Dossier : Nintendo et les personnages gays/lesbiens/transgenres
Les jeux vidéo tiennent une place de plus en plus importante dans notre vie, culture, société. Il est donc normal de les voir refléter cette dernière. Aussi, depuis quelques années, sommes-nous habitués à voir toutes sortes de « minorités » incluses dans nos loisirs favoris. D’ailleurs, ces dernières années, les personnages gays et lesbiens sont présents dans de nombreuses licences à succès (GTA, Fable, Fallout, Dragon Age, Metal Gear Solid, etc). Mais est-ce un phénomène réellement récent ? Ces quelques exemples vont vous montrer le contraire.
Si de nombreux éditeurs et développeurs intègrent des personnages gays et lesbiens à leurs productions, intéressons-nous plus particulièrement au cas de Nintendo. Pourquoi ? D’une part, parce que cette entreprise est souvent vue par le grand public comme une fabrique à mascottes toutes mignonnes qui transpirent la niaiserie, alors que ce n’est pas vraiment le cas. D’autre part, parce que Nintendo a toujours voulu être précurseur des nouvelles tendances, explorer de nouvelles pistes, même si cela n’est pas forcément reconnu. En plus, c’est une entreprise japonaise et ce détail a de l’importance : en effet, les plus grandes avancées socio-culturelles dans les jeux vidéo viennent de cet archipel, comme l’émergence des personnages féminins forts, mais ça, c’est pour une prochaine fois. Petit tour rapide des personnages et comportements gays/lesbiens/transgenres qu’on peut trouver dans les jeux Nintendo, par ordre chronologique.
1988 : Super Mario Bros. 2 (NES)
Dans ce jeu sorti chez nous en 1989 (1988, c’est outre-atlantique), les joueurs font la connaissance du sympathique ennemi Birdo. Cette créature étrange, à l’apparence extrêmement efféminée, est en réalité décrite dans le manuel comme « un garçon qui se prend pour une fille, et qui préfère qu’on l’appelle Birdetta ». Pour beaucoup, ce personnage est considéré comme le premier personnage transgenre de l’histoire des jeux vidéo. La polémique se serait arrêtée là si Nintendo n’avait pas continué à l’entretenir par la suite. Il faut attendre la sortie de Super Smash Bros. au Japon pour voir le même genre de description, en remplaçant « Birdo » et « Birdetta » par « Catherine » (son nom japonais) et « Cathy ». L’ambiguïté sexuelle du personnage perdure : officiellement considéré comme une femme en dehors du Japon, même sur l’archipel on sème le doute dans les esprits en faisant jouer son rôle par un homme dans des spots publicitaires. Les sites officiels de Super Mario Charged Football le décrivent tous comme un personnage masculin. Selon les jeux, il est doublé soit par une femme, soit par un homme, entretenant toujours le mystère. Dans Captain Rainbow sorti sur Wii en 2008, uniquement au Japon (et qui a fait un flop…), Birdo est envoyé en prison pour avoir utilisé les toilettes des femmes, alors que le robot de surveillance le considère comme un homme et le héros doit trouver des preuves de son genre en fouillant sa chambre, preuve fournie par un sextoy censuré mais censé démontrer qu’il s’agit d’une femme. D’ailleurs, quelqu’un a eu la bonne idée de mettre un extrait du jeu en ligne :
On pourrait croire que cela suffit pour ce pauvre personnage, mais le site officiel japonais de Mario Kart Double Dash relance le débat par une petite phrase très explicite qui se passe de commentaire : « Birdo est la petite-amie de Yoshi… ou devrions-nous dire son petit-ami !? ». Il est vrai que ce jeu impose des duos et qu’il faut trouver des personnages ayant certaines affinités, Yoshi semblant alors le monstre le plus adapté, mais cela fait aussi de lui le premier dinosaure homosexuel de l’histoire !
Tony et Jeff ont une relation ambigüe dans le jeu, conduisant les joueurs à se poser des question sur leurs préférences sexuelles. Cependant, d’après une interview du concepteur du jeu Shigesato Itoi (voir http://www.1101.com/MOTHER/03.html pour ceux qui comprennent le japonais), Tony est réellement gay. Sa présence est justifiée par le fait que des enfants gays existent dans le monde, donc il est normal d’en inclure dans le jeu.
Si ce jeu est un énorme succès commercial, c’est aussi la cause de bien des soucis pour Nintendo ! Pour cet article, on va s’intéresser à Lippoutou, présenté à l’origine comme un Pokémon travesti. Il faut avouer que son look de drag queen n’aide pas à en faire un monstre de poche comme les autres ! Si les Américains se sont surtout élevés contre ce personnage en prétextant qu’il s’agit d’une caricature raciste des femmes noires – obligeant Nintendo a changer sa couleur de peau dans les jeux qui suivront – pour beaucoup, ce monstre n’est rien d’autre qu’un travesti. En 2015, le pasteur américain Creflo Dollar a même accusé l’animé d’avoir rendu beaucoup de jeunes fans gays dans les années 90 ! La raison : le chara-design très « phallique » de plusieurs créatures. Bon, c’est très discutable, mais c’est néanmoins une histoire véridique et atteste du poids important des jeux vidéo sur nos sociétés.
