Interview : Julien Pirou – Lead Level Designer de Might & Magic Heroes VI

Aujourd’hui nous avons l’honneur de recevoir Julien Pirou, lead level designer de Might & Magic Heroes VI, mais également présentateur sur la chaine de TV Nolife, journaliste à ses heures, blogeur et j’en passe. Il a bien voulu répondre à nos questions et nous en dire un peu plus sur le jeu Might & Magic Heroes VI qui sort demain (le 13 octobre 2011)!

– Interview de Julien Pirou

Le Mag Jeux Vidéo : Bonjour Julien, peux-tu brièvement te présenter et nous parler de ton parcours ?

Julien Pirou : Bonjour, je m’appelle Julien Pirou, je suis le Lead Level Designer de Might & Magic Heroes VI. Mon parcours est assez atypique car j’ai débuté en tant que graphiste dans l’audiovisuel et journaliste de jeu vidéo à mes heures perdues.

J’ai toujours rêvé de travailler dans le jeu vidéo et j’ai réalisé de nombreuses cartes et campagnes en tant qu’ « amateur » pour des jeux tels que StarCraft, WarCraft 2 et 3, Age of Empires, Duke Nukem 3D, Unreal Tournament, Freespace 2… Et bien entendu Heroes 2, 3, 4 et 5 ! J’ai réalisé une campagne pour Heroes 5 baptisée Legends of the Ancients (http://lota.celestialheavens.com/) qui m’a valu d’être repéré par Fabrice Cambounet, alors producer de Heroes 5. J’ai alors été recruté pour réaliser la carte exclusive basée sur le jeu Might & Magic Dark Messiah, qui était incluse en bonus dans l’édition complète d’Heroes 5. Les délais étaient très serrés, mais Ubisoft était content de mon travail et le producer d’Heroes 6, Erwan Le Breton, m’a plus tard recontacté pour travailler sur le jeu.

LMJV :  Quel était ton rôle sur le projet Might and Magic Heroes VI et comment s’est passé la conception du jeu?

J.P. : J’ai rejoint l’équipe Ubisoft il y a environ 2 ans pour aider à coordonner les efforts entre l’équipe de scénaristes à Ubi et les développeurs du jeu chez Black Hole. Dans Heroes 5, qui était développé par le studio Russe Nival, on sentait que les scénaristes voulaient raconter une histoire mais que les level designers avaient autre chose en tête. Ubisoft voulait éviter cette situation avec Heroes 6.

J’ai donc beaucoup discuté avec les scénaristes du jeu pour comprendre le type d’histoire qu’ils souhaitaient raconter et comment celle-ci pourrait se matérialiser au sein d’un niveau de Heroes. Je réalisais ensuite le briefing du niveau, les grandes lignes de son déroulement et de sa géographie, des inspirations pour l’atmosphère et la décoration… Tout ça était ensuite envoyé à Black Hole qui réalisait le niveau proprement dit. Mon travail s’est donc apparenté à celui d’un directeur artistique.

J’ai aussi écrit quelques textes pour le jeu (descriptions d’artéfacts, quelques biographies de héros), aidé à réaliser quelques vidéos pour la communication du jeu, fait quelques briefings pour les créatures et les animations, etc.

LMJV :  Peux-tu nous dire quelques mots sur le jeu et les points forts que les joueurs retrouveront en cours de partie ?

J.P. : Pour Ubisoft, Heroes 5 était l’épisode « classique », qui ne changeait pas grand-chose au gameplay de base de la série.

Avec Heroes 6, Ubi et Black Hole ont pris davantage de risques afin de faire évoluer ce gameplay tout en respectant ses fondements. C’est donc toujours Heroes : on recrute des héros, qui dirigent des armées, on capture des villes, des mines, on affronte des monstres pour trouver des trésors et des artéfacts, le tout au tour par tour.

Mais H6 apporte également de nouvelles idées, qui changent la manière d’aborder la partie. Les factions sont bien mieux différenciées, chacune ayant vraiment des stratégies uniques que le joueur devra assimiler pour espérer gagner. Les cartes sont désormais découpées en « zones de contrôle », le joueur doit donc capturer la ville ou le fort gouvernant la zone pour s’emparer des ressources et demeures de créatures. L’aspect RPG a également été revu : chaque héros a accès à une classe Might et une classe Magic (typiquement, chevalier et clerc pour la faction Havre). C’était déjà le cas dans Heroes 3 et 4, mais cette fois-ci vient s’ajouter un système de réputation : par ses actions, le joueur s’engagera sur la Voie du Sang ou la Voie des Larmes, et la classe de son héros changera en conséquence, débloquant de nouvelles compétences. Le joueur a également un  plus grand contrôle sur l’évolution de son héros et les sorts et compétences qu’il pourra apprendre.

Enfin une autre grosse innovation de Heroes 6 est la dimension online, et notamment ce que l’on appelle la Dynastie. Ce sont des bonus persistants que le joueur débloque et pourra ensuite donner à n’importe quel héros. Parmi ces bonus, il y a les Armes Dynastiques, des artéfacts qui gagnent de l’XP en même temps que le héros et peuvent êtres transmises entre les parties. Il reste toutefois totalement possible de jouer offline.

LMJV :  As-tu une anecdote marrante qui se serait produite au moment de la création de Might and Magic Heroes VI à nous raconter ?

