Conférence de Presse PEGI SELL – Partie 2

logo-sellAlors que la première partie se concentrait sur le fonctionnement du système PEGI, la deuxième partie de la conférence traite de pédagogie et de psychologie, mais rien d’ennuyeux pour autant !

La deuxième partie de la conférence PEGI SELL, toujours animée par la journaliste Claire Fournier, fait intervenir Pédagojeux, un outil d’accompagnement, ainsi que le psychiatre Serge Tisseron, spécialisé dans les questions numériques.

Pour aller plus loin

olivier-andrieu-gerardC. F : On va évoquer maintenant le rapport des Français avec les jeux vidéo. Pour rappel, en France, 53% de la population déclare jouer sur consoles ou smartphones/tablettes et la moyenne d’âge est de 35 ans. Il y a une quasi-parité homme/femme : 56% d’hommes et 44% de femmes. Olivier Andrieu-Gérard (photo de droite), vous animez le collectif Pédagojeux qui informe les parents sur l’univers des jeux vidéo et vous êtes aussi coordinateur du pôle média usages numériques à l’UNAF (Union National des Associations Familiales) et puis Serge Tisseron vous êtes psychiatre, membre de l’Académie des Technologies et vous avez beaucoup réfléchi sur l’usage des écrans par les enfants, est-ce que vous pouvez d’abord nous rappeler les repères que vous avez fixés pour apprivoiser ces écrans, qui est ce que vous appelez le 3-6-9-12 ?

S. T : 3 ans, 6 ans, 9 ans, 12 ans, ce sont des balises basées sur nos connaissances scientifiques actuelles pour aider les parents à savoir de quelle manière et à quel âge introduire dans la vie de leurs enfants les différents types d’écrans (télévision, console, tablette, smartphone). Il y a un certain nombre de principes généraux, comme l’accompagnement des parents à tout âge, évidemment, essayer d’éduquer l’enfant pour qu’il apprenne à s’auto-réguler, auto-réguler sa consommation et puis l’alternance : passer d’une activité à l’autre et puis, pourquoi pas, passer d’un jeu vidéo à un autre, à un type d’écran à un autre. Cela se décline sous la forme de conseils pour chaque tranche d’âge et on peut les résumer de la façon suivante :

  • choisir les programmes avec l’enfant tant qu’il est petit
  • parler avec lui de ce qu’il fait avec les écrans quand il grandit, de ce qu’il voit sur les écrans
  • encourager sa créativité avec les différents types d’écran dont il dispose

Après, il y a des balises pour 3 ans, 6 ans, 9 ans et au-delà, toujours en gardant l’idée qu’il faut se servir des écrans pour apprendre à s’en passer. Je dirais même plus, comme disaient les Dupondt, apprendre à s’en servir pour apprendre à s’en passer.

Impression

C. F : Olivier Andrieu-Gérard, pour comprendre ce que fait Pédagojeux, vous accompagnez la pratique du jeu vidéo ?

O. A. G : Pédagojeux est un peu plus récent que PEGI, puisqu’on l’a créé en 2008. L’idée, c’était de regrouper un certain nombre d’acteurs (pouvoir publics, associations familiales, mais aussi l’industrie du jeux vidéo) avec un objectif assez simple qui est d’accompagner et de sensibiliser les parents dans l’usage du jeu vidéo. Il faut se remettre à l’époque : beaucoup de parents ne connaissent pas cet univers là et sont inquiets. Il y a un besoin et une nécessité de leur donner des clés de compréhension de ces usages. On a vraiment souhaité allier à la fois des conseils pratiques simples d’usage et des conseils un peu plus de fond, en faisant appel à des experts, parce qu’il est important de prendre du recul par rapport à tout ça et qu’il est important de lier conseils pratiques et expertise un peu plus approfondie. On essaie aujourd’hui d’aller sur l’ensemble des problématiques du jeu, donc évidemment la signalétique des âges, par la signalétique PEGI qu’on a toujours soutenue, mais aussi la question du temps de jeu et plus généralement tous les enjeux du jeu vidéo : la question de la publicité, la question des effets sur la santé. Aucun sujet n’est écarté sur Pédagojeux, on essaie vraiment d’avoir la vision la plus globale du jeu vidéo en s’adressant spécifiquement aux parents et aux éducateurs.

