Manga ↔Tokyo : De la réalité à l’art en un salon d’exception

Du 29 novembre au 30 décembre 2018 se déroule à la Villette, à Paris, une exposition traçant clairement les liens entre la fiction japonaise dont nous raffolons tant et la réalité. En misant un maximum sur le dynamisme et le ludisme de nos loisirs modernes, Manga ↔Tokyo prodigue avec brio un enseignement historique qui peut parfois grandement manquer à nous autres, pauvres francophones.

Le salon impressionne directement par sa taille, son ambition et son ambiance. Sûrement par souci d’attirer un public plus intéressé par les écrans que les galeries d’art, l’austérité qui aurait pu être de mise a été oubliée pour faire place à une multitude d’écrans, de sons et d’objets attirant obligatoirement notre curiosité.
Tout est fait pour parler au visiteur, de la maquette géante de Tokyo trônant fièrement au centre de la salle à la rame de métro japonaise grandeur nature, et on ne peut qu’en sortir avec une tête bien plus remplie qu’à l’arrivée et un grand sourire de satisfaction.

Bienvenue à Manga ↔Tokyo, une exposition très spéciale comme on aimerait en voir plus souvent.

Du fantasme de l’apocalypse

Hiroshima et Nagasaki ont beau être les exemples les plus connus des tristes destructions ayant pu frapper le territoire japonais par le passé, Tokyo a également subi son lot de bombardements et de catastrophes naturelles. Est-ce la raison pour l’omniprésence de la thématique du cataclysme dans la culture pop japonaise ? Après avoir été accueillis par cette carte gigantesque de la capitale où s’illuminent les endroits précis où se déroulent les scènes s’affichant sur l’écran de cinéma la surplombant, le salon nous pose rapidement cette question en nous mettant face à des exemples connus. De Godzilla à Akira en passant par Evangelion, des menaces passées aux potentiels dégâts futurs, le visiteur est invité à travers de nombreuses vidéos, dessins et statues à revisiter son point de vue sur ces œuvres mythiques. Des représentations à la limite de l’onirisme aux visions d’horreur, les artistes japonais ont exprimé de multiples manières cette facette importante de leur histoire via la fiction, l’irréel, et Manga ↔Tokyo les met parfaitement en valeur.
Il ne faut néanmoins pas s’attendre à une liste exhaustive de tous les travaux sur le sujet, mais plutôt à un concentré d’informations qui vont droit à l’essentiel avec des exemples parlants. On aurait apprécié de découvrir des travaux plus obscures sur le sujet, Godzilla étant notamment très représenté pour ce thème, mais cela permet de mieux approfondir ceux abordés. Ratisser large n’est pas forcément toujours la meilleure chose à faire, parole d’ex-enseignante.

Une histoire richement illustrée

La vie Tokyoïte n’est pas que cataclysmes et la suite de l’exposition tend à se concentrer sur l’histoire de la ville alors qu’elle était encore connue sous le nom d’Edo jusqu’à nos jours. On y trouve des comparaisons entre les estampes historiques illustrant le quotidien des hommes de l’époque et leurs représentations dans les médias actuels. La frise chronologique, s’étendant sur la majeure partie de l’exposition, frappera surtout les férus d’animation, de manga et de jeux vidéo, n’ayant que ces derniers pour source d’histoire du Japon. Bien qu’on peut aisément se douter que les joutes et le synopsis du mythique Sakura Wars de SEGA prenaient de grandes libertés quant à la période couverte (au moins autant que Valkyria Chronicles, du même développeur), on s’étonne néanmoins que l’ambiance reste suffisamment fidèle pour avoir une idée générale de la réalité.

Cette partie de Manga ↔Tokyo se révèle être au final la plus intéressante de toutes, bien qu’étant la moins ludique. Tokyo et sa vie ne sont pas représentées de la même manière en fonction de l’époque, et la vision romantique (dans le sens littéraire du terme) y est souvent de mise. Qu’il s’agisse d’aborder le thème des geisha, de la bulle économique des années 80, la tour de Tokyo ou l’actuelle vie plus modeste japonaise, tout semble avoir été fait pour faire rêver et, indirectement, nous mener à cette vision idyllique en toutes circonstances. Les créations abordées y sont nombreuses et toujours pertinentes ; City Hunter, X, Steins;Gate, Yakuza… Même Jet Set Radio Future est là pour présenter une vision très moderne, pseudo-futuriste de la mégalopole.

Les joueurs les plus aguerris auront d’ailleurs désormais compris que SEGA est très présent sur l’exposition (on y trouve même du 7th Dragon), mais Hideaki Anno et sa création phare Evangelion n’étaient pas en reste, avec une estrade inspirée du centre de commande de la NERV… Ça ne s’invente pas et se reconnait au premier coup d’œil.

World is Mine

La fiction emprunte tant à la réalité, la raconte et la romance, qu’il n’est pas étonnant de la voir se faire une place physique dans cette dernière. Hatsune Miku (encore une fois chaperonnée par la marque au hérisson bleu) y a une place de choix, de multiples statues, un faux konbini (supérette ouverte 24/24) et montre à quel point cette culture populaire qu’on dévore goulûment a amplement dépassé le monde de l’abstrait pour accompagner Tokyo au quotidien sous la forme de Gundam géants, de nouilles ou de sacs.
Cette dernière section de l’exposition est l’inverse de la précédente, c’est-à-dire ludique mais malheureusement pauvre en documentation. Peut-être a-t-il été estimé que ce ne serait pas nécessaire, car nous vivons en partie ceci dans notre quotidien francophone ? Que l’on a déjà tous des porte-clés Love Live, des T-shirt Death Note et parfois une étrange passion obsessionnelle pour Kumamon ?
La simulation de métro y est très agréable, les pachinko (malheureusement non jouables) attrayants, mais le contenu y est faible et on reste hélas sur sa faim.

Heureusement qu’une surprise de dernière minute nous attend juste en bas des escaliers où vous pourrez vous essayer à l’ema ou plus simplement à immortaliser vos personnages préférés sur un morceau de papier avant de l’accrocher sur une forme d’arbre à souhaits. Nul doute que cet endroit se remplira de messages durant les semaines de l’exposition et motivera les plus aguerris à revenir pour jeter un œil aux nouveautés !

Un voyage d’exception

Manga ↔Tokyo ne remplace en rien un voyage dans la capitale, mais la complète avec brio en donnant une leçon d’histoire captivante sur la relation entre l’art et la métropole japonaise.
Bien qu’imparfaite, cette exposition vaut amplement le déplacement de par le spectacle fabuleux qu’elle peut offrir, mais aussi pour toutes les remarques et informations sur ces anime et jeux que l’on consomme quotidiennement. C’est le genre d’initiative que l’on aime, que l’on adore et que l’on recommande chaudement !

Marynou

Infos : Exposition Manga ↔Tokyo du au

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