Test Le Serpent Retrogamer : Baldur’s Gate (PC)
Notre partenaire, Le Serpent Retrogamer, vous présente son test rétro du mois (octobre) :
Baldur’s Gate a su s’imposer, notamment avec BG2 : Shadows of Amn, comme l’une des séries de RPGs les plus connus et les plus appréciés de la dernière décennie et certainement l’un des jeux les plus aboutis de Bioware Corp.
J’en veux pour preuve l’avalanche de mods créés par les fans avides d’y rejouer, encore et encore. Edité par Interplay, développé par Bioware et les regrettés studios Black Isle (filiale d’Interplay), il s’agit avant tout d’une adaptation en jeu vidéo du célèbre jeu de rôle « Donjons et Dragons », avec les règles qui vont avec (seconde édition pour le premier volet de la saga), qui se déroule au beau milieu des Royaumes Oubliés, un décor de campagne créé par Ed Greenwood.
La maître ambiance…
Je manque cruellement d’objectivité pour parler de la saga Baldur’s Gate. Elle reste, à ce jour, ma saga phare, le RPG de ma vie, celui dont je ne me lasse jamais et que je relance (trop) régulièrement. Je n’en ai découvert le premier opus que récemment, mais contre toute attente, il m’a conquise à un tel point que je le préfère désormais à son successeur, malgré un gameplay plus maladroit, plus fastidieux, et des personnages moins charismatiques puisque quasiment muets. D’abord, à cause de l’ambiance, qui vous fout un coup dans la mâchoire dès la scène d’introduction. Elle déboîte. Loin de l’atmosphère fantastique « voyage entre les plans et massacre de démons » du 2, BG1 nous introduit dans un univers plus « rationnel » (ça reste du med fan, entendons-nous), où voir apparaître un démon au beau milieu de la forêt en quête de son petit chien (= loup) ne tient pas lieu de routine. Dans le 2, vous cligneriez des yeux ; là, ça marque. En conséquence, les personnages flippent plus facilement. Et c’est super marrant. Les situations rocambolesques déboulent à la mesure de vos explorations, vous tomberez sur des poulets qui parlent, un mec bourré qui prétendra être une liche, une fille à nom d’arbre, etc, etc… Car BG ne se prend pas au sérieux, au fond. L’histoire est super bien ficelée, certaines situations créent des émotions réelles, mais on ne verse pas dans le mélo ; on rigole beaucoup.
…servi par un bon scénario
T’as raison, papa. Ca va marcher. Continue.
Parlons du scénario, justement, que je trouve plus défini, plus entraînant que celui du 2. Baldur’s Gate raconte avant tout l’histoire d’un boulet : « Mainchar ». Votre personnage a passé pratiquement toute sa vie entre les murs d’une forteresse bibliothèque du nom de Châteausuif, sous la tutelle du mage Gorion, un brave type avec une barbe blanche, une robe grise, une voix de gentil puissant, et un passé aussi nébuleux que celui du personnage principal. S’ajoute à cela une petite peste du nom d’Imoen, à peine plus jeune que Mainchar, à la voix française proprement INSUPPORTABLE – j’y reviendrai. Tous ces boulets vivent donc pépères et la plus grande aventure que le personnage ait pu vivre jusque-là, c’était sans doute prendre sa première cuite. Tout ce petit monde s’effondre néanmoins lorsqu’un grand type de près de deux mètres répondant au doux nom de Sarevok a décidé qu’il voulait votre peau, et que papa Gorion, en tentant de vous sauver, se fait rétamer comme une merde par le dit géant pendant que vous prenez vos jambes à votre cou – comme un gros lâche, oui. S’ensuit un aparté désespéré avec votre journal, puis votre aventure commence. Vous prendrez part aux conflits politiques et à la crise du fer qui frappe la Côte des Epées, ce qui a priori n’a aucun rapport avec votre situation personnelle. Et pourtant.
La musique au service de l’immersion
Bonne exploration.