C. F : Quels conseils pratiques peut-on donner pour encadrer la pratique du jeu vidéo à la maison ?

jouer en familleO. A. G : D’abord, il faut rappeler que ce n’est pas simple d’encadrer les jeux vidéo. C’est important de le dire quel que soit son niveau ou son rapport avec les jeux vidéo, on peut être joueur soi-même, c’est donc un exercice difficile, mais absolument nécessaire. On essaie d’aborder l’approche sous l’angle de la parentalité et le but, c’est vraiment de donner des conseils pratiques qui s’appuient sur les réflexes habituels de parentalité. Le but n’est pas d’imaginer une espèce de super-parentalité façon jeu vidéo, mais d’appliquer les réflexes de parents à l’âge des jeux vidéo. Fixer des règles, cela apparaît comme une évidence, mais souvent les parents ne le font pas, comme respecter la signalétique PEGI : tu as 7 ans, tu ne peux pas jouer à un jeu PEGI 12. Il faut fixer des règles et s’y tenir.

Le deuxième conseil, c’est de parler, discuter, dialoguer autour de la pratique du jeu vidéo. Ce n’est pas quelque chose de nouveau : cela fait des années que les éducateurs expliquent que le développement de l’enfant passe aussi par le dialogue. Un exemple de conseil : toutes les semaines, demander à son enfant les trois choses qui lui ont plu dans les jeux vidéo, ainsi que celles qui l’ont chagrinées. On essaie de créer une habitude de cette discussion, pour aborder à la fois les sujets positifs ainsi que ceux plus délicats.

Troisième conseil : pratiquer ensemble. Le jeu apporte beaucoup. C’est vraiment l’occasion pour les parents de parler, de recréer une relation plus féconde et de meilleure qualité et d’aborder différemment certains sujets qui sont évoqués dans les jeux vidéo.

Un dernier conseil important c’est d’être exemplaire, car certains parents ont une pratique des jeux vidéo qui n’est pas adaptée, donc c’est difficile d’être crédible et entendu quand on n’est pas soi-même exemplaire.

C. F : Serge Tisseron, il fallait une campagne comme celle-là ? Les parents ne sont pas assez vigilants sur les limites d’âge ?

serge-tisseronS. T : Oui, beaucoup de parents associent jeux vidéo à jeux et donc à l’idée que les jeux vidéo seraient éventuellement choisis par leurs enfants selon des critères qui correspondent à leur groupe d’age et donc que les parents n’ont plus qu’à laisser jouer les critères de groupe d’âge. Tous mes copains y jouent, donc je suis en train de ne plus pouvoir discuter avec eux et de ne plus jouer avec eux si je n’ai pas le jeu. Il y a une forte pression des enfants pour convaincre les parents qu’ils doivent se socialiser dans leur groupe d’âge et donc il faut que les parents suivent le mouvement du groupe d’âge. Beaucoup de parents ont aussi tendance à surestimer les capacités de leurs enfants et des parents vous disent franchement : « Moi, j’ai joué à ce jeu et il ne m’a pas choqué, donc je pense bien sûr que cela peut choquer certains enfants, mais pas le mien. Il est bien éduqué, il a ses bons repères, donc cela ne lui fera pas de mal. » Il est donc très important de rappeler qu’il existe des critères objectifs et la norme PEGI est faite pour rappeler ces critères et est extrêmement utile.