J.P. : Dans la série des Heroes, il y a traditionnellement un objet que l’on peut placer sur la map d’aventure et que l’on nomme un « signpost » (panneau indicateur). C’est un petit panneau de bois sur lequel le level designer peut écrire quelques lignes de textes, que le joueur pourra lire s’il interagit avec le panneau. En général ça se limite à des choses du genre « Attention au dragon ». Dans Heroes 6, avec un des scénaristes (Kurt McClung), on s’est dit qu’il y avait quelque chose à faire avec ces panneaux et on a passé beaucoup de temps à rédiger de vrais petits textes apportant des détails sur l’univers d’Ashan, des clins d’œil aux précédents jeux Might & Magic, et parfois quelques private jokes… J’espère que certains joueurs prendront le temps de les lire J

LMJV :  Entre ce que tu imaginais toi, en tant que fan de jeux vidéo et la réalité de la conception d’un jeu, certaines choses ont –elles changées ? Est-ce que tu t’attendais à ça ? As-tu l’impression d’avoir réalisé un de tes rêves ?

J.P. : En travaillant dans le jeu vidéo, on se rend compte que toute la difficulté va être de faire des compromis tout en essayant de faire le meilleur jeu possible. Quand on est fan, on ne réalise pas le temps et le budget nécessaire pour réaliser des choses qui nous semblent « simples ». Il est facile de se dire « les développeurs auraient du faire ça » mais la création d’un jeu se fait tellement en flux tendu qu’on ne peut pas tout faire, et on doit tôt ou tard faire des choix.

C’est ainsi que j’ai vraiment pris conscience de la difficulté du travail de producer, qui doit sans cesse jongler entre la qualité, le budget et les délais, en sachant pertinemment qu’il ne pourra jamais être gagnant sur les trois tableaux.

Enfin une autre facette du développement que les joueurs ignorent est la complexité du processus de localisation des jeux. Ce n’est pas seulement une question de traduction, mais aussi de suivi. Si les game designers décident de changer l’effet d’une compétence suite aux retours des joueurs de la Beta, c’est parfois tout le texte descriptif qui doit être changé, et donc renvoyé en traduction, ce qui signifie un dépassement de budget, etc. Bref, encore des sueurs froides pour le producer J

Pour répondre à ton autre question : en tant que fan de Might & Magic depuis l’âge de 8 ans (les RPG et les Heroes) on peut effectivement dire que c’est le travail de mes rêves J

LMJV :  Certains de nos lecteurs aimeraient probablement eux aussi travailler dans le monde du jeu vidéo, peux-tu nous en dire plus? Est-ce difficile d’accès ? Comment ça s’est passé pour toi ?

J.P. : A vrai dire je n’ai pas de vrai bon conseil à donner car comme je le racontais plus haut je suis entré dans le monde du jeu vidéo par la petite porte. Tout ce que je peux dire c’est : créez des cartes pour vos jeux préférés, créez des campagnes, des mods, voire vos propres jeux si vous en avez les capacités. Ce sera votre meilleure carte de visite. N’ayez pas non plus peur d’avoir d’autres centres d’intérêt que le jeu vidéo, bien au contraire : c’est eux qui vous démarqueront.

LMJV :  Tu es aussi animateur sur Nolife, journaliste et tu fais bien d’autres choses, peux-tu nous parler un peu de ton actualité ?

J.P. : J’anime des émissions hebdomadaires sur Nolife depuis quatre ans : Retro & Magic sur l’histoire du jeu vidéo, La Minute du Geek sur divers sujets liés à notre chère contre-culture, et plus récemment 1D6 sur les Jeux de Rôles papier.

En presse écrite, j’écris quelques articles dans IG Magazine, principalement des articles sur le retrogaming (quelle surprise).

LMJV : Quels sont tes futurs projets ? Tes ambitions personnelles?

J.P. : Eh bien je suis content qu’Heroes 6 sorte enfin, et j’espère continuer à travailler sur Might & Magic, une franchise chère à mon cœur. J’espère que nous pourrons continuer à étendre et améliorer Heroes 6, et qui sait, explorer d’autres types de gameplay dans de futurs jeux Might & Magic.

LMJV :  Quel joueur es-tu ? Quels sont tes genres de jeux ?

J.P. : Je suis un joueur principalement PC, et mes genres de prédilection sont le RPG et la stratégie. Je reste également un grand amateur de jeux d’aventure point’n click. A part ça je possède une Wii et une DS. Malheureusement je n’ai plus beaucoup de temps pour jouer et surtout finir les jeux. En ce moment j’essaie d’avancer dans Xenoblade Chronicles. Ça faisait longtemps que je n’avais pas pris autant de plaisir avec un RPG japonais.

LMJV :  Pour finir, est-ce que tu peux nous dire un petit mot personnel pour les lecteurs du Mag jeux Vidéo ?

J.P. : Pourquoi pas « petrichor » ?

LMJV : Merci et bonne continuation!
Comme on l’a déjà annoncé sur le site, Julien sera présent à un événement Might and Magic Heroes VI  à la FNAC Forum des Halles, le mercredi 12 octobre 2011 (aujourd’hui) de 17h à 19h.
Le jeu sortira le 13 octobre sur PC.


– Le site officiel du jeu Might & Magic Heroes VI : http://might-and-magic.ubi.com/
– Le blog de Julien Pirou : http://n-e-m-o.over-blog.net/
– Le site officiel de Nolife : http://www.nolife-tv.com/

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