Gamingday : Cloud Gaming – OnLive, mort trop tôt ?
J’entends déjà les cris : « Bouuhhhh, cym0ril, salaud ! Tu fais un article sur le Cloud Gaming, mais c’est la mort des jeux physiques et des consoles, et bla bla bla ». Eh bien oui, je fais mon « clouding out » ! Mais comme le monde n’est qu’amour, pas question ici d’opposer les gens (après tout, je possède moi aussi une certaine quantité d’antiquités vidéo-ludiques dont je ne souhaite absolument pas me séparer), mais plutôt de raconter comment je suis tombé dedans, et pourquoi c’est (c’était) vraiment cool !
Le plus parlant selon moi pour parler du Cloud Gaming, c’est de parler de l’entreprise OnLive. Aucun risque de faire de la pub déguisée ici puisque cette société a cessé son activité en avril dernier après 5 ans de bons et loyaux services. D’ailleurs, si j’ai beaucoup aimé utiliser les possibilités d’OnLive, loin de moi l’envie de discuter de l’aspect social ou éthique de cette affaire car nous sommes en plein dans une mauvaise saga capitaliste bien crado, avec vraie/fausse faillite, licenciements en masse, ré-embauchages, rachats et démentellement. J.R serait fier.
Alors OnLive, qu’est-ce que c’est ?! C’est tout simplement une entreprise américaine lancée en 2009 et qui permettait aux joueurs de jouer à une grande quantité de jeux en streaming depuis un PC (ou tout autre device connecté à Internet) pas nécessairement très puissant (c’est-à-dire que le jeu est exécuté sur des serveurs, et le joueur ne reçoit que la vidéo sur son ordinateur). Du cloud-gaming quoi.
Il y avait plusieurs offres permettant de consommer ces services. Soit en achetant un jeu directement depuis la plateforme OnLive, dans ce cas le joueur pouvait y jouer « à volonté » en passant par l’application OnLive. Soit en payant un abonnement mensuel donnant accès à un catalogue de plus d’une centaine de jeux en illimité (un peu comme Netflix avec les films et séries). Ou encore en louant directement un jeu pour 24h, 48h, ou une semaine.
En 2012, ma chère (dans tous les sens du terme) console de salon principale venait de rendre l’âme (je ne dénoncerai personne, mais il y avait une histoire de cercle rouge de la mort qui arrive du jour au lendemain…). Donc dilemme : fallait-il sortir la trésorerie pour en acheter une nouvelle ? Pas toujours simple lorsqu’on est prévoyant comme je le suis. C’est alors que je suis tombé, un peu par hasard, sur le site d’OnLive qui était (et est resté) méconnu en France puisque ses services n’ont jamais été officiellement lancés dans notre pays.
Toute ressemblance avec la réalité est fortuite
La promesse : créer un compte gratuitement, télécharger une simple application sur mon Minitel relié à Internet et à une manette Xbox 360, et ça y est, on est « on live ». Et il faut avouer que tout ça était très alléchant. Sans rien payer, il était possible de tester gratuitement n’importe quel jeu disponible pendant 30 minutes !
L’interface utilisateur aussi était plutôt impressionnante. En se connectant, nous arrivions à une sorte de « hub » sous la forme d’une mosaïque géante. Chaque case de cette mosaïque n’était rien d’autre que la partie d’un autre joueur streamée en direct. Il suffisait alors d’en sélectionner une pour la voir en plein écran et interagir avec le joueur (sous la forme de « like » ou « dislike », il me semble qu’il n’était pas encore possible de chatter). Avant l’arrivée de Twitch, ce n’est pas rien !
Je passe rapidement sur toutes les possibilités « sociales » qu’offraient OnLive, comme la possibilité d’avoir des amis, de s’envoyer des messages, de les rejoindre dans les jeux multijoueurs (à conditions que les abonnements soient compatibles). Il était aussi possible pendant une partie d’enregistrer automatiquement et de publier les 10 dernières secondes de votre jeu (l’ancêtre du bouton « share » de la PS4). Vraiment, tout était très bien pensé et très fluide pour une si jeune entreprise !