Il faut quand même souligner aussi l’impact négatif que peuvent avoir les jeux qui ne correspondent pas à la psychologie de l’enfant, à sa maturité. Le premier impact est émotionnel : les jeux vidéo créent une immersion qu’on peut avoir aussi en lisant un roman ou en regardant la télé, mais parce qu’il y a une implication motrice, le jeu vidéo immerge bien plus et donc, a un impact émotionnel bien plus important. C’est ce choc émotionnel qui peut avoir un impact traumatique. À quoi est lié ce choc ? Au fait que l’enfant est soudainement confronté à des scènes qu’il n’aurait pas imaginées et surtout à des émotions dont il n’a pas encore l’usage (angoisse, peur, colère, honte, frayeur, rage). Des choses qu’il n’a pas l’habitude de gérer dans son monde enfantin, parce qu’il n’y est pas confronté. Du coup, il ne sait pas comment les gérer. C’est là que peuvent apparaître des comportements possiblement problématiques, par exemple un enfant qui va répéter toujours une phrase qu’il a entendue dans un jeu vidéo, parce cette phrase a été accompagnée d’une scène qui l’a bouleversé et qu’il ne sait pas comment la gérer, notamment la phrase « J’vais t’éclater la tête ! » beaucoup entendue dans les maternelles et écoles primaires, car l’enfant a vu un grand-frère jouer à GTA. À un degré plus élevé, ce ne sont pas des bouts de phrase qui sont repris, mais carrément des comportements. Dans les jeux vidéo, c’est normal : ils sont faits pour agir et les comportements d’attaque/fuite sont privilégiés par rapport aux comportements de négociation. Il faut beaucoup plus de puissance de calcul pour gérer de la négociation dans un jeu vidéo que pour gérer de l’attaque/fuite, donc beaucoup de jeux vidéo sont construits dessus. L’attaque/fuite est un réflexe élémentaire de l’être humain qui vient de notre cerveau reptilien et donc, si un enfant est bouleversé par une situation résolue par de l’attaque/fuite dans un jeu vidéo, il peut être tenté de résoudre les situations de la vie quotidienne de la même façon.

J'vaist'éclater la tête !
J’vais t’éclater la tête !

Les publications américaines insistent aussi beaucoup sur le problème de la désensibilisation : pour les enfants qui jouent énormément, ils peuvent finir par croire que le monde réel est aussi violent que celui des jeux vidéo. Mais là c’est très compliqué, car il y a ceux qui ont tendance à se victimiser tout le temps et ceux qui ont tendance à s’identifier à l’agresseur. Il ne faut pas négliger la manière avec laquelle les jeux vidéo, comme les autres médias, peuvent organiser notre représentation du monde. Mais le grand problème du jeu vidéo, c’est l’impact émotionnel qui est décuplé, du fait de la situation d’immersion et qui sera encore plus grand avec la réalité virtuelle.

qui-a-peur-des-jeux-video-2C. F : Ce qui me frappe, c’est le paradoxe entre la méfiance que semble entretenir encore la société envers les jeux vidéo qu’on rend responsable de l’isolement des jeunes, de leur manque de concentration ou de leur violence et le manque d’intérêt des familles pour les jeux auxquels jouent leurs enfants. Est-ce que les parents savent à quoi jouent leurs enfants ?