La musique. Michael Hoenig, à la bande-son, a fait un travail nickel, qui colle complètement à l’ambiance du jeu. L’air de la Porte de Baldur (« Candlekeep ») correspond tout à fait à ce qu’on s’imagine être l’état d’esprit du personnage principal qui n’a jamais mis les pieds dans une ville aussi grande de sa vie. La musique du boss final (« From out the storm ») retranscrit le désespoir, l’envie de lutter. C’est parfait. Moins que la BO du 2, mais parfait tout de même. Les musiques d’explorations, dans les plaines ou dans les bois, ont un côté hésitant mais guilleret, presque naïf, qui me fait un peu penser à la mentalité du héros sorti tout droit de son tout petit monde. Les musiques de combat ne sont pas très entraînantes mais collent à l’ambiance – de toute manière, si elles étaient trop entraînantes, on perdrait sa concentration. Car Donjons et Dragons, ça demande quand même un peu de tactique. Niveau ambiance sonore, musiques exclues, c’est encore du bon, avec des bruit assez « réalistes » pour l’époque, le jeu étant sorti en 1999 je le rappelle. Bruit d’épées, de haches, ou de sorts, rien de ne déroge à la règle de la qualité globale du titre. Chapeau ! D’autant que la diversité est ici aussi au rendez-vous. On évacue la traduction Française, nous y reviendrons.
Des personnages hauts en couleurs
Il n’a l’air de rien, comme ça, mais c’est un élément indispensable à la saga.
Enfin et surtout, les personnages. Ils parlent beaucoup, moins que dans le 2, certes. Les dialogues entre PNJ de votre groupe n’existent pas et certains personnages manquent complètement de profondeur, réduits au simple rang d’archétype – la voleuse espiègle, le barde pas doué, la grosse brute au grand cœur, la magicienne arrogante, la druidesse, la noble naïve, etc… mais y a des figures mythiques (et à la rigueur, les archétypes, c’est marrant, faut pas déconner). Le légendaire Minsc (présente-t-on encore Minsc et Bouh le hamster intergalactique ?) vous accostera à Nashkel en vous intimant de l’aider à sauver « sa sorcière » Dynaheir – cette pauvre demoiselle qu’Irenicus de BG2 trucidera sans pitié. Il vous présentera sur ces entrefaits Bouh et vous ne pourrez, au mieux, qu’afficher une perplexité polie. Elminster et Drizzt, figures emblématiques de l’univers des Royaumes Oubliés, feront de brefs passages dans votre destinée. Sarevok, ensuite, the bad guy. Bon, c’est mon chouchou, donc il fallait que j’en parle. L’archétype même du méchant très méchant, brutal, sans pitié, à la voix caverneuse, avec des yeux qui deviennent jaunes et scintillent quand il est en colère. Le monstre de la nuit, quoi. Ça colle très bien avec le personnage principal, qui a priori a peur de lui, et est un gamin (de vingt ans, certes, mais un gamin). A noter que Sarevok est très charismatique et sait s’entourer d’une clique fidèle (pauvre Tamoko…), et est aussi plutôt intelligent et parviendra, si vous êtes comme moi, à vous duper et à vous faire faire une grosse connerie ; mais, lorsque vous le confondez en public, au lieu d’essayer de se sauver la face, il vous attaque et hurle où que vous alliez, il vous retrouvera. Intelligent donc, mais pas très futé. (Oo) On dirait Anakin Skywalker. Sauf qu’il a plus de classe qu’Anakin Skywalker (attention, je parle bien d’Anakin et pas de Vader). Sarevok n’est pas Jon Irenicus, mais il reste un méchant foutrement charismatique et, globalement, l’un des personnages les plus intrigants de la saga. Et vous, vous êtes un peu son antithèse, au début de BG1. Même si vous avez décidé d’être aussi sadique et taré que lui.
Le héros, choix judicieux ?
