Interview : Thomas Minet – Ingénieur support

Après les interviews des acteurs de la série Nerdz, on continue « l’été des interviews » aujourd’hui avec Thomas Minet, ingénieur support (ou Developer relations engineer) chez Autodesk Games (France). Découvrons ensemble qui il est, son parcours, sur quels jeux il a travaillé, ses conseils pour réussir dans ce métier, bref, il se livre dans cette interview exclusive (et très pointue) pour Le Mag.

– Interview de Thomas Minet

Le Mag Jeux Video : Bonjour Thomas, peux-tu brièvement te présenter et nous parler de ton parcours ?

Thomas Minet : Bonjour, j’ai 28 ans, je suis diplômé de l’UTC (Université de Technologie de Compiègne).
Pendant mes études, j’ai travaillé chez Cyanide à Paris, puis après celles-ci chez Eden Games à Lyon et je travaille maintenant chez Autodesk à Paris, dans la division « Game technology ».

LMJV : Certains de nos lecteurs aimeraient probablement eux aussi travailler dans le monde du jeu vidéo, peux-tu nous en dire plus? Est-ce difficile d’accès ? Comment ça s’est passé pour toi ?

T.M. : Pendant mes études, j’ai eu 2 stages à effectuer, et pour le premier, j’ai d’abord hésité entre chercher un stage à l’étranger (en particulier au Japon) et dans le jeu vidéo.
Finalement, j’ai commencé ma recherche assez tôt en me disant que je tenterais d’abord d’en trouver un dans un studio de jeu, et que si ça ne marchait pas au bout de quelques semaines, je me concentrerai sur le lieu. J’ai donc essayé de lister tous les studios en France (et il y en a beaucoup plus que la plupart des gens veulent bien le dire), surtout les moins connus, et j’ai commencé à envoyer des CVs spontanés. Au bout d’une semaine, j’ai eu un entretien chez Cyanide, et 3 jours après, j’ai eu mon stage.
Je pense que j’ai eu pas mal de chance, surtout que Cyanide était vraiment un super studio pour débuter, mais finalement ça a été plutôt facile d’accès pour moi ;)

D’une manière générale, et je parle surtout pour les programmeurs, je conseillerais d’avoir un profil solide en C/C++, aussi généraliste que possible (algorithmie notamment) et d’être très adaptables aux différents outils (qui peuvent varier énormément d’un studio à un autre). Et surtout ensuite, de bien mettre tout ça en avant pendant la candidature.

LMJV : Quel sont les jeux sur lesquels tu as travaillé et quel était ton rôle ?

T.M. : Mon premier jeu était Chaos League (par Cyanide Studio), et j’ai fait la partie code de l’interface utilisateur (en gros, tout ce qui est en 2D et sur lequel le joueur peut cliquer) dans un langage de script propriétaire ressemblant fortement au C. Même si ce n’est pas un jeu triple A et qu’il y a certainement quelques finitions qui auraient pu être mieux faites (surtout dans ma partie), c’est vraiment un jeu dont je suis très fier : l’équipe était vraiment petite (environ 6 personnes simultanément en interne) et le résultat était vraiment sympa à jouer. Malheureusement, il a été retiré de la vente pour faire place à un Bloodbowl officiel (toujours par Cyanide), mais j’ai entendu dire qu’il était encore mieux.

Chez Eden, j’ai travaillé sur Test Drive Unlimited, et j’ai à nouveau travaillé sur les menus et le HUD du jeu, ainsi que sur pas mal d’éléments de gameplay annexes : TDU est avant tout un jeu de course, mais il y a un côté RPG assez marqué dans la personnalisation du personnage, ou des achats de maisons pour ranger les voitures. C’est de ces éléments là que je parle.

Maintenant chez Autodesk, j’ai travaillé sur beaucoup de jeux, mais de façon beaucoup plus légère. Mon rôle est de répondre aux questions des studios de jeux quand ils ont des problèmes pour utiliser nos middlewares (en gros, du code générique réutilisé dans plusieurs jeux pour résoudre le même problème, comme le pathfinding ou de l’IK), et du coup, il est assez rare de consacrer plus de quelques heures dans la semaine à un même projet.

Cela dit, j’ai quand même eu l’occasion de passer plusieurs semaines en république Tchèque chez 2K pour Mafia II, des gens très sympa mais qui travaillent au milieu d’une map de counter strike avec des entrepôts, des containers et des anciens gazoducs soviétiques :)

LMJV : As-tu une anecdote marrante qui se serait produite au moment de la création d’un jeu à nous raconter ?

T.M. : Pour TDU, on a sorti une démo. Un des aspects pour cela était évidemment de permettre aux joueurs de tester le jeu, mais aussi d’avoir des retours de dernière minute pour pouvoir bien le fignoler. On suivait donc pas mal les forums, et je me souviens d’un joueur qui a commencé à raconter tout ce qu’on pouvait faire et qu’il avait testé: régler la radio, faire des appels de phares et déclencher les essuies glace….

