L’année 2018 a fortement été marquée par les commémorations du centenaire de la fin de la Première Guerre Mondiale. L’occasion pour DigixArt de sortir un nouveau jeu sur cette guerre, mais très éloigné d’un Medal of Honor ou Call of Duty. Voyons donc ce que II-II Memories Retold a à raconter sur cette sombre période.

Deux destins croisés

11-11 Memories Retold met en scène deux hommes qui n’ont rien en commun. On commence par incarner Harry, jeune photographe canadien, qui décide de s’engager après avoir reçu la visite d’un officier un peu fanfaron. Ce dernier le convainc que devenir photographe de guerre va le faire passer pour un héros, et ainsi lui valoir les faveurs de toutes les filles à son retour. Harry pense alors que partir au front lui permettra de séduire la fille de son patron, dont il est amoureux, mais qui se désintéresse de lui. On passe ensuite assez rapidement à Kurt, un ouvrier allemand qui travaille loin de chez lui et qui apprend, à la radio, que l’unité dans laquelle se trouve son fils vient de disparaître. Kurt décide alors de s’engager pour le retrouver.

Ces deux hommes, aux âges et conditions très différents, n’ont rien de commun à part se trouver sur le même champ de bataille, dans deux camps opposés. Aucun d’eux n’aspirent à tuer le plus d’adversaires possible, mais seulement à vite rentrer chez eux pour reprendre une vie normale. Ils sont tous les deux confrontés à des situations difficiles et ont chacun une vision propre des événements, qu’ils racontent à leur façon dans les lettres qu’ils envoient à leurs proches.

Une direction artistique controversée

Comme son titre l’indique, 11-11 Memories Retold se passe dans les souvenirs des deux protagonistes. Les graphismes reflètent donc cet état : le jeu adopte des images floues, qui bougent sans arrêt, aux tons pastels. Les contours ne sont pas nets, car le joueur est vraiment plongé dans les pensées des deux hommes. Il en résulte des graphismes atypiques, vraiment très artistiques, mais qui peuvent dérouter. D’ailleurs, il arrive qu’on ne distingue pas certains objets à ramasser en raison du style graphique qui fait passer de simples textures pour d’autres choses. On a l’impression d’être devant de très vieilles photos abîmées par le temps qui s’animent ou d’évoluer dans un monde onirique. Il faut donc adhérer à ce choix visuel pour apprécier pleinement ce jeu qui aborde la guerre de façon vraiment humaine.

Une aventure humaine émouvante

Après s’être habitué aux graphismes assez surprenants, on suit avec intérêt les péripéties de nos deux personnages, embarqués dans un conflit qu’ils ne veulent pas vivre. On est face à leurs doutes, à leurs angoisses, à leur envie de ne pas décevoir leurs proches ou de ne pas leur faire peur. On est dans l’intimité des soldats, qui sont avant tout de simples êtres humains et qui ne souhaitent qu’une chose : rentrer chez eux en un seul morceau ! L’histoire est très bien écrite et met parfaitement en avant le côté humain du conflit.

Le jeu est une aventure narrative à la troisième personne : on se contente de fouiller les divers environnements à la recherche d’objets à collectionner, tout en parlant à quelques individus. Il arrive d’interagir avec certains éléments du décor, voire de participer à des mini-jeux, comme éviter des mines à bord d’un bateau. Toutefois, les interactions sont assez limitées et les mini-jeux, peu nombreux, pas très passionnants. Heureusement que le scénario est très bien ficelé et émouvant, car c’est le principal atout du titre !

Pour renforcer l’immersion, les voix sont en anglais ou en allemand, ce qui permet de mieux (re)vivre la guerre en identifiant rapidement, par les voix, dans quel camp on se trouve. Le jeu a des sous-titres français, afin de permettre au plus grand nombre de suivre l’intrigue. Les deux héros ont aussi quelques particularités propres. Par exemple, Harry, en tant que photographe de guerre, peut prendre des photos à tout moment, tandis que Kurt sera amené à jouer les techniciens. 11-11 Memories Retold permet, à travers la vie des deux personnages, d’en apprendre plus sur la guerre.

Une sorte de « docu fiction » pleine d’archives à débloquer

En se promenant dans les niveaux, Harry et Kurt peuvent trouver des objets à collectionner. Ces derniers sont tous associés à un thème spécifique. Si on récupère toutes les parties d’un thème, on débloque alors des documents tirés des archives sur la première guerre mondiale. En débloquant toutes les archives, on déverrouille une vidéo bonus. De quoi apprendre plein de choses tout en s’amusant, comme dans un serious game ! En plus des soldats européens, on croise aussi ceux issus des colonies : de nombreux aspects de ce conflit sont évoqués, mais toujours en insistant sur le côté humain.

Les actions de Kurt et d’Harry ont un impact sur le scénario. Sans trop chambouler les événements (on ne va pas changer les gagnants !), on peut accéder à une fin particulière. Car si, dès le début, on sait qu’on est dans les souvenirs des deux personnages, rien ne dit que cela va bien se passer pour eux. Le joueur évolue donc dans une sorte de compte à rebours qui pourrait s’avérer fatal et le but est d’essayer d’adoucir la fin, voire de choisir qui va vivre en faisant des choix judicieux. Mais rien n’indique comment nos choix vont influencer la suite des événements.

Une aventure courte, mais poignante

11-11 Memories Retold n’est pas un jeu de guerre, mais un jeu sur la guerre. Une aventure humaine pour rappeler aux jeunes générations que les soldats sont des êtres humains avec des sentiments. Une aventure humaine qui montre qu’il n’y a pas de gentils ou de méchants, de perdants ou de gagnants, mais uniquement des destins brisés. Si le jeu est assez court (6 à 10 h) et le style graphique un peu rebutant, l’histoire est merveilleusement bien écrite et émouvante. DigixArt a bien réussi sa mission et propose, une fois encore, un jeu original et qui fait réfléchir, tout en incluant des éléments éducatifs. En mélangeant serious game, docu-fiction et jeu d’aventure intimiste, 11-11 Memories Retold interpelle le joueur et le fait réfléchir sur le sens de la guerre. C’est certainement le plus important et c’est sûrement ce qui fait de 11-11 Memories Retold un jeu culte sur la guerre.

Enguy

Points forts :

– Direction artistique originale
– 2 destins croisés
– Doublages anglais et allemands, sous-titres français
– Une aventure humaine émouvante
– Nombreuses archives à débloquer

Points faibles :

– Aventure un peu courte
– Niveau technique faible
– Interactions trop limitées
– Mini-jeux peu inspirés
– Le style graphique peut faire fuir !