O. A. G : Pas tous. Certains ont une vague idée, ils ne suivent pas l’évolution. Même quand ils sont capables de citer le nom d’un jeu, dès qu’on creuse un petit peu et qu’on leur demande de quoi parle le jeu, ce qu’il apporte, ils peuvent juste citer le nom, car souvent ce sont eux qui l’ont acheté, mais ne peuvent rien répondre d’autre. Le paradoxe, nous on le ressent, et l’implication est moins naturelle qu’avec d’autres activités comme le sport. Il faut vraiment expliquer aux parents la nécessiter de s’impliquer dans l’univers des jeux vidéo. Les parents ne s’impliquent que quand il y a un problème : quand il y a une pratique excessive on s’inquiète, quand il y a des contenus problématiques qui peuvent entraîner des émotions fortes chez l’enfant, quand il y a un problème de jeu en ligne, d’échanges avec d’autres joueurs, de comportements toxiques, c’est à ce moment-là que les parents vont réagir. La prise de distance devient extrêmement complexe et on ne cherche pas à savoir si les jeux vidéo sont la seule cause ou non. Les parents devraient essayer de comprendre pourquoi l’enfant s’isole. Le jeu vidéo peut être révélateur d’un mal être. C’est ça qui explique ce paradoxe, car les parents n’interviennent que quand il y a une situation difficile, d’où la nécessité d’éduquer les parents, en particuliers les jeunes parents qui ne doivent pas attendre que l’enfant devienne adolescent pour commencer à s’intéresser à ces pratiques. On doit le faire dès 3 ans. Il faut s’impliquer le plus tôt possible pour éviter les situations paradoxales et prendre de la distance sur le rôle des jeux vidéo et des écrans par rapport aux autres causes.

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 S. T : Beaucoup de parents pensent, hélas, que leur rôle parental vis-à-vis des jeux vidéo consiste à contrôler la durée, comme sur le modèle des campagne contre l’alcoolisme « 1 verre ça va, 2 verres bonjour les dégâts ». Alors on a 1 h de jeu par jour ça va, 2 h bonjour les dégâts. Aujourd’hui, tous les spécialistes disent que c’est important de se préoccuper de la durée, que ce n’est pas un mauvais critère, mais en même temps, ce n’est pas un bon critère, même si c’est le moins mauvais et qu’il faut toujours contextualiser l’usage. Il faut toujours savoir ce que l’enfant fait. La première question à poser à un enfant qu’on voit jouer à un jeu vidéo, à mon avis, c’est : « Est-ce que tu joues tout seul ou est-ce que tu joues en réseau ? ». C’est la première question avant de lui parler qu’il y a du sang ou des morts. Et s’il joue en réseau, avec qui il joue : avec des personnages qu’il connaît, avec des inconnus. Il faut décliner toutes les possibilités pour voir si l’enfant est plutôt replié sur lui-même, parce qu’on peut jouer à des jeux en ligne, mais de façon solitaire. Il faut contextualiser l’usage et c’est pour ça que les pictogrammes PEGI sont aussi importants, car ils permettent de parler avec l’enfant de ce qu’il y a à l’intérieur du jeu. Il faudrait éviter d’ajouter au comportement éducatif assez limité des parents qui consiste à se préoccuper uniquement du temps de jeu, il faudrait éviter qu’ils se préoccupent seulement, en plus, de la tranche d’âge. Il faut vraiment qu’ils se préoccupent du contenu. Et pour ça, il y a les pictogrammes qui sont une porte d’entré formidable. Aucun produit culturel ne s’accompagne de ces pictogrammes : ce n’est pas une faiblesse des jeux vidéo, mais une richesse.

C. F : On a une question envoyée par Twitter (NDLR : ça tombe bien, c’est ma question !) : « C’est quoi la violence et la peur dans un jeu selon l’âge et comment on l’évalue ? »

Omaha Beach : scène violente pour tous les joueurs
Omaha Beach : scène violente pour tous les joueurs

