Japan Expo 2017 : Interview Kazutaka KODAKA (Danganronpa)
Le créateur et scénariste des jeux de la série Danganronpa était présent à Japan Expo. L’occasion pour nous de lui poser quelques questions. On en apprend parfois beaucoup avec une question assez simple en apparence !
C’est peu de temps avant la soirée Pokémon que j’ai eu le privilège de rencontrer Kazutaka Kodaka pour parler un peu de son travail sur Danganronpa. Cela tombe bien, nous parlerons très bientôt de Danganronpa Ultra Despair Girl.
En attendant notre test, voici donc les quelques questions que j’ai eues la chance de poser :
Gamingway : Comment êtes-vous devenu créateur et scénariste de Danganronpa ?
Kazutaka Kodaka : J’ai fait des études pour travailler dans le cinéma, puis j’ai commencé à travailler dans une boutique de jeux vidéo. Je me suis rendu compte que ce n’était pas le cinéma qui m’attirait et j’ai commencé à écrire des scenarii pour les jeux vidéo.
Gamingway : Dans Danganronpa 3, est-ce vraiment un nouveau cycle qui commence ? Aucun rapport avec les jeux précédents ? Pas de clin d’œil ou de référence qui va tout dévoiler des premiers jeux à ceux qui ne les ont pas fait ?
Kazutaka Kodaka : C’est un tout nouveau jeu avec une nouvelle histoire et de nouveaux personnages. Même si l’univers est le même, on peut le faire sans avoir joué aux deux premiers.
Gamingway : Les fans (NDLR : français) ont noté de grandes différences entre les jeux et l’animé. Les jeux sont cohérents, alors que le comportement des personnages est parfois étrange, voire pas en rapport avec ce qu’on sait d’eux dans l’animé.
Kazutaka Kodaka : C’est surprenant, car le premier animé reprend les phrases du jeu, donc il n’y a pas de différence en théorie. Cela vient peut-être de la traduction. Dans Danganronpa 3, on a affaire à un jeu vivant qui évolue avec le temps. On n’a pas des personnages avec un caractère fixe : ce sont des adolescents qui ont tendance à changer avec le temps. Les personnages peuvent donc évoluer différemment entre le jeu et l’animé.
Gamingway : On peut tisser des liens avec d’autres personnages, mais cela ne va pas très loin et n’influe pas le scénario. Pour un jeu très axé sur le côté psychologique, ce n’est pas un peu dommage ?
Kazutaka Kodaka : Les liens qui se font avec les autres personnages sont des séquences qui se produisent un peu n’importe quand. Si on veut influencer le scénario avec ces liens, un scénario qui me prend 1 ou 2 ans à écrire me prendrait deux fois plus de temps. Comme je veux écrire le scénario dans un délai raisonnable, je ne peux pas le faire. Peut-être qu’en engageant d’autres scénaristes, ce serait possible. Mais je souhaite garder un maximum de contrôle sur le scénario.
Gamingway : On compare souvent (NDLR : en France/Europe) Danganronpa à Ace Attorney, le qualifiant d’Ace Attorney plus mature. Est-ce un hasard ou une volonté de reprendre le concept en plus violent ?
Kazutaka Kodaka : En japonais, c’est Gyakuten Saiban (NDLR : en plus, je le savais !). En effet, j’ai été un petit peu influencé par ce jeu, mais pas seulement. Au Japon, il y a beaucoup d’autres jeux dans le même genre, mais qui ne sont absolument pas connus ici et qui m’ont également beaucoup influencé.
Gamingway : Comment faites-vous pour rendre l’ourson Monokuma aussi sadique, malsain, drôle et charismatique ?
Kazutaka Kodaka : En fait, j’ai simplement créé le personnage comme il est et le résultat est devenu Monokuma. La doubleuse de Monokuma dans le 1 et le 2 (NDLR : Nobuyo Oyama, contrainte de mettre fin à sa carrière pour des problèmes de santé dus à son grand âge) prêtait sa voix à Doraemon (NDLR : de 1979 à 2005). Doraemon, c’est un symbole de gentillesse pour les enfants. La différence entre le personnage de Monokuma, très sadique et violent, et la voix du personnage national tout mignon Doraemon a eu pas mal de succès auprès des enfants.
Gamingway : Ce n’est pas trop difficile de maintenir cette ambiance glauque et malsaine tout au long des jeux ?
Kazutaka Kodaka : Je n’ai pas forcément conscience que c’est compliqué. À chaque fois que je crée un nouveau scénario, je le fais dans l’intention de faire quelque chose totalement nouveau. La chose à laquelle je fais le plus intention, c’est de donner un jeu avec des personnages comme des montagnes russes : par moments il y a une scène drôle et juste après il y a une scène horrible où quelqu’un meurt, donc c’est la continuation de ce genre de scènes.
Gamingway : L’équilibre entre les personnages déjantés, l’humour noir et l’univers sombre, vous y arrivez aussi sans trop y réfléchir ou c’est quelque chose de compliqué à réaliser ?
Kazutaka Kodaka : Le fil principal de mon scénario est que je le fais en voulant me faire plaisir, plutôt que de vouloir faire plaisir à tout le monde. Plutôt que de penser à chercher constamment un équilibre calculé, je crée un personnage qui me fait rire comme j’en ai envie et je peux le corriger en fonction de ce que je pense et non en réfléchissant à ce que les gens pourraient en penser. Quand les fans du monde entier viennent me dire « J’adore votre jeu ! », c’est comme s’ils me félicitaient directement.
Gamingway : Les autres séries du même genre (NDLR : les Visual Novel comme Ace Attorney ou Professeur Layton) se sont arrêtées au bout de 6 épisodes environ, car ils ne trouvaient plus d’inspiration pour d’autres jeux. Pensez-vous pouvoir faire mieux ?
Kazutaka Kodaka : Je crée Danganronpa parce que c’est quelque chose qui m’amuse. Tant que j’aurai du plaisir à créer mes jeux, je continuerai à le faire. La création de Danganronpa ne repose pas sur du marketing ou sur quelque chose que l’entreprise/l’éditeur m’a demandé de faire. On est vraiment sur une équipe qui veut se faire plaisir et qui crée des jeux tels qu’elle a envie de les offrir au grand public. Tant qu’on parviendra à se faire plaisir, on continuera. Là où il peut y avoir un petit risque, c’est que ce qui nous fait plaisir ne corresponde pas du tout à ce que le grand public attend. Ce jour-là, il y aura un problème. J’ai encore des tonnes de projets dans la tête.
Gamingway : Merci beaucoup et longue vie à Monokuma !
Petite photo souvenir juste avant de partir :
Un grand merci à Lucie, Célia et Fabrice pour m’avoir accordé ce rendez-vous !
Pareil pour Ace Attorney : la série est mise en pause on n’a plus aucune nouvelle depuis le cross-over avec Layton. Hotel Dusk n’a eu que 2 épisodes et de nombreux autres jeux aussi. C’est le genre qui veut ça : comment trouver l’inspiration suffisante pour créer des tas de jeux tout en se renouvelant ? C’est pourquoi beaucoup préfèrent s’arrêter avant de faire n’importe quoi. Faire déjà 6 jeux est énorme.
– Ace Attorney est loin d’être en pause depuis le crossover avec Layton. En 2016, est sorti le dernier volet de la série pour le moment, Phoenix Wright : Spirit of Justice. Et les spinoff Dai Gyakuten Saiban sortent au Japon sans que ça sorte chez nous pour le moment.
– Layton est sur le point de revenir. Enfin, pas le Professeur Layton mais Lady Layton est sur le point d’arriver sur nos contrées.