Marvel Ultimate Alliance 3 nous ramène dix ans en arrière
Quelques minutes suffisent à comprendre pourquoi Nintendo ne met pas plus en avant son propre jeu Marvel.
Marvel Ultimate Alliance 3: The Black Order n’est pas pour tout le monde, les plus pointilleux risquent des problèmes cardiaques en s’essayant au soft commandé aux studios Koei Tecmo (Dead or Alive, Ninja Gaiden…) par Nintendo eux-mêmes.
Un logo d’avertissement devrait d’ailleurs se trouver sur la boîte et l’eShop, on va prévenir PEGI de s’en occuper. Quand ils ont décidé de ressusciter la série des Ultimate Alliance endormie depuis 2009, il semblerait qu’ils aient oublié que la terre était bien éveillée. Ce qui aurait pu être un blockbuster de Noël nous apparaît sous une forme brouillonne, une version bêta ne tournant sans planter que grâce à notre seigneur. À se procurer après réflexion.
Ça cartoon
Le Marvel Cinematic Universe vient tout juste de clôturer sa grande décennie de blockbusters avec le dernier Avengers et l’épilogue Spider-Man Far From Home, la collaboration avec Netflix n’est plus, voici le moment parfait pour sortir de gros titres pour célébrer tout ça. Les échoppes en sont pourtant dénuées, les « expériences » VR, jeux Legos et autres applications smartphones ne comptent pas. Seule exception, une aventure de Square Enix prévue pour 2020. Le soft financé par Nintendo est donc notre seul espoir de batifoler dans ce gigantesque univers avec un roster de qualité.
La série de beat’em all avait fait les beaux jours de l’ère PlayStation 2, de la castagne façon Diablo en plus accessible, déclinée en suffisamment de sauces pour marquer les esprits. Originellement un titre multiplateforme, ce troisième opus ne sera disponible que sur Switch. Les promesses font chaud au cœur : plus de trente personnages jouables, à quatre en coopération en local ou en ligne, changeables à la volée en solo, des arbres de compétences dignes des meilleurs RPG japonais… Et si elles ont toutes été tenues, l’exécution est loin d’être parfaite.
Les menus et temps de chargement interminables à la mise en page proche de l’amateurisme cachent une réalisation perdue entre la PS2 et la PS3, alternant des décors gris, carrés, aux textures fades avec des personnages à la modélisation rendant plus qu’honneur aux originaux. L’animation est en branle bien trop souvent, hélas, surtout en mode portable, pour un résultat en-dessous des 30 fps visés. Une déception pour un jeu d’action pur, bien que parfois entrecoupé d’énigmes sur lesquelles on passe plus de temps à s’interroger de leur utilité qu’à les résoudre. Le style cartoon des protagonistes, directement inspiré des comics dans laquelle l’histoire se place de manière alternative, rend à merveille. On admire le talent des scénaristes, capables de nous faire rire et sourire, de nous surprendre via des dialogues drôles et intelligents cachant avec habileté un scénario très classique.
On ressent définitivement le poids du MCU, avec la présence de tous ceux qui ont fait la richesse de la maison d’édition ces dix dernières années, à commencer par l’obscure Jessica Jones. Bien qu’elle ne soit pas jouable, ses nombreuses interactions en tant que PNJ sont de toute évidence dues à l’excellente série éponyme. Quant aux voix, la similarité avec la voix de Bradley Cooper pour Racoon finit de trahir les intentions à moitié cachées des développeurs. Puis bon, l’histoire tourne intégralement autour de Thanos et des Infinity Stones, on ne pourra pas nous le cacher plus longtemps !
Mais ça ne cartonne pas
Au-delà de ses problèmes techniques potentiellement sauvés par un character design réussi, le jeu s’avère être surtout un bon gros bazar. Que l’on choisisse la caméra aérienne ou de dos, le résultat est le même : des clones un peu raides nous attaquent en masse si importante qu’on ne sait plus qui est où. La seule manière de procéder est de matraquer ses multiples attaques, certaines vidant une des trop nombreuses jauges, sans le moindre retour sensoriel. Vos coups n’ont tout simplement pas d’impact ; les ennemis restent stoïques comme un gendarme à qui on décrit un viol, le recul est minimum et les indices visuels quasiment absents. Les cris ou geignements des multiples combattants se mélangent en une espèce de marasme cacophonique duquel on ne retire que l’idée d’une vilaine bagarre contre personne et pas d’un affrontement personnel. On est bien loin d’un Diablo embellit de nombreux hurlements et explosions satisfaisantes, clés de son succès bi-décennale.
Les nombreux boss ne s’en tirent pas mieux et nous donnent plus envie de nous tirer nous-même. Nos attaques ne font que diminuer une jauge tout droit tirée de Final Fantasy XIII, une espèce de bouclier rendant la barre de vie inatteignable ou presque, tant qu’elle n’est pas vidée. Pendant cette période constituant 90% de leurs joutes, vos poings ne ralentissent en aucun cas les antagonistes. Ils sont libres de spammer leurs coups atomiques pendant qu’on a l’impression de taper dans un sac à patates. Loin de se transformer en frites une fois vidée, l’ennemi se fige l’espace de quelques secondes, laissant la porte ouverte au défouloir de votre vie ou une attaque ultimate alliance. Problème, en l’absence d’un système de visée efficace, avec une caméra partant au pays même des sucettes constamment, les coups ne cessent de passer à côté visuellement, même s’ils atteignent leurs cibles. La sensation de frapper dans le vide est constante, envahissante, abrutissante, même, et nuit au plaisir d’un jeu à la technique pas folichonne. On se croirait véritablement revenu dix ans en arrière.
On saisit rapidement la stratégie marketing choisie par Nintendo pour ce titre qu’ils ont eux-mêmes décidé de mettre sur le marché. Coincé entre Mario Maker 2 plus que populaire et l’ambitieux Fire Emblem Three Houses, sorti la semaine suivant l’annonce de la Switch Lite, Marvel Ultimate Alliance 3 n’avait aucune chance de faire parler de lui en ce début d’été, et peut-être était-ce le but. Le gâteau n’était pas entièrement cuit et ne sera probablement jamais patché (nous mettons nos plats à jour, chez Gamingway).
À l’instar de Disaster, il a probablement été estimé que rien ne pouvait sauver la direction qu’avait empruntée ce projet niche, excepté un long retard coûteux pour un retour sur investissement moindre. Un titre sympathique à déguster entre amis, un cadeau branlant pour les fans de Marvel, un apéritif à prendre en promotion pour les fanas d’action. En plus, Jessica Jones n’est pas jouable, une honte. On vous a prévenu, on ne vous a pas pris en traître.
Marynou
Développeur / Éditeur : Koei Tecmo / Nintendo
Genre : Beat’em all
Support : Switch
Date de sortie : 19 juillet 2019