Batman : Arkham City. Voilà ce qui m’a décidé à entrer mon numéro de carte de crédit (après quelques bidouilles, car encore une fois le service n’était pas sortie en France, il fallait donc s’inscrire aux USA ou au Royaume-Uni, mais rien de très sorcier car une fois inscrit il n’y avait plus de contrôle).
L’exemple de ce jeu me semble justement assez bon. C’est typiquement le genre de jeu que j’adore « rusher » : superbe ambiance, gameplay sympa, on est pris dans l’histoire et on a envie d’avancer. Par contre, même si j’aime bien le système de combats, je ne passerais pas ma vie à relever tous les challenges « beat them all » pour débloquer des artworks ou autre bonus, et une fois terminé je n’y rejouerai probablement jamais. Et je n’ai pas non plus envie de débourser 100€ pour avoir le jeu complet comme le propose le prochain volet. La location pendant 3 jours à 6 US$ était donc parfaite pour me permettre d’y jouer et d’occuper mon weekend !
La plateforme était en plus suffisamment bien faite pour ne pas pénaliser les joueurs occasionnels puisque toutes les données étaient sauvegardées. Ainsi, si vous louiez un jeu et que vous souhaitiez plus tard finalement l’acheter, votre sauvegarde était toujours disponible. Idem si un DLC sortait entre temps, il était installé sur la plateforme et vous pouviez reprendre votre partie.
J’ai aussi eu l’occasion de tester la formule abonnement pendant quelques temps avec le même plaisir. N’ayant jamais eu de Xbox (la première, la grosse Bertha), j’étais par exemple passé à côté des Oddworld exclusifs sur cette machine. Chose réparée ici !
OnLive m’a réellement convaincu du bienfondé de ce type de technologie. Mais pour autant, tout n’est pas rose.
Déjà, OnLive a connu au cours de sa courte vie un nombre incalculable de déboires financiers. En partie car son fondateur a voulu se la jouer à la John Hammond et a « dépensé sans compter » sans réellement juger de la rentabilité de son service. La « générosité » de l’offre de base qui faisait sa force est d’ailleurs probablement l’une des raisons de son échec commercial. Ensuite, probablement que les gros constructeurs et éditeurs ont vu dans l’émergence de ce genre de services un danger pour leur pré carré qui est la vente de matériel, et ont dû tout faire pour empêcher le catalogue de se développer. Enfin, les joueurs sont forcément méfiants à l’idée de complètement s’abandonner à une offre 100% dématérialisée majoritairement en location. Cela s’est ressenti dans le nombre d’utilisateurs payant sur la plateforme.
En France, certaines offres de « jeux à la demande » se sont aussi développées à la même période, notamment via les « box » Internet. Avec l’enthousiasme de l’expérience OnLive, j’ai testé l’une d’elle et le résultat était bien décevant ! Cher (5€ ou 9€ par mois pour 5 jeux), peu pratique (uniquement via la box ET l’immondice de manette que l’on est obligée d’utiliser) et sans aucune dimension sociale. La preuve que le Cloud Gaming n’est pas LA solution miracle.
Je préfère encore jouer à un FPS avec une manette NES
La fin de l’histoire a été cruelle pour OnLive : Sony a acheté une majorité de parts faisant ainsi d’une pierre deux coups en dépouillant l’entreprise de ses brevets pour les intégrer à ses propres services, et en vendant le reste des actifs en pièces détachées, tuant dans l’œuf la potentielle naissance d’un vrai concurrent sur le marché des jeux vidéo. Well done!
Finalement, je suis presque nostalgique de cette belle plateforme qu’était OnLive. Elle n’a pas trouvé son marché, c’est donc que ce n’était pas la bonne solution (ou le bon timing). Mais la philosophie qui se trouvait derrière me plaisait : fini les guerres de matériel et place aux jeux ! Reste à savoir désormais s’il s’agissait d’un coup pour rien ou si d’autres acteurs arriveront à émerger avec de véritables offres compétitives permettant d’assurer un service de qualité sur le long terme. On en reparle peut-être bientôt !
cym0ril