Test : Titan Souls (PC)
Titan Souls est le récit d’un insensé, d’un fou qui se lance dans une quête perdue d’avance, vouée à l’échec, puisque impossible : abattre, à l’aide d’une seule et unique flèche, une quinzaine de Titans, des créatures mythiques tellement énormes qu’une simple pichenette de leur part peut transformer cet aventurier inconscient en un tas de pulpe sanguinolent. Mais Titan Souls étant un jeu-vidéo, cet aventurier se voit gratifié d’un nombre de vie illimité. Et c’est bien le fucking minimum.
Shadow of the Titan
Car, oui, le jeu d’Acid Nerve est difficile, très difficile même, au point d’en décourager beaucoup, habitués à des courbes de progression plus douces. Mais, et c’est une constante dans les jeux édités par Devolver (1), le jeu n’est pas injuste : il vous laisse toute latitude pour comprendre, expérimenter et échouer face à ces géants qu’il vous faut vaincre. D’où les vies infinies (il existe aussi un mode « Iron Man » où chaque mort équivaut à un game over, à réserver aux acharnés). Vous allez mourir souvent, c’est évident, mais il vous revient d’apprendre de ces échecs : en un sens, et c’est valable pour la plupart des rogue-like, le jeu cherche à faire de vous un meilleur joueur.
Il ne vous dit rien, ou presque, sur ses mécaniques, tout texte est absent du jeu et il n’y a aucune aide pour venir vous aiguiller dans la bonne direction si vous échouez trop souvent. S’il vous montre vaguement comment lancer votre flèche et la récupérer, il ne vous dit pas que, lorsque l’on ramène le projectile à soi via télékinésie, celui-ci garde son effet d’attaque (permettant ainsi de toucher le point faible situé dans le dos d’un boss, par exemple) : c’est au joueur de s’en rendre compte en plein combat, souvent par accident – personnellement, je suis passé à côté de ce détail pendant une bonne partie du jeu.
Les développeurs semblent viser une telle épure du jeu-vidéo qu’elle confine à une vision darwiniste et élitiste du média : seuls ceux qui feront l’effort d’analyser finement leurs erreurs et de s’adapter en fonction de celles-ci survivront, les autres, périront sous les coups répétés d’un Titan qui n’aura cure de votre sentiment de frustration grandissant. Autrement dit : beaucoup de joueurs vont rester sur le carreau, sonnés par la différence de puissance abyssale entre le héros et ses ennemis.
Du point de vue de la narration, cette absence de guidage est aussi ce qui rend le jeu passionnant à parcourir : c’est encore une fois au joueur de relier les points, une fresque par-ci, une statue par-là, qui forment un tout mythologique plus ou moins cohérent. L’histoire fonctionne de la même manière, il n’y a pas de récit fixe, c’est au joueur de construire sa propre épopée, au fil de sa partie. Et pour un jeu qui emprunte autant d’éléments à d’autres titres déjà existants (Shadow of the Colossus, Dark Souls, Zelda…), il faut bien avouer que c’est une manœuvre plutôt habile et courageuse.
Soul of the Colossus
L’autre dimension importante de Titan Souls est son côté zen, quasi-médidatif. Contrairement à ce que l’on pourrait penser du fait de sa nature de « Boss Rush », Titan Souls est véritablement un jeu lent, limite contemplatif. J’en veux pour preuve la taille de la map, énorme à l’image des Gardiens qui la peuplent et dont l’exploration révélera certains éléments de background (voire des Titans optionnels), et d’un détail à mon avis essentiel : à chaque trépas, le joueur est renvoyé à un checkpoint, situé à quelques secondes de marche de la salle du boss.
A l’inverse de Hotline Miami, où le « Restart » est instantané et participe de son côté hystérique et abrutissant (dans le bon sens du terme, lisez mon test du jeu pour comprendre), Titan Souls ne vous permet pas de recommencer immédiatement un combat contre un boss. Une des raisons est que ces derniers sont peu nombreux, une vingtaine tout au plus, et une autre est que cela permet de ne pas fracasser sa manette après une énième défaite contre un boss récalcitrant. Certes, vous allez être irrité, au début, par cette marche forcée qui peut paraître interminable quand on ne souhaite que recommencer une bataille le plus vite possible pour passer à la suivante. Toutefois, c’est précisément cette attitude qui va vous faire mourir une fois de plus contre cet ennemi en apparence invincible.
Il faut au contraire profiter de ces quelques secondes pour souffler, se ressaisir, élaborer une nouvelle stratégie à l’aune des échecs précédents. C’est en tout cas ce qui m’a permis de vaincre certains Titans que je pensais trop difficiles pour mon skill. Et cela est entièrement différent du fait de se poser volontairement quelques minutes avant de cliquer « Restart » : ici, le jeu vous oblige implicitement à vous arrêter et à repenser, même brièvement, à tous ces essais infructueux. Vous pouvez aussi décider d’aller vous frotter à un autre Gardien, la carte étant un open-world où plusieurs combats sont disponibles en même temps (et dont seul un nombre réduit est nécessaire pour atteindre le générique de fin), si jamais vous sentez qu’un combat semble réellement insurmontable.
Dark Souls of the Titan
Clairement, Titan Souls ne conviendra pas à tous les joueurs : difficile, lent, aride, il mérite tout à fait son sobriquet de « Dark Souls 2D » et s’adresse en priorité à des joueurs qui n’ont pas peur de se faire malmener par des boss aux patterns méticuleusement conçus qui ne laissent aucune place à l’erreur. Mais il est aussi un jeu parfait pour qui souhaite dépasser ses limites de joueur et se confronter à un challenge qui n’a rien d’insurmontable quand on se laisse porter par le rythme du jeu et son exigence vis-à-vis de notre « hygiène » de joueur. De plus sa direction artistique et sa bande-son tantôt épique tantôt planante parachèvent de rendre le titre foncièrement attachant (pour qui ne sera pas rebuté dès les premiers instants).
Go-Ichi
Points forts :
– Son exigence
– Sa direction artistique en pixel-art
– Son rythme particulier
– Ses combats finement pensés
– Sa bande-son aux petits oignons
Points faibles :
– Un poil court
– La difficulté rebutante
La Note Gamingway : 16/20
La Note Gamingway : 16/20
Développeur : Acid Nerve
Éditeur : Devolver Digital
Genre : Boss-rush/Souls-Like/Shadow-of-the-Colossus-like
Support : Windows, Mac, Linux, PS4 et Vita
Date de sortie : 14 Avril 2015 pour la version PC, 15 Avril pour les consoles Sony
(1) A l’exception de, ce qui confirme la règle, Gods Will Be Watching, difficile jusqu’à l’absurde et dont les développeurs avaient sorti un patch enlevant tout forme de gameplay parce que beaucoup joueurs n’arrivaient pas à avancer dans l’histoire. (sic)