3D. J’étais évidemment tenté de réaliser une illustration en utilisant une image de synthèse en 3D, mais à l’époque, les techniques de modélisation n’étaient pas vraiment à la hauteur. J’ai donc opté pour une illustration à la main, ce qui était plus sûr pour obtenir un rendu intéressant.

► Quelle solution avez-vous trouvé pour ce passage à la 3D ?

Yusuke Nakano : Je regardais les modèles en 3D et je m’en imprégnais. Je rajoutais d’innombrables petits détails, on va peut-être regarder un exemple avec Link.

Avant que les modèles 3D soient terminés, je me demandais tout le temps quelle apparence ils auraient et je réalisais beaucoup de croquis en laissant faire mon intuition. Dans ma tête, en fait, j’avais surtout en mémoire l’image de Link dans A Link to the Past. Et voici l’un des croquis que j’ai réalisés :

Les seules infos dont je disposais, c’étaient les directives du directeur artistique. Il m’a dit que la coiffure de Link aurait une raie au centre, que son nez ne serait pas aussi long qu’avant, qu’il serait du genre beau gosse et puisque ses combats avec ses nombreux ennemis seraient plutôt physiques, il devrait être costaud. J’ai réalisé ce Link baraqué, mais avec toujours cette image de A Link to the Past et vous constatez qu’à cette époque, il a encore conservé ses rouflaquettes.

► C’est pendant que vous réalisez tous ces croquis à votre simple intuition que le modèle 3D est arrivé.

Yusuke Nakano : Exactement. Et voici à quoi ressemblait le premier modèle 3D de Link :

Il était bien plus différent que tout ce que j’avais imaginé. Surtout sa coiffure : elle n’avait plus rien à voir avec ce qu’on connaissait. Je me suis surtout dit : « On va changer tout ça d’un coup ? »

► Et pourtant, c’est le Link auquel les fans se sont aujourd’hui habitués et ils sont familiarisés avec ce Link. Du coup, vous avez réalisé des illustrations à partir de ce modèle, n’est-ce pas ?

Yusuke Nakano : Oui, tout à fait. Je regardais ce modèle et je réalisais des croquis de façon frénétique, et puis, tous les jours, je faisais des aller-retour auprès du réalisateur pour lui demander son avis.

Et après de multiples essais, il a validé mon design, que voici :

Il était plutôt beau gosse, plutôt solide physique, bref mission accomplie. Je conserve également des feuilles de croquis préparatoires sur les différentes caractéristiques du visage de Link. Il est, par exemple, ici indiqué « androgyne ».

J’ai tenu à lui donner une aura un petit peu mystique qui plaise à la fois aux joueurs et aux joueuses.

► Merci beaucoup pour toutes ces précisions, mais cela reste du noir et blanc. Du coup, quand vous passez à la couleur, quels sont les points de colorisation qui ont demandé le plus votre attention ?

Yusuke Nakano : Pour la colorisation, j’avais surtout en tête une colorisation de type BD ou bien Comics, parce que ça donnait du poids et du relief.

► Je vois, c’est très intéressant. Du coup, j’ai envie de demander, M. Takizawa, qu’est-ce que vous avez fait sur Ocarina of Time ?

Satoru Takizawa : Dans Ocarina of Time, j’étais responsable du design des monstres et notamment des boss ou alors des sous-boss.

J’ai rejoint l’équipe après avoir terminé le développement de Starfox 64. Dès le premier jour, on m’a dit : « Bon, vous avez 6 mois pour concevoir 12 boss de taille énorme. » Je m’en souviendrai toute ma vie. C’est une histoire complètement ouf !

Eiji Aonuma : Si je puis me permettre, moi, à cette époque, je n’étais pas directeur, mais level designer sur Ocarina of Time et ce n’est pas moi qui vous ai refilé ce boulot de ouf. D’ailleurs, qu’est-ce que vous avez répondu à cette demande un petit peu inconsciente ?