Qui a peur du grand méchant loup…
Car si Sarevok vous rétame de coups d’épée qui font mouche A CHAQUE FOIS, le personnage principal est lui un boulet. De niveau 1, avec un THACO (chance de toucher l’adversaire) avoisinant la vingtaine et des jets de sauvegarde pitoyables… et il s’agit sûrement d’un des aspects du jeu que j’adore le plus. La première aventure du héros tient lieu de voyage initiatique, encouragé par une carte du monde – plus précisément, de la Côte des Epees – complètement libre, qu’il pourra explorer à votre guise (lui n’en a pas, de guise). Avant de devenir une véritable légende (cf. Throne of Bhaal), il va devoir sauver des poulets qui parlent et des vaches attaquées par des petits bonhommes bleus, galérer pour acheter une simple armure de plates même pas magique, lancer des projectiles magiques qui ne feront qu’un point de dégât chacun, ne parvenir à frapper son ennemi qu’une fois sur quatre, fuir face à Sarevok mais aussi face à de simples kobolds (sept points d’expérience chacun) et surtout, surtout, se faire avoir. Toujours. Tout le temps. Partout. Il (ou elle, au passage) galère, découvre, fait des rencontres, frôle la mort vingt fois par jour, s’enthousiasme, flippe, désespère, et grandit. Va se rendre compte qu’il a un lien direct avec une prophétie sur les enfants du Dieu du meurtre Bhaal, apparu durant le Temps des troubles, où les divinités de Féérune ont du prendre chair et marcher parmi les mortels. Vous l’aurez compris, Mainchar est un gosse, certes spécial et puissant, mais rien qu’un gosse paumé et la plupart du temps naïf.
Bien vieilli ?
Le jeu n’est pas exempt de défauts, et malgré mon amour éperdu, il me faut lister ceux qui m’ont frappée. Le gameplay, malgré une interface de jeu relativement facile à prendre en main, frise parfois l’insupportable : je ne compte pas le nombre de fois où j’ai du rechargé le jeu pour gagner un nombre de points de vie acceptable en passant un niveau. Règles de Donjons et Dragons, OK : mais ne nous rendez pas fous, SVP. Les graphismes ont vieilli même si la direction artistique reste admirable et que la vue isométrique est parfaite pour le jeu. Les personnages ont l’air rigide – c’est drôle de les voir bouger comme des pantins, mais c’est lent. Pour explorer une zone lambda, donc une zone quasiment vide, il vous faudra force de patience si vous jouez avec le moteur original d’Infinity Engine. Aujourd’hui, pour pallier ces inconvénients, il existe le très connu mod Tutu qui permet de jouer à BG1 avec le moteur de BG2 – ce qui améliore non seulement les graphismes mais vous permettra aussi de jouer toutes les classes supplémentaires du second opus et de ne pas souffrir des lacunes du gameplay original. Un must have donc… Le doublage français m’a arraché les oreilles. Propriétaire de la version Mindscape, j’ai installé toute la saga en anglais, mais j’ai entendu tellement de commentaires sur la voix d’Imoen que ma sale curiosité féminine m’a fait réinstaller le jeu en français. Plus jamais ça ! Imoen est effectivement tellement insupportable que je l’ai tuée moi-même au bout de dix minutes de jeu, l’accent de Jaheira est forcé jusqu’au ridicule, Gorion perd de sa prestance et Sarevok a l’air asthmatique – et pas de façon cool comme Darth Vader. En anglais, il me fait flipper ; en français, il me fait rire. De cela découle, cependant, le seul avantage du doublage français : il insiste sur le côté décalé voire parodique du jeu, ce qui est appréciable, même si le pari est mieux tenu par BG2. Personnellement j’ai pas pu supporter French BG1 longtemps, mais certaines voix sont, il faut l’avouer, proprement hilarantes (j’ai explosé de rire au « SEIGNEUR DU MEUUUURTRE » final).
Qu’il est mignon !
Non. Ne pas la tuer. Surtout ne pas la tuer. Elle est utile.