S. T : Il y a des facteurs objectifs et des facteurs subjectifs. Une scène de massacre (le débarquement sur Omaha Beach dans Call of Duty), cela paraît violent à tous les joueurs, même s’ils sont adultes. Il y a des critères objectifs de violence : les morts, les blessures, les armes de guerre, etc. À partir de là, il y a aussi des critères subjectifs : un enfant ne va pas vivre les mêmes choses de la même manière. C’est pour cela qu’on ne peut pas résoudre uniquement la question de la violence dans les jeux vidéo par des normes objectives. Elles sont importantes pour le commerçant, elles sont importantes pour la législation, mais en même temps, dans les familles, ce n’est pas parce qu’un jeu correspond à la tranche d’âge d’un enfant que l’enfant ne va pas y trouver des scènes qui vont peut-être le bouleverser. Un enfant qui vient de vivre un deuil, par exemple, pourra vivre très mal une scène d’enterrement, alors qu’elle n’est pas objectivement traumatique. Un enfant qui a perdu un copain dans un accident de montagne va vivre des scènes d’alpinisme de façon dramatique, mais cela n’a rien d’objectivement violent. On ne peut pas trouver des critères objectifs qui rendent comptent, à tous les coups, de la manière dont quelqu’un va vivre ce qu’il va voir, ni au cinéma, ni aux jeux vidéo, ni même en littérature, d’ailleurs. Donc cela oblige cette vigilance des parents, parce que, encore une fois, l’impact émotionnel grave, important, intense chez un enfant n’est pas du tout géré comme par un adulte. Un adulte a les moyens mentaux de gérer ses émotions. L’enfant a les moyens mentaux de gérer ses émotions d’enfant, mais pas celles d’adultes et c’est le grand problème de la puberté quand l’enfant est tout d’un coup inondé d’émotions d’adultes, mais par certains côtés, on le sait bien, l’ado reste enfant et l’un des côtés par lesquels il reste enfant c’est que, inondé d’émotions comme un adulte, il ne va pas avoir les moyens de les gérer. Il est extrêmement vulnérable. Évitons de confronter les enfants à des émotions qui ne seraient pas de leur âge mais, encore une fois, c’est toujours possible, de manière imprévisible. Aux actualités télévisées. N’importe quel jeu vidéo peut contenir des scènes problématiques : la petite scène avec des enfants qui ont les yeux bandés et qui donnent des coups de gourdin pour chercher un truc, si un enfant a reçu un coup de bâton par erreur, il va être malmené par une scène comme ça. Mais cela n’a pas à être pris en compte par les gens qui font les jeux. C’est une vigilance que doivent faire les parents. Les parents ne peuvent pas s’en remettre uniquement aux logos, il faut vraiment avoir un dialogue, parler avec les enfants de ce qu’ils voient sur les écrans, de ce qu’ils font avec les écrans.

O. A. G : … De ce qu’ils ressentent aussi. C’est important qu’ils puissent aussi, à un moment, avoir des temps où ils peuvent exprimer avec leurs mots le ressenti, aussi bien problématique que positif. C’est extrêmement important de garder ces moments de discussion avec les enfants. C’est vraiment nécessaire.

S. T : Parfois, on me dit « mais les balises 3-6-9-12, si elles se réduisaient à un seul conseil, ce serait quoi ? » Je dis toujours « prendre le repas du soir sans télévision, ni tablette, ni illustré, ni smartphone, pour que ce soit un moment d’échange possible. Parfois il n’y a rien à dire, alors on parle de banalités ou même on ne parle pas du tout, mais quand il y a quelque chose à dire, on sait qu’il y a une fenêtre pour en parler ».

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C. F : Ce qui est frappant, c’est que parfois, la classification PEGI est plus sévère qu’au cinéma, par exemple. C’est le cas avec Harry Potter ou même Star Wars qui est PEGI 16. Qu’est-ce que cela dit sur les deux supports, cinéma et jeux vidéo ? On est plus précautionneux sur les jeux vidéo parce que cela implique d’avantage qu’un écran de cinéma ?

S. T : Il y a plusieurs explications : le fait que ce soit une norme européenne fait qu’on peut s’aligner sur toutes les « névroses » de chaque pays. Dans un pays, c’est la violence qui hérisse le législateur, dans un autre c’est l’érotisme, dans un troisième c’est l’insulte. Donc, comme c’est une norme européenne, elle accumule les « névroses » européennes, donc on peut penser qu’elle est un peu surévaluer, parfois. Mais il y a aussi le fait que, quand elle est apparue, il y avait aussi un climat d’inquiétude majeure par rapport aux jeux vidéo et un gros besoin de rassurer. Heureusement, la norme PEGI, qui s’est alignée d’abord sur la commission de classification du cinéma en retenant un logo indiquant un âge, a en même temps créé des pictogrammes qui sont une source d’information formidable. On peut regretter que la norme de classification PEGI soit parfois surévaluée, en même temps, à partir du moment où les parents s’intéressent aux jeux, et le site pédagojeux est formidablement bien fait pour qu’ils s’y intéressent, ils gèrent les choses dans le cadre familial. L’important, c’est d’ouvrir un dialogue autour des jeux et la campagne qui s’annonce, j’espère, va y contribuer.