Satoru Takizawa : J’ai répondu sans hésiter : « Un gros boss toutes les 2 semaines ? Les doigts dans le nez ! ». J’étais un peu jeune, et surtout, inconscient.

► Justement, vous étiez assez jeune lorsque vous avez travaillé sur Ocarina of Time. À quoi vous pensiez au moment de passer à l’action, au moment de vous lancer dans le design ?

Satoru Takizawa : Les personnages avaient un aspect un petit peu proche des standards de l’animation. En revanche, les environnements, eux, ils étaient beaucoup plus photo-réalistes. Du coup, il fallait vraiment que je trouve des solutions pour combiner les deux styles dans un univers un peu cohérent.

► Ocarina, c’est aussi l’arrivée d’un personnage : c’est Ganondorf. C’est sa toute première apparition. Est-ce que vous pouvez nous parler un petit peu du travail sur Ganondorf ?

Satoru Takizawa : Oui. Le souvenir de ce Ganondorf est vraiment très présent chez moi aussi. Alors, tout à gauche, vous pouvez voir un croquis que j’ai réalisé. Au milieu, c’est le modèle 3D et à droite, c’est une illustration publicitaire dessinée par M. Nakano. Comme vous pouvez voir, c’est assez différent les uns des autres. À cette époque, le matériel de développement ne permettait pas encore de réaliser, de modéliser en 3D de façon très détaillée et on modifiait le design des personnages, tout en modifiant leur modélisation, avec plein de contraintes.

 

Yusuke Nakano : Oui, en effet. Vous voyez ici, à droite, une illustration de Ganondorf que j’ai réalisée avec un modèle composé d’assez peu de polygones et que je devais étoffer. Et moi, quand je vois cette illustration, je remarque qu’en fait je me suis fait plaisir avec un physique, j’aime bien ce genre de muscles en fait.

Satoru Takizawa : En réalité, en ce qui me concerne, pendant une courte période, j’avais du mal à accepter ce design, parce que ce n’était pas du tout ce que j’avais créé à la base. À l’époque, les modèles 3D étaient encore assez grossiers et j’imagine que les joueurs utilisaient encore ces illustrations pour se représenter les personnages à l’écran. Ça signifiait aussi que, pour les prochains designs de Ganondorf, il allait falloir se baser sur les illustrations de M. Nakano. Cela dit, c’est finalement son travail qui aura permis de donner naissance au Ganondorf que l’on verra plus tard dans The Wind Waker et Twilight Princess. Dans ce sens, je pense que c’était plutôt une bonne collaboration.

 

The Legend of Zelda: The Wind Waker

► Oui, c’est plutôt bien. Vous l’aimez, Ganondorf, vous ? (NDLR : certains ont répondu NON !). On a évoqué The Wind Waker. J’aimerais qu’on passe à ce jeu, car c’est quand même une révolution graphique dans l’univers de Zelda. On change complètement de style. Est-ce que vous pouvez nous expliquer pourquoi vous avez choisi d’innover graphiquement sur Zelda: The Wind Waker ?

Satoru Takizawa : Au début du développement, M. Aonuma, qui était réalisateur du jeu, m’a donné deux consignes : ce serait une aventure qui se passerait en mer et puis, ensuite, le héros serait un garçonnet plein d’énergie. À l’écoute de ces consignes, je me suis dit : « Bon ben pour coller, il faudra que ce soit fun à contrôler et surtout agréable, plaisant à regarder quand quelqu’un joue ».

Eiji Aonuma : D’ailleurs, au Japon, le slogan de vente était « Un dessin animé contrôlable ».

Satoru Takizawa : Nous avons commencé le développement en créant le prototype de Link et d’un Moblin comme ennemi.

Grâce au Gamecube fraîchement développé, il nous était possible d’utiliser des techniques qu’on appelle, par exemple, toon shading et on a fait de nombreux tests artistiques qui pouvaient convenir non seulement à une action débridée, mais aussi des expressions faciales assez riches.