L’un des plus gros défauts de BG1, pour moi le plus gros et le plus impardonnable, c’est la quasi impossibilité de jouer un personnage méchant. Tuez la veuve et l’orphelin, volez du fric sans complaisance, votre réputation sombrera (et cela même si vous tuez un mendiant au fond d’une ruelle miteuse où personne ne va), les gardes vous attaqueront de tous les côtés, mais surtout, les marchands vous feront payer des prix astronomiques (vous pouvez dire adieu à la robe de l’archimage) et les personnages bons quitteront votre groupe. Certes, ça marche aussi dans le sens inverse : jouez les saints et les méchants du groupe se barreront, voire chercheront à vous faire votre fête. Mais il y a beaucoup plus de personnages bons que mauvais dans la liste des personnages à recruter. Dès le départ, un héros mauvais est désavantagé et aura beaucoup plus de mal à évoluer qu’un héros gentil. C’est injuste et frustrant d’être limité à ce point ; on parle bien d’un RPG, d’un jeu de rôles¸ et ne pouvoir jouer limite que le rôle du gentil est décevant. C’est d’autant plus stupide que Sarevok, lui, est un pur méchant mais qu’il a une excellente réputation à la porte de Baldur. Toutes les nobles que j’y croise parlent de l’épouser. Pourquoi je pourrais pas bénéficier du même traitement de faveur et avoir la ville à mes pieds en jouant les bonnes cartes de la diplomatie ? Ce système de réputation à la sauce BG est franchement médiocre et illogique. Mais bon, vu le plaisir qu’on prend au reste, on peut passer outre… Je n’ai pas peur de le dire, ce jeu est une pure légende !
A retenir
Baldur’s Gate 1 fait figure d’introduction, de premier essai, pour laisser place à un Shadows of Amn mythique, objectivement plus abouti en terme de gameplay, de quêtes et de possibilités. Mais BG, c’est une ambiance, c’est être avant tout un aventurier lambda confronté à moult galères, perdu et sans ressources – peut-être que ça aide à un processus d’identification avec le joueur. Dans tous les cas, l’ambiance vaut le détour, et qui a joué au 2 devrait au moins se tâter de ce bon vieux BG.
Plateforme : PC
Genre : Jeu de Rôle
Développeur : Bioware
Editeurs : Interplay
Date de sortie : 5 janvier 1999
Rating:
Karrie
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Enfin, une analyse complète, sans faute de Français ni d’orthographe et une fresque brillamment résumée. J’ai repris l’aventure également. En fin d’année dernière sont sorties les versions « enhanced » de BG1, BG2 et Icewind dale. J’avais lu beaucoup de commentaires négatifs sur ces nouvelles moutures… Prix prohibitifs pour le peu d’intérêt que présentaient ces remodelages, etc… Pas d’accord du tout je ne suis ! On récupère des jeux en haute définition, le passage d’une carte à l’autre se fait instantanément, ainsi que les sauvegardes. Un énoooorme plus par rapport aux versions d’origine. Car il faut avouer que vers le milieu du jeu, quand les données commencent à s’accumuler, cela devenait très ch… de changer de zone. Bon enfin bref, ces trois nouvelles versions ne m’ont apporté que du bonheur. La saga des BG est arrivée (presque) au niveau de Neverwinter nights qui reste quand même un des sommets du genre. En tous cas, Grand merci à Karrie d’avoir posté ce commentaire qui donne vraiment envie de découvrir ou redécouvrir ce jeu.
Januspetrus
PS : Le nom de Mainchar, ne serait-il pas tout simplement une contraction de Main character ? Rien n’empêche de créer un perso avec le nom qui nous plait.
Dans la version Enhanced de BG1 les voix sont en anglais et les textes en français.
Même s’il s’agit d’un ancien article, merci pour ton long commentaire, ça fait toujours plaisir.
Au plaisir !
Ancien article certes, mais en années Balduriennes, c’est le temps d’un soupir ! :-))
Ah oui, j’ai re-découvert le jeu qui m’avait passionné quelques années terriennes auparavent. Et comme je le disais dans mon message, les versions enhanced ont beaucoup amélioré les choses.
Et 14 euros, qu’est-ce que c’est comparés aux sommes fabuleuses dépensées pour des jeux de consoles actuels, qui n’ont pas la durée de vie et l’intérêt que les donjons procurent.
A bientôt pour de nouvelles aventures !! :-)