Les névroses européennes ont de quoi nous faire pleurer !
Les névroses européennes ont de quoi nous faire pleurer !

O. A. G : Je partage ce qu’a dit Serge et j’ajouterai qu’effectivement, on essaie d’avoir des critères objectifs qui sont en contextualisation, ce qui est totalement différent de la signalétique dans le cadre du cinéma, où on ne va prendre en compte que l’intention de l’auteur, la contextualisation que lui a voulu y mettre, l’objectif artistique. Je ne dis pas que les jeux vidéo n’en ont pas. J’aurais plutôt tendance à dire que c’est plutôt la signalétique du cinéma qui est moins sévère que celle des jeux vidéo. Il y a aujourd’hui des questions de fond sur la manière dont cela fonctionne et sur les critères de la classification. Il faut plutôt se féliciter de la classification des jeux vidéo, elle est ce qu’elle est, et avec Serge, on a plutôt tendance à voir beaucoup de parents qui ont une vision plutôt juste de la signalétique PEGI, ce qui n’est pas toujours le cas de celle du cinéma ou de la télévision. La signalétique des jeux vidéo est une bonne signalétique et les autres ont peut-être des questions à se poser.

S. T : La classification du cinéma est outrageusement sous-évaluée. Il y a des raisons à cela : pour qu’un film passe en « prime time » il ne faut pas une interdiction aux moins de 12 ans, sinon ils passent quand même, mais avec plus de contraintes. Il y a les problèmes de lobbying, mais on ne va pas rentrer dedans. Il y a beaucoup de problèmes autour qui font que la commission de classification du cinéma doit sous-évaluer. Il y a un autre problème : il n’y a pas le 14. Du coup, beaucoup de films qui ne peuvent pas être interdits aux moins de 16 ans tombent à 12, donc beaucoup de films sont sous-évalués dans leur dangerosité pour les enfants par la classification du cinéma. Il ne faut pas opposer une classification du cinéma qui serait une bonne classification et une classification PEGI qui serait mauvaise. Les deux ont leurs problèmes spécifiques. L’important est de pouvoir en parler et, quand on en parle avec les parents, cela les invite à connaître les jeux et ça c’est très bien.

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C. F : Il y a des petits malins qui disent à leurs parents que PEGI 3 c’est jusqu’à 3, PEGI 12 c’est jusqu’à 12, etc. Il ne faut pas se laisser berner. On a d’autres questions sur Twitter : « À quand une signalétique supplémentaire sur la difficulté des jeux ?. Par exemple, FIFA est PEGI 3, alors que c’est évident qu’à 3 ans on a du mal à y jouer ».

Emmanuel Martin : Il faut vraiment s’interroger sur l’objectif d’une signalétique : c’est d’être le repère universel le plus simple et le plus efficace possible. C’est ce que PEGI est aujourd’hui en s’étant fixé comme objectif d’indiquer un âge minimum et les contenus sensibles. Y ajouter un niveau d’information supplémentaire, c’est la rendre plus difficilement lisible par les consommateurs et donc, c’est forcément diminuer son impact.