Eiji Aonuma : Moi, quand je regarde cette image fixe, j’ai du mal à savoir à quoi Link pense, en fait. Au début, je n’étais pas vraiment convaincu par ce style graphique. Mais quand j’ai vu Link enfin animé à l’écran, là je l’ai vraiment trouvé super craquant.

► Tout le monde le trouve craquant. Mais, j’imagine que pour vous, c’est un sacré défi à relever. Qu’est-ce que vous avez ressenti ? Avez-vous eu des difficultés particulières à utiliser ce style ?

Satoru Takizawa : Ce qui a été vraiment difficile, c’était d’harmoniser les effets de flamme, de fumée ou encore d’eau.

À l’époque, il n’existait aucun jeu proposant ce type d’animation, ce type de graphisme de type « animation celluloïd » et donc je n’avais d’autre choix que de réaliser ces effets spéciaux par le dessin et j’ai souvenir que j’étais tout le temps sur le dos des responsables des effets graphiques.

► Oh les pauvres ! Mais en tout cas c’est très réussi, puisque le jeu est magnifique. Mais moi, j’aimerais aussi vous demander, M. Nakano, j’ai entendu dire que vous n’avez pas fait que les illustrations du jeu, vous vous êtes aussi occupé des rouleaux qu’on voit au début du jeu. Vous pouvez nous en parler un petit peu ?

Yusuke Nakano : Exactement. Je voulais proposer un aspect xylographique, on va dire, et pour donner du réalisme à l’effet d’usure, j’ai sorti déjà mon illustration sur une vieille photocopieuse. Ensuite, j’ai apposé des tonnes de bandeaux de ruban adhésif que j’ai ensuite retirés les uns après les autres pour délaver un petit peu les zones d’encre, puis j’ai ensuite rescanné derrière pour ajouter des effets d’usure supplémentaire. Bref, c’était une technique qui demandait pas mal d’énergie.

► Ah oui ! En tout cas, c’est très réussi, car on a l’impression qu’ils sont très très vieux. Et alors, du coup, grâce à ça, vous avez réussi à donner un aspect très ancien à ces xylographies. Est-ce que vous avez utilisé d’autres techniques pour le design des personnages ?

Yusuke Nakano : Les graphismes de Wind Waker offraient déjà un rendu d’une grande qualité, du coup, je me suis vraiment arraché les cheveux pour que mes illustrations ne fassent pas déshonneur aux graphismes qu’il y avait déjà à la base. Donc, j’ai veillé à ce que les personnages conservent leur forme et leurs proportions, bien sûr, mais j’y ai ajouté d’imposants contours extérieurs.

► Je vois. Effectivement, c’est tout à fait brillant. Félicitations ! Ça a été vraiment un grand pas graphique dans l’univers de Zelda. Il y en a un autre aussi, qui a encore révolutionné l’univers de Zelda, c’est Twilight Princess, qui est, lui, devenu beaucoup plus réaliste. Alors, pourquoi avoir encore choisi de prendre un autre virage graphique et d’aller vers le réalisme ?

The Legend of Zelda: Twilight Princess

Satoru Takizawa : Au tout début du développement de Twilight Princess, on avait prévu de garder les graphismes en toon, sauf qu’un jour, M. Aonuma a débarqué, comme ça, et puis il nous a dit : « Bon ben, on part sur des graphismes réalistes ». C’est comme ça que cela a commencé.

Eiji Aonuma : Non mais j’adorais les graphismes de Wind Waker et je pensais qu’on ferait une suite dans ce style graphique. Sauf qu’on voulait aussi que Link soit un peu plus mature, parce qu’on avait en tête une histoire qui soit plus sombre et aussi plus sérieuse. Voilà pourquoi on a finalement décidé de revenir sur des graphismes réalistes.