Wait, What?

Le truc c’est que les essuies glaces n’ont jamais été interactifs ou même mobiles dans le jeu. Il en a été vaguement question à un moment, mais surtout par manque de place sur le pad (et parce que ça n’avait pas vraiment d’utilité), ça a été rapidement abandonné. Et voilà un mec qui commence à dire qu’il les a vus, de ses yeux vus, bouger.
Forcement d’autres personnes ont commencé à lui dire qu’il se trompait, mais il n’a jamais voulu en démordre. Étonnant, non ? Ça semble pourtant tellement factuel.

Et sinon une des « shopping girl » dans TDU est nommée d’après ma copine :D

LMJV : Quelques mots sur le projet en cours ?

T.M. : Autodesk est surtout connu dans le milieu du jeu pour 3DS Max et Maya, qui permettent de faire la modélisation des personnages et des mondes, ainsi que de leurs animations, alors pour commencer soyons clairs : ce n’est pas du tout là-dessus que je travaille, et j’aurais bien du mal à les utiliser :D
Les produits sur lesquels je travaille sont vraiment à 99% du code qui tourne dans le jeu final (celui dans la console, ou sur le serveur pour les MMO) et n’ont pas du tout d’interface graphique. Un boulot de programmeur exclusivement. Plus précisément je fais le support de Kynapse, un middleware de pathfinding, et un peu celui de HumanIK aussi.

– Kynapse prend en entrée la géométrie des niveaux, en extrait des informations sur là où les personnages peuvent se tenir, où ils peuvent aller et en fonction de ça calcule des chemins pour permettre aux personnages d’aller là où les game designers veulent qu’ils aillent

– HumanIK, c’est une technologie qui permet d’adapter les animations en jeu. Par exemple, c’est le code qui a été utilisé dans Assassin’s creed, pour permettre aux animateurs de ne pas avoir à faire un clip différent pour chaque configuration possible de prises.

Kynapse : http://usa.autodesk.com/adsk/servlet/pc/index?id=11390544&siteID=123112

HumanIK : http://usa.autodesk.com/adsk/servlet/pc/index?id=9491249&siteID=123112

LMJV : Quels sont tes futurs projets ? Tes ambitions personnelles? Tes rêves ?

T.M. : Le futur projet chez Autodesk Games, c’est Skyline dont le but est de permettre aux artistes de voir leur travail dans le jeu instantanément, et dans les conditions finales. En fait, c’est un peu plus compliqué que ça, mais tout n’est pas encore finalisé, alors je ne peux pas en dire plus.
Si les gens sont intéressés, il y a cette présentation faite au SIGGRAPH début Août :

http://area.autodesk.com/siggraph2011/demos/skyline?KeepThis=true&#ooid=B4MDVxMjp6vrDAwHziVC2QyknK-vKApD

LMJV : Quel joueur es-tu ? Quels sont tes genres de jeux ?

T.M. : Je suis surtout un joueur PC (même si il y a une belle pile de console sous la TV), plutôt solo (encore que mon compteur à Team Fortress 2 pourrait avoir quelques objections là dessus) et plutôt variés.
J’aime beaucoup les jeux avec une histoire, et surtout une narration intéressante et originale comme Portal, Prince of Persia, Braid ou plus récemment Limbo. Et surtout le dernier Batman, qui a été pour moi comme pour beaucoup de monde je pense, une _excellente_ surprise.

LMJV : Est-ce que ton travail ne t’amène pas à quelques « déformations professionnelles » lorsque tu joues ? Par exemple à toujours regarder si les personnages sont bien programmés, s’il n’y a pas de bugs ou autres ? Ou est-ce que, au contraire, tu oublies tout et profites pleinement du jeu ?

T.M. : Si bien sur, surtout dans les jeux qui utilisent de la techno sur laquelle j’ai travaillé (en fait je n’ai jamais vraiment joué à aucun des jeux que j’ai faits).
Sur les autres jeux, ça fait parfois l’effet de regarder un spectacle de magie dont on connaîtrait certains tours. On voit et on comprend mieux pourquoi les choses arrivent, mais ça n’empêche surtout pas d’apprécier quand ils sont bien faits. Et souvent au bout de quelques heures, on oublie et on profite.

LMJV : Pour finir, est-ce que tu peux nous dire un petit mot personnel pour les lecteurs du Mag jeux Vidéo ?

T.M. : Jouez bien et supportez les jeux que vous aimez

LMJV : Merci et bonne continuation!
T.M. : Merci à toi.

– Site officiel d’Autodesk : http://www.autodesk.fr

Photos ©Thomas Minet

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