C. F : C’est là qu’on peut aller sur Pédagojeux…

O. A. G : C’est vrai que le niveau de difficulté, c’est aussi une information extrêmement importante, y compris pour que le jeu en famille se passe de façon sereine. Pour que le plaisir du jeu vidéo reste, cela tient compte de la difficulté du jeu. Après, je pense effectivement qu’il y a des risques de rajouter quelque chose à une signalétique : c’est d’avoir deux objectifs différents et donc une confusion, parce qu’on aurait deux âges différents. Je ne suis pas sûr que les consommateurs et les familles y gagneraient. Je ne suis pas sûr que l’industrie du jeu vidéo y gagnerait. Je ne vois pas trop qui y gagnerait.

S. T : Il y a quelques années, j’avais eu l’idée, je n’étais pas tout seul, d’introduire une signalétique positive, c’est-à-dire introduire, par rapport aux pictogrammes indiquant des dangers, des pictogrammes introduisant des avantages. C’était une mauvaise idée. Avec le recul, je le pense, car cela aurait plutôt un effet dissuasif. Les parents diront « Ça c’est bien » et comme les jeunes sont souvent en opposition avec eux, cela aura un effet contre productif. Il ne faut pas enlever au jeu son caractère ludique : on ne joue pas pour développer une capacité indiquée sur la jaquette.

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C. F : Un mot de conclusion ?

Jean-Claude Ghinozzi : Merci à tous pour la richesse des débats. Je pense que c’était très instructif. Je voulais rapidement ajouter que c’est une campagne sur laquelle on a le souci de communiquer au plus grand nombre. On a initié, hier, la communication au cinéma à travers une campagne nationale sur les réseaux Gaumont, UGC, Pathé. Il y a une campagne digitale qui commence aujourd’hui sur la plupart des médias nationaux. Il y a vraiment une très bonne couverture. Étant également une campagne reconnue d’utilité générale, on va se préoccuper d’aller voir les grands médias télé pour essayer de diffuser cette campagne d’ici la fin de l’année et on se préoccupera, dans la suite logique, de continuer à communiquer l’an prochain. La campagne est bâtie avec des codes du jeu vidéo, en 3D et avec un petit esprit de dérision à travers ces codes, donc on espère pouvoir la faire continuer sur les prochaines années. En tout cas, on s’y emploiera, et ça, c’est l’engagement du syndicat et de tous ses membres. Je souhaite remercier tous les ministères à nos côtés : le Ministère de l’Intérieur pour l’homologation, le Ministère de la Culture, évidemment, le Secrétariat d’État à l’Économie Numérique et particulièrement Axelle Lemaire qui nous a beaucoup aidés pour faire connaître, reconnaître les jeux vidéo et avoir aussi les messages éducatifs, sans oublier le CSA, tous les intervenants et PédagoJeux qui nous aide au quotidien sur la compréhension et la connaissance du jeu vidéo.

Impression

La règle de 3 de pédagojeux !
  1. Peut-on jouer à tous les âges ? Mieux vaut éviter les jeux vidéo avant 3 ans, l’enfant étant trop jeune pour les écrans. À partir de 3 ans, on peut lui faire découvrir ce loisir, de façon très modérée et toujours avec lui. Par la suite, on veillera à ce que le jeu respecte son rythme de développement. Pour les plus jeunes, privilégier les jeux qui se jouent à plusieurs, en famille ou avec des amis. En grandissant, lui proposer des types de jeux variés pour qu’il développe sa curiosité.
  2. Quel jeu pour quel âge ? La signalétique PEGI informe sur l’âge à partir duquel un jeu peut être joué. Cette classification s’appuie sur la présence éventuelle de contenus sensibles pour les plus jeunes. Elle n’indique en aucun cas le niveau de difficulté du jeu. Des pictogrammes renseignent sur la présence de violence, peur, langage grossier… Consulter PEGI sur la boîte ou sur le site Internet du jeu. Certains jeux sont clairement destinés aux adultes.
  3. Y-a-t-il un âge de péremption pour les jeux vidéo ? Le jeu vidéo est de plus en plus pratiqué par nos séniors ! Le jeu, c’est aussi le partage, il peut favoriser les moments entre petits-enfants et grands-parents. Jouer en famille !

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