Satoru Takizawa : Pour ce projet, on avait besoin d’un Link chevauchant de façon fringante sa monture, sauf qu’avec le Link de Wind Waker, on avait plutôt l’impression d’un gamin qui faisait joujou sur son manège, donc ce n’était pas très réussi. L’histoire était sombre et d’envergure et donc, je voulais imaginer des personnages avec un véritable charisme. Et comme le développement s’annonçait aussi immense, il fallait dès le début des illustrations le plus définitif et détaillé possible. Voilà pourquoi on a d’abord réalisé des illustrations avant de les transposer et de les modéliser dans le jeu et c’était l’inverse de d’habitude. M. Nakano a donc été impliqué très tôt dans le processus.

► Ah ben alors dans ce cas, vous allez peut-être pouvoir nous expliquer ce que vous aviez principalement en tête lorsque vous vous êtes attaqué à la création de ces personnages ?

Yusuke Nakano : Je pensais surtout à éviter d’utiliser trop de codes, en fait, épurés déjà dans la fantasy, et donc je me suis attaché à imaginer des personnages si possible novateurs et originaux, bien sûr. J’ai surtout cherché à trouver de l’inspiration dans des domaines du quotidien qui n’avaient strictement aucun rapport avec le jeu vidéo et je faisais ça de façon totalement intentionnelle.

Au début, j’étais vraiment tenté par des approches très différentes avec mes croquis. C’est là que M. Takizawa m’a donné quelques mots-clés, comme il faudra qu’il soit costaud, viril, et surtout d’un âge mûr. J’ai alors imaginé un Link plutôt vieux, la trentaine passée, on va dire, avec un visage plutôt sauvage, comme en témoignent ces croquis :

À l’époque, avec M. Takizawa, on s’enflammait tous les deux, on se disait : « Whaou, ça va marcher du tonnerre, un Link comme ça ! ». Sauf que, quand on demandait à notre entourage ce qu’il en pensait, les amis nous disaient un peu froidement : « Non, désolé, personne ne va aimer ce Link là ».

► Moi je l’aimais bien, mais bon, tant pis. Du coup, vous avez dû réaliser les illustrations des autres personnages. Comment est-ce que cela s’est passé ?

Yusuke Nakano : Je voulais surtout retranscrire cette évolution dans le réalisme de l’ambiance et j’ai tenté de créer une atmosphère évidemment qui soit plus lourde, plus détaillée, plus sombre. Concernant le procédé, j’ai inséré le maximum de détails possible dès l’étape des croquis, je limitais aussi le nombre de couleurs et puis j’ai opté pour un style qui soit proche de la peinture à l’huile.

D’ailleurs, un peu plus tard, quand j’ai vu mes illustrations exposées en très grand format à l’E3 un peu partout sur le salon, franchement j’ai été super super excité.

► Je pense qu’à cette époque-là, tout le monde était un peu surexcité de voir ça. M. Takazawa, comme vous vous y êtes pris, avec M. Nakano, pour créer les autres personnages ?

Satoru Takizawa : Par exemple, pour Midona, nous avons tout d’abord réalisé une compétition en interne entre l’équipe de character designers, M. Nakano et moi-même et cela nous a permis d’échanger beaucoup d’idées.

Satoru Takizawa : Une fois que la première sélection a été effectuée, on a organisé une deuxième sélection. En fait, ce qu’il faut savoir, c’est que nos propositions ainsi que celles de M. Nakano, c’étaient que des idées parmi toutes les autres.

Yusuke Nakano : Il y a aussi des designs qui ont été acceptés dès le premier coup de crayon, comme Xanto.Pareil pour le personnage Baba. En fait, je l’avais gribouillé comme ça sur un cahier pour passer le temps pendant une réunion.


Satoru Takizawa : Franchement, quand on voit votre dessin réalisé pendant cette réunion, je pense que n’importe qui aurait voulu l’utiliser dans son propre jeu.

► Je ne sais pas si vous, vous auriez voulu l’utiliser, mais en tout cas, c’était vraiment très très intéressant. Merci beaucoup. Malheureusement, le temps file, donc on a beau comprendre votre processus de création artistique, il y a encore beaucoup de choses à découvrir et notamment le dernier-né des Zelda, c’est bien entendu Zelda: Breath of the Wild. Est-ce qu’il y a beaucoup de gens qui ont joué à Zelda: Breath of the Wild, ici ? Il y a beaucoup de gens qui ont découvert avec Zelda: Breath of the Wild l’inspiration de la période préhistorique japonaise que l’on appelle Jomon. Qu’est-ce que c’est le Jomon ? Expliquez-nous d’où ça sort. Pourquoi le Jomon ?

The Legend of Zelda: Breath of the Wild

Satoru Takizawa : Effectivement, dans une interview, j’ai juste expliqué rapidement que je m’étais inspiré de l’art de la période préhistorique japonaise de la période Jomon pour donner un aspect aux ruines antiques de Breath of the Wild. Et un peu plus tard, quand je regardais sur internet et que je tapais le mot en anglais « Jomon » sur google, je me suis rendu compte que les recherches à son sujet avaient explosé, alors forcément, cela m’a un petit peu surpris.

► Tout ça grâce à vous. Mais alors, j’aimerais savoir, pourquoi Jomon ?

Satoru Takizawa : En réalité, j’avais initialement en tête l’envie d’apporter un style artistique empreint de culture japonaise. En fait, la période Jomon est arrivée après. En fait, on a pensé que c’était plus logique, en tant que studio d’origine japonaise, de créer des choses que seuls nous pouvions proposer aux joueurs du reste du monde. On se disait que si nous fabriquions des choses impliquant notre propre vécu ou notre propre ressenti, on pouvait en faire quelque chose d’assez réel, on va dire et c’est un peu avec cette philosophie qu’on a abordé toute la partie artistique.

► Concrètement, j’aimerais savoir ce que vous appelez un style artistique empreint de culture japonaise ?

Satoru Takizawa : Il y a différentes choses plus ou moins palpables et pour prendre un exemple simple, les motifs ou les signes que l’on peut voir dans les ruines antiques du jeu sont typiquement des motifs que l’on trouvait déjà sur les poteries de l’époque Jomon. Ensuite, les textures des ruines reprennent aussi la texture qu’on retrouve dans les céramiques japonaises : des petits bols du Moyen-Âge et qu’on appelle Kuro Raku. On peut distinguer ça de façon assez claire et distinctes sur les armures et symboles du peuple Piaf et pareil pour le peuple Sheikah.

Sinon, je vois un autre aspect très japonais et très amusant dans la représentation des esprits. Vous savez, dans Breath of the Wild, il y a un certain nombre de personnages importants qui sont incarnés sous forme d’esprits. Pour les représenter, ils ont tous un effet visuel en commun qui sont les boules de feu et qui sont tout autour des personnages. Depuis toujours, les Japonais se représentent les esprits avec ces flammes bleues. Ce sont pour eux des codes, des représentations, des références que tous les Japonais connaissent.

Sinon, quelque chose de très japonais pour moi, c’était la représentation de la matière atmosphérique. Je voulais vraiment que les joueurs puissent ressentir les odeurs et même jusqu’à l’humidité qui se dégageait de la plaine d’Hyrule. J’avais cette ambition là. Alors la « matière atmosphérique » c’est quoi ? C’est, par exemple, quand on se dirige vers un point lointain et que ce point doit être un peu brumeux ou alors que les rayons du soleil jouent avec l’environnement, les reflets, que la brume se lève, etc. Donc, vraiment, je voulais réussir à matérialiser graphiquement cette atmosphère. C’est ça que j’appelle la matière atmosphérique.

Et pour cela, en fait, je me suis beaucoup inspiré de la période du début de l’été au Japon.

► C’est plutôt intéressant mais pourquoi l’été au Japon ?

Satoru Takizawa : C’est le moment de l’année où l’air ambiant est le plus palpable, le plus odorant, en fait. Par exemple, après que la pluie soit tombée, les rayons de soleil forts de l’été font s’évaporer les gouttes qui sont restées au sol et, je pense que c’est peut-être la même chose en France, mais c’est vrai qu’au Japon, il y a une odeur très particulière que tous les Japonais arrivent à reconnaître pendant cette période là.

(au public) Et alors vous, vous les ressentez les odeurs du début de l’été quand le soleil fait sécher la pluie ?

► M. Nakano, de votre côté, qu’est-ce que vous avez fait sur Breath of the Wild ?

Yusuke Nakano : Pour l’illustration principale, j’ai entièrement fait confiance à M. (Takumi) Wada, un artiste talentueux de mon équipe, qui a réalisé d’ailleurs une œuvre vraiment splendide, donc je lui ai laissé ce rôle. Cela dit, quand M. Takizawa est venu pour nous demander si quelqu’un de notre équipe pouvait s’occuper des illustrations de type folklorique dans la cinématique d’intro, j’ai immédiatement levé la main en disant : « Moi, je veux le faire ! ».

Eiji Aonuma : On dirait que c’est à vous que revient le rôle de raconter, artistiquement, les légendes de Zelda.

Yusuke Nakano : Dit comme ça, vous me donnez peut-être un petit peu trop d’importance, mais pour ces dessins de tribu imaginaire, je dois dire que j’adore le processus créatif qui consiste à partir le plus possible d’une feuille vierge et d’imaginer des motifs concrets.

En fait, je pense que c’est surtout le genre de mission artistique que l’on pourrait relever avec facilité si on avait déjà quelques verres dans le nez, je crois.

Avec modération.

Yusuke Nakano : Mais sinon, parmi toutes les propositions que j’ai faites et qui n’ont pas été retenues, il y avait aussi ces motifs qui font penser un petit peu aux Batik originaires de Bali et le rendu avait un certain charme, au point que M. Takizawa utilise cette illustration pour le fond d’écran de son PC, si je ne m’abuse.

Satoru Takizawa : En fait, dans le jeu, ces reliques folkloriques ont surtout un rôle : celui de guider le joueur jusqu’à terminer le jeu. On y découvre d’ailleurs pas mal d’indices pour battre le dernier boss plus simplement et donc, je tenais vraiment à exprimer cela de la façon la plus simple et claire possible. Et pour cela, je me suis inspiré de différentes inspirations moyenâgeuses et féodales toutes trouvées : en fait, j’en avais. Il s’agissait de plans militaires stratégiques ou encore de paravents décoratifs montrant de vieilles scènes de guerre.

Eiji Aonuma : D’ailleurs, sous la relique folklorique, il y a un message caché en hylien dans la partie inférieure d’une illustration. Elle raconte une histoire qui n’est pas vraiment clairement abordée dans le jeu, donc je vous invite à la déchiffrer.

► Wahou ! Eh bien ça vous fait des devoirs, à vous, tous les gros fans de Zelda. Sachez-le : il y a un message caché dans cette fresque. Merci beaucoup pour toutes ces précisions sur vos inspirations concernant Breath of the Wild, c’était vraiment passionnant.
Autre chose qui fait aussi partie de Breath of the Wild, c’est le pack d’extension. On a découvert le premier pack qui est sorti il n’y a pas très longtemps (NDLR : on en reparle bientôt !) et qu’on a découvert à l’occasion de l’E3 et qui s’appelle Les Épreuves Légendaires et j’aimerais profiter de votre présence pour en savoir un petit peu plus sur le deuxième pack de DLC qui arrivera plus tard. Vous avez peut-être une petite annonce surprise pour nous ? Quelque chose ? Non ?

The Legend of Zelda: Breath of the Wild – Le Pack DLC numéro 2 : Ode aux Prodiges

Satoru Takizawa : Ah, je savais que vous alliez me poser la question ! Alors, on a préparé, spécialement pour aujourd’hui, quelques pages du story board et puis aussi quelques secondes du deuxième DLC appelé « L’Ode aux Prodiges ».

Eiji Aonuma : Peut-être qu’en découvrant ces images, vous avez remarqué que Zelda occupait une place centrale, mais n’allez pas croire, en fait, que vous allez pouvoir jouer avec Zelda. Non, ce n’est pas le cas. Sachez néanmoins que l’équipe travaille vraiment d’arrache-pied sur le contenu de ce deuxième DLC, donc même si Zelda n’est pas jouable, j’espère que cela vous plaira, parce qu’on donne vraiment le meilleur de nous-mêmes. Est-ce que vous reconnaissez le T-Shirt que je porte aujourd’hui ? Ben voilà, vous l’avez reconnu : c’est le motif que le petit Link porte dans The Wind Waker, sauf qu’à mon âge, vous avez peut-être trouvé bizarre que je porte un T-shirt homard, donc on devrait plutôt le faire porter par Link.

Ce T-shirt homard sera donc bien présent dans le DLC 2 et il y aura, bien sûr, d’autres costumes propres à la série, donc on espère que cela vous plaira. Soyez un petit peu patients.

► Merci de nous avoir fait cette petite présentation exclusive mondiale, du deuxième pack de DLC L’Ode aux Prodiges qui sortira cet hiver.

Ensuite, on rappelle qu’il y a eu des recueils d’illustrations sortis au Japon :

« Hyrule Graphics » , « Hyrule Encyclopedia » qui sortiront chez nous en septembre et « The Legend of Zelda: Breath of the Wild – Master Works » qui n’a pas encore de date.

La Masterclass se poursuit avec le résultat du concours de fan art Zelda pour Japan Expo.

Prix Takizawa :

C’est une scène impossible, en fait, dans le jeu, mais elle rendrait n’importe quel joueur heureux, en fait, si elle était possible. Donc j’ai trouvé qu’elle était très porteuse d’espoir. En ce sens, cela m’a vraiment beaucoup réjouit et c’est pour ça que j’ai choisi cette œuvre là.

Prix Nakano :

Cette image m’a complètement hypnotisé. Je n’arrivais pas à retirer mon regard de cette image. J’avais presque l’impression qu’elle allait me faire faire des cauchemars, en fait, elle est très très étrange. Ensuite, j’ai l’impression qu’elle a été réalisée non pas par ordinateur, mais plus de façon analogique, puisqu’on voit presque les coups de pinceaux et pour moi, c’était un bon point.

Prix Aonuma :

On voit dans cette œuvre une mise en scène avec des Goblins et pourtant, les Goblins sont les ennemis les plus récurrents. Au final, ce sont pratiquement les ambassadeurs du jeu. De les voir comme ça s’amuser ensemble, je trouvais ça vraiment super. Cela m’a fait quelque chose et je pense que ce dessin est très représentatif de Breath of the Wild : c’est pour cela que je l’ai choisi.

Les gagnants, Zelda et Link montent sur scène. La conférence touche alors à sa fin.

Eiji Aonuma : Ça me fait marrer parce que Greg (NDLR : Grégoire Hellot, présentateur/traducteur) vient d’utiliser l’expression « Les Mousquetaires de Zelda« . Je ne sais pas si vous le savez, mais le nom japonais de Triforce Heroes, c’est Les Mousquetaires de la Triforce. Et là, j’étais en train de me dire que si on avait sorti le jeu en français sous ce nom là, peut-être qu’il vous aurait un peu plus marqué. J’espère que cette petite discussion sur l’art dans The Legend of Zelda vous a plu. Il est vrai que la série vient de passer la barre des 30 ans. Il nous reste tellement de choses à vous raconter qu’on ne pourrait pas s’arrêter de parler si on en avait l’occasion. Il y a évidemment beaucoup d’autres épisodes que nous n’avons pas abordés aujourd’hui, malheureusement, mais on espère que toutes les anecdotes qu’on a partagées avec vous aujourd’hui vous permettront d’imaginer par vous-mêmes comment ils ont été réalisé.

Remerciements : Nintendo, Le staff, LaBoîte, Japan Expo, M. Eiji AONUMA, M. Satoru TAKIZAWA, M. Yusuke NAKANO, Grégoire Hellot (Traducteur et MC) et Florent Gorges (Traducteur et MC).

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