1998 : The Legend of Zelda Ocarina of Time (Nintendo 64)
L’énigmatique Sheik apparaît pour la première fois dans ce jeu. Tandis que les joueurs apprennent rapidement qu’il s’agit d’un stratagème de la princesse Zelda pour échapper à Ganondorf, rien n’explique comment elle fait : déguisement ou transformation (comprenez par là, un réel changement de corps et d’identité) ? Une polémique a commencé à enfler et Nintendo a dû réagir officiellement : la position de l’éditeur, depuis 2014, est que Sheik est une femme (voir http://zeldauniverse.net/2014/08/05/nintendo-clarifies-that-sheik-is-a-woman/). Pour mieux faire passer le message, certains ont remarqué que l’apparence de Sheik est devenue plus féminine dans le remake 3DS de OOT et dans Hyrule Warriors.
2004 : Paper Mario La Porte Millénaire (GameCube)
Précisons juste que Vivian est une femme transgenre dans la version japonaise (un homme qui est devenu une femme), alors que c’est bien une femme dans la version anglaise qui a été épurée de toutes les remarques sur son côté masculin. Un changement volontaire pour éviter la censure ?
2007 : Fire Emblem Radiant Dawn (Wii)
Heather est clairement lesbienne. Ike et Soren (image de droite) ont des conversations équivoques, laissant sous-entendre que Soren serait attiré par Ike. D’ailleurs, Soren bénéficie d’un chara-design un peu efféminé.
2012 : Animal Crossing New Leaf (3DS)
Isabelle est attirée par le joueur, que ce soit un homme ou une femme. Dans la version japonaise, Gracie et Savannah ont une apparence féminine, mais sont en réalité des mâles.
2014 : Tomodachi Life (3DS)
Ce jeu qui s’apparente à une simulation de vie (mais qui n’en est pas vraiment une !) a déchaîné la colère des associations gays et lesbiennes. En effet, le mariage n’est possible qu’entre personnes de sexes opposés, ce qui est considéré comme de la discrimination, voire de l’homophobie. Certains ont même lancé une demande de »Miiquality » afin que Nintendo revoit sa position, mettant l’entreprise dans l’embarras et l’obligeant à présenter officiellement des excuses la même année :
« Malheureusement, il n’est pas possible pour nous de changer la conception de ce jeu, et un changement de développement aussi significatif ne peut être réalisé avec un patch post-commercialisation. […] Nous nous engageons, si nous créons un nouvel opus de la série Tomodachi, à nous efforcer de concevoir une expérience de jeu qui est plus inclusive, et représente mieux l’ensemble des joueurs. ».
À vérifier dans un éventuel Tomodachi Life 2, si une suite est toujours prévue !
Ce débat a même attiré l’attention de John Oliver (Nintendo Gay Marriage HBO), vidéo que je ne peux que vous conseiller :
2015 : Fire Emblem Fates (3DS)
Ce jeu, décliné en deux versions (Héritage et Conquête), rend possible les mariages gays et lesbiens, dépendant de la version du jeu. À tester dès sa sortie chez nous, ce qui ne devrait plus trop tarder !
[MàJ du 23/03] Le jeu sera légèrement modifié pour l’Amérique du nord et l’Europe. Alors qu’au Japon, il est possible de faire boire une potion magique à une lesbienne pour la forcer à épouser un homme, le faisant apparaître comme une femme à ses yeux, cette scène sera supprimée ainsi que les éléments de conversation considérés comme gays. La censure va-t-elle priver les joueurs de répliques croustillantes ?
Selon Koichi Hayashida, producteurs de nombreux jeux issus de la licence Mario, les Toad n’ont pas de sexe, contrairement à ce qu’on croit. Généralement, Toad est censé être un mâle et Toadette une femelle, mais c’est faux et ils sont juste de simples amis. Voici ses déclarations alors qu’il était interrogé à propos de Captain Toad Treasure Tracker :
“This is maybe a little bit of a strange story, but we never really went out of our way to decide on the sex of these characters, even though they have somewhat gendered appearances. But I think what I can say is that Toadette and Toad are not siblings – perhaps it would be more accurate to say they are adventure pals. And that’s certainly true here [in Captain Toad]. […] This particular riddle might stay unsolved. That’s one of the great mysteries of the Mario universe.”
Ces quelques exemples montrent bien que Nintendo est une entreprise qui fait ce qu’elle peut pour créer des jeux qui collent le plus possible à nos sociétés contemporaines et que les préférences sexuelles des personnages touchent tous les styles de jeux, même ceux considérés comme « pour enfants ». Ce n’est pas un tabou, c’est une évolution normale qui suit celle de nos sociétés et n’a aucun impact sur le développement des jeunes joueurs, quoi qu’en pensent certains. N’hésitez pas à laisser des commentaires, par exemple, si vous souhaitez savoir si d’autres gros éditeurs en font autant.
Par exemple :
« Vivian est une femme transgenre » et non « un trans masculin ».
Désolé mais je ne vois pas ce qu’il y a d’irrrespectueux, donc j’aimerais plus de précisions si possible. Je veux bien apporter des modifications mais j’aimerais comprendre ce qu’il y a de choquant, car à mon avis pour beaucoup de lecteurs il n’y a absolument aucun offense.
Cordialement
Merci d’avoir rectifier ce passage.
Je me souviens bien de la scène où Vivan est triste lorsque elle se fait mégenrer par sa sœur (qui dit qu’elle